Éditorial 93

Par Fabrice Massé

«

Faire de la danse un outil au service d’un art de vivre, dans un lieu ouvert

»

La philosophie de l’agora

L’agora, une réunion de citoyens dans un espace public qui débattent ou, en tout cas, échangent, sur des questions sociales, politiques, commerciales, environnementales… L’agora, cet espace idoine d’origine grecque qui, dans l’architecture et l’urbanisme des villes modernes, sait faire vivre la démocratie. Ou, sans gros mots, la société, simplement.
On en a un peu perdu la trace, non ?

Sauf à considérer que les rues sont devenues l’équivalent de ces « forums » dans leur désignation romaine, lors de manifestations syndicales, par exemple. Mais peut-on débattre sous des banderoles et en clamant des slogans, fussent-ils pleins d’imagination et d’humour ?

Les réseaux sociaux ? Où l’invective est la règle et l’algorithme, le vecteur truqué aux mains d’oligarques ?

Restent ces réunions publiques où élus, administrés et associations se parlent, encore, parfois grâce à l’organisation experte de cabinets spécialisés en démocratie participative… sans toujours se faire d’illusions.

Et les lieux de culture, les bars…

Quoi qu’il en soit, ce que fut par le passé la Cité internationale de la danse de Montpellier – un cloître, une prison, un centre d’interrogatoire de la Gestapo, une caserne de l’armée de l’air – ne présageait guère qu’elle fût nommée « Agora », en 2010 !

Ni que ce bâtiment soit encerclé de grilles, par la suite.
Avant nous, nos confrères du magazine en ligne lepoing.net s’en sont émus à juste titre et avec la vigueur éditoriale qu’il convient. Bien vu !

Par bonheur, la nouvelle équipe nommée à la tête du centre chorégraphique a pleinement conscience du problème et entend bien s’en saisir.

Mais cela ne sera sans doute pas facile. Même si l’ancien président de la Région Georges Frêche avait montré l’exemple lorsqu’il fut élu à l’hôtel des bords du Lez (2004-2010). Les grilles placées là par son prédécesseur avaient aussitôt disparu.

Le projet des nouveaux codirecteurs, Jann Gallois, Dominique Hervieu, Pierre Martinez,
Hofesh Shechter, « c’est de retrouver la philosophie de l’agora », de faire de la danse un outil au service d’un art de vivre, dans un lieu ouvert, en relation directe et permanente avec le quartier, la ville, le territoire…

La Ville acceptera-t-elle spontanément de retirer ces grilles ? Faut-il lui proposer de les lui racheter ? Lancer une souscription/pétition en ligne pour qu’il soit possible d’en acquérir un à un les barreaux ?

Se retrouver, tiens, dans l’Agora pour en débattre, le cas échéant ?

Au bruit de bottes qu’on entend désormais de toutes parts, celui des Repetto, des claquettes ou des sneakers de danse urbaine sera toujours le plus harmonieux.