Capitaine de la PJ, lieutenant de police, gardien de la paix, logisticien bénévole pour Pharmaciens sans frontières… Olivier Norek a un parcours fascinant, reconverti en romancier accompli. Ses livres sont vite devenus des best-sellers, adaptés de différentes manières. Avec Impact, ce natif de Toulouse, installé à Aubin, dans l’Aveyron, transpose en roman graphique son livre paru aux éditions Michel Lafon en 2021. Un vétéran des forces spéciales, marqué par la mort de sa fille d’une maladie respiratoire liée à la pollution, crée Greenwar, un groupe écoterroriste qui veut sauver l’humanité de l’inaction des dirigeants. Il kidnappe alors le P.-D.G. de Total et réclame une « caution » de vingt milliards d’euros en faveur de l’écologie. Une psychologue et un flic doivent négocier avec le ravisseur et déterminer son profil…

Olivier Norek aborde ainsi de plain-pied l’activisme radical. « J’ai une expression que j’utilise souvent : Débattre avec les mots, se battre avec les poings », explique-t-il. À force de silencier les mots, l’homme finit par passer à l’action à travers diverses formes de protestation comme la révolte physique. Ce personnage a recours à cette violence, car plus personne n’entend ni n’écoute. « Cela fait quatre ou cinq ans que je n’ai plus entendu le mot “écologie” dans la bouche de nos dirigeants ou les campagnes politiques. C’est ahurissant ! Notre confort se paie en argent, mais de l’autre côté de la planète, il se paie en sang, en vie humaine. »
Sur 144 pages, il offre un crossover sans langue de bois, où Greenwar a supplanté Greenpeace. Le dessinateur Frédéric Pontarolo renforce l’atmosphère, offrant une palette de couleurs et de textures en variation avec les lieux et les nouvelles du globe. De même, les planches dynamiques jouent savamment avec les cases fragmentées ou débordantes qui s’adaptent à l’action.
La théorie du chaos, les répercussions et l’interconnexion de l’être humain et du vivant n’ont jamais été aussi bien mises en exergue. Le récit est une plongée dans le jusqu’au-boutisme d’un personnage dont le visage est caché derrière un masque de panda tailladé d’une cicatrice. En ligne de mire ? Total et la Société Générale. « J’aurais pu citer les industries de l’informatique, de la mode, de l’automobile, du transport maritime. Tout ce que nous faisons nécessite de l’énergie et les 80 % que nous consommons sont faits de pétrole ou aidés par le pétrole. À chaque activité, nous créons du négatif, de la pollution, du réchauffement. J’ai choisi ces deux entités pour leur hypocrisie et détachement. La SG pour son implication dans les investissements d’énergie fossile, affirmant qu’elle s’adapte à la société : si celle-ci veut consommer, nous l’aiderons à le faire. Et Total pour son côté psychopathe. Le patron évoque une fin du monde assumée et même intégrée dans le business plan. »

Du policier à l’écrivain
Impact est ainsi son deuxième roman graphique, déjà adapté en livre sonore et en pièce de théâtre audio montée par Alexis Michalik. « L’accessibilité à la lecture se fait de mille manières, grâce à Roald Dahl, Stephen King, la bibliothèque verte et rose, Harlequin, le manga… Impact est un thème d’urgence, je voulais toucher tout type lecteur. »
Si le ras-le-bol est présent depuis longtemps, Olivier Norek a écrit cette intrigue liée à ses expériences de capitaine de la PJ et de lieutenant de police. « J’ai été un policier, donc un obéissant, dans un système qui fonctionne. Nous avons des droits inaliénables remis à la justice, qui venge selon des peines différentes pour chacun. Mais lorsqu’on découvre que cette institution ne nous protège pas, n’est-on pas en légitime défense de reprendre ce droit ? Quand j’ai pris conscience qu’aucun gouvernement ni aucune institution ne nous protégeaient du pire tueur en série, la pollution, j’ai créé un personnage obéissant qui désobéit. »
Olivier Norek interroge ainsi les limites de ce droit face à la destruction de la planète, mêlant les genres avec panache. À l’aune de ses autres œuvres, il sonde les failles du système. « Dans Code 93, je dénonce le trafic des chiffres de la criminalité. Territoires raconte comment ces villes du 93 sont tenues et deviennent complices de la délinquance. Surtensions souligne l’état catastrophique des prisons et de la justice. Entre deux mondes est une enquête dans la jungle de Calais qui montre comment dans un camp de réfugiés à l’intérieur d’une ville aucune des lois du pays ne s’applique. Quant à Surface, c’est celle d’une policière défigurée par un coup de fusil au visage. »

Avenir du monde
Ce dernier roman qu’il cite est d’ailleurs le seul à se dérouler à Aubin, dans son village natal. « C’est ma région de cœur, ma grand-mère avait sa maison. Mes parents étaient enseignants, mon père est devenu énarque et ma mère directrice d’école. J’ai déménagé dix fois avant mes 18 ans. Je n’avais donc aucun ami ni aucun point de stabilité. Mon seul ancrage était l’Aveyron où je revenais les étés et à Noël. »
Si ses parents vivent toujours dans ce havre de paix niché sur une colline, Olivier Norek s’y est depuis installé. En 2018, il a acquis une maison avec un verger inondé de soleil. « J’ai l’impression d’être sur une autre planète en Aveyron. Dès l’âge de 7-8 ans, j’ai eu des terreurs nocturnes sur la mort. Ce bien a tout fait disparaître, car j’ai pu imaginer une fin de parcours honorable. » Quand on lui demande comment il voit l’avenir, il répond en demi-teinte : « Aucune génération ne prend les choses en main et encore moins celle-ci qui, avec les réseaux sociaux et le smartphone, se renferme sur elle-même. Je doute que cette génération puisse nous sauver. »
Aujourd’hui, Olivier Norek continue de multiplier les projets. Surface sera diffusé sur France 2 dans une série de six épisodes en septembre. Celle adaptée des Brumes de Caplan, dernier épisode du capitaine Coste, débutera son tournage à Saint-Pierre-et-Miquelon en janvier 2026. Les guerriers de l’hiver, narrant une partie de l’histoire de la Finlande, sera transposé au cinéma. Territoire devrait aussi connaître une adaptation sur grand écran. À terme, il ambitionne d’écrire LE livre, LE film et LA série qu’on retiendra. « Atteindre une certaine postérité. Non pas par ego ni par vanité, mais pour quelqu’un qui a peur de la mort depuis l’enfance. C’est un rêve que je pourchasse, réussir à trouver quelque chose qui va s’inscrire dans l’éternité. »

 

Impact, d’Olivier Norek,
Éditions Michel Lafon Janvier 2025
144 pages – 22,95 €