Éditorial 92

Par Fabrice Massé

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Le langage fleuri, quant à lui, a précédé le Déluge, à coup sûr

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Langage des fleurs Vs noms d’oiseaux

Le langage des fleurs peut-il être un langage fleuri ? Pourquoi pas, mais peu probable. Pour conter fleurette, l’option semblerait même à proscrire.

Ce qui est certain, par contre, c’est que ce langage passe par le don. Dans la plupart des cas, il est rare, en effet, qu’on offre des fleurs à quelqu’un à qui on voue une haine farouche. Ou alors à l’occasion de son enterrement, à la limite : des cactus ou des chardons plutôt que des chrysanthèmes !

On offre des fleurs pour transmettre des sentiments. Mieux que des mots et, sauf maladresse, elles exprimeront un message en accord avec nos intentions.
La rose, pour l’amour, est celle à laquelle on pense en premier. Mais selon sa couleur, l’offrande n’aura pas la même signification. L’amour intense pour le rouge, on le sait, alors que la rose rose serait plus tendre et plus romantique. Le muguet de mai pour la Fête du travail et comme porte-bonheur. L’œillet également, mais au Portugal où il est symbole de liberté, avec la révolution des œillets.
L’olivier est, lui, symbole de paix et de sagesse ; la colombe prétendument envoyée par Noé après le Déluge serait revenue avec un rameau d’olivier dans le bec, signe de décrue et d’un nouveau monde possible.

Le langage fleuri, quant à lui, a précédé le Déluge, à coup sûr. Dieu l’aurait précipité sur la Terre pour punir les hommes parce qu’Il les trouvait mauvais. Leur langage antédiluvien n’était sans doute guère porté sur le don de soi, l’altruisme ou le bonheur de faire plaisir.

Aussi, en ce printemps 2025, artdeville est-il heureux de vous offrir à son tour cette une fleurie que nous offre l’actualité. Le jardin de l’artiste à Giverny, de Monet, que vous avez reconnu, a en effet un air de paradis. Un foisonnement de couleur, de quiétude, de paix.

Tandis que gronde partout le monde, que les propos fleuris de quelque président nous plongent dans les flots mauvais de la bêtise, ce tableau impressionniste nous maintient la tête hors de l’eau. Il nous indique, telle la colombe de retour sur l’arche de Noé, que de la confusion peut encore émerger le salut.

À Lunel, c’est en tout cas le message que la Ville, le ministère de la Culture et le musée d’Orsay entendent porter. Avec cette opération « 100 œuvres racontent le climat », chaque visiteur du musée Médard à qui l’on vient offrir la possibilité de découvrir ce chef-d’œuvre peut se sentir gratifié, renforcé et ainsi acteur potentiel de ce réenchantement du monde si indispensable.

Traumatisée par l’obscurantisme qui a fait partir certains de ses enfants pour la Syrie, Lunel relève la tête et indique un chemin, celui de la transition écologique, sociale, urbaine, culturelle… Il passe par ses rues, ses places métamorphosées.

Aux noms d’oiseaux, la Ville préfère le langage des fleurs. Nous aussi. Et vous ?