Surnommé « le Banksy de la sculpture », James Colomina s’invite depuis près de dix ans au cœur des villes en imposant ses installations expressives et rougeoyantes en époxy. S’il ne montre jamais son visage, ce natif de Toulouse de 50 ans s’est vite fait remarquer en terre natale et à l’international, de New York à Barcelone en passant par Paris, Berlin, Tokyo, Kiev et Rome.

Ses œuvres éphémères transforment ainsi l’espace public, le temps de leur exposition en catimini, pour mieux interroger nos sociétés modernes. Et ses personnages, souvent des enfants, symboles d’innocence, deviennent des figures de résistance face à l’injustice du monde, les confrontant à des sommités politiques ou religieuses en pleine dérive.
« Les enfants gardent une vérité brute, une liberté que les adultes finissent généralement par perdre, explique-t-il. Ils n’ont pas encore appris à masquer leurs émotions ni à se protéger du monde. Pour moi, ce sont des figures de courage, de fragilité et de lucidité à la fois. Ils disent ce que nous n’osons plus dire, et à travers eux, on peut encore regarder notre époque avec un regard neuf, sans cynisme. Une sculpture d’enfant, dans la rue, rappelle à chacun ce qu’il a perdu, ce qu’il devrait protéger, ce qu’il devrait défendre. »

(R)Éveil des consciences
Colomina milite contre le changement climatique, surtout contre le déni collectif à son sujet. Il interpelle sur des questions sociales et politiques, comme les inégalités, la surveillance, la robotisation ou encore le Karoshi, mort subite par overdose de travail au Japon. En novembre 2025, en territoire de polders, James Colomina s’émeut de l’augmentation du niveau des mers et océans avec deux installations qu’il expose sur les canaux d’Amsterdam, aux Pays-Bas. Quelques mois auparavant, il représente Donald Trump sortant d’une bouche d’égout dans les rues de New York pour dénoncer la division et l’indécence morale utilisées comme outils de pouvoir. Plus tôt encore, ses personnages pendus, à Tokyo, condamnent l’effacement de l’individu dans un monde régi par la performance.

Mais la liste ne s’arrête pas là ! Ses éloquents Children of Peace envahissent les rues de Barcelone, en 2024. Cette même année, où il allonge sur un chariot métallique l’abbé Pierre en érection, recouvert d’un drap, dans l’église désacralisée du Gesù à Toulouse. En 2023, il représente Vladimir Poutine juché sur un char d’assaut à Central Park, tel un enfant avec un jouet, pour dénoncer sa guerre à l’Ukraine. Fin 2020, il montre Emmanuel Macron assis en tailleur devant des tentes de sans-abri à Paris pour critiquer la banalisation de la misère sur fond d’indifférence politique.
Les emplacements que James Colomina choisit sont le plus souvent des lieux témoins d’événements marquants, où se mêlent passé et présent. « Ce qui m’anime, c’est la liberté de créer dans la rue, de déposer des œuvres sans filtre, là où elles n’ont besoin ni d’autorisation ni de justification. Je ne cherche pas à apporter de réponses, mais à ouvrir des questions, à glisser dans le quotidien des passants une image, qui dérange juste assez pour faire vaciller quelque chose en eux. »

Le rouge, dualité symbolique
Ancien prothésiste dentaire reconverti, il intrigue autant qu’il capte les esprits, adoptant le rouge, couleur identifiable et associée aux émotions fortes qui s’opposent. Ses œuvres écarlates côtoient ainsi aisément l’actualité la plus brûlante. « Une œuvre naît surtout quand quelque chose me percute, quand cela me bouscule. L’endroit où je pose mes sculptures est un amplificateur, et l’actualité peut en être un aussi. Ce qui m’importe, c’est que chaque installation trouve sa place dans la ville, dans son moment, et qu’elle réussisse à questionner ceux qui la croisent. »
Récemment, il a ajouté une nouvelle corde à son arc. Deux ans après avoir repris une œuvre de Banksy, la poste ukrainienne Ukrposhta a choisi l’artiste toulousain pour une série de timbres, baptisée Art vs War, s’emparant de trois sculptures installées à Kiev : Le Messager, La Colombe, La Petite Fille à la balançoire. Son œuvre vient ainsi rendre hommage aux artistes et civils touchés par la guerre, transformant la sculpture « en message de paix et de courage ». S’accompagnent une enveloppe illustrée par L’Attrape-cœur (enfant tenant un cœur devant son visage aux côtés d’un nounours) et une carte d’art de La Marelle (jeu enfantin tracé au sol sous forme d’un missile russe).

Enfin, en octobre, il a rejoint la galerie In Arte Veritas à Toulouse, qui présente certaines pièces entre quatre murs. James Colomina redéfinit ainsi les contours de sa discipline et s’affirme comme une force de l’art urbain, envisageant l’avenir d’un double regard : « La rue échappe encore aux règles, et c’est ce qui en fait un terrain vivant, un lieu où l’art peut surgir à n’importe quel moment, pour n’importe qui. Pour moi, l’avenir dépend de cette liberté-là. J’espère qu’on saura préserver cet esprit de spontanéité, d’audace et de clandestinité qui fait toute sa force. »

james-colomina.com – @jamescolomina
In Arte Veritas – 10, rue de la Trinité 31000 Toulouse
inarteveritas.com

Légendes

1 et 2 – Nouvelles installations de James Colomina à Amsterdam sur le réchauffement climatique et la montée des eaux.

3 – Donald Trump sortant d’une bouche d’égout de New York