
Depuis ses débuts, Mathias Malzieu fait de son art une poésie lyrique de l’imagination, pleine d’envolée, d’humour et de profondeur. Après une dizaine de romans, comme La Mécanique du cœur et Une sirène à Paris, tous deux adaptés au cinéma, l’artiste, originaire de Montpellier (il a vécu aussi deux ans à Toulouse), revient avec une œuvre protéiforme autour du deuil et de la résilience. L’homme qui écoutait battre le cœur des chats retrace à travers des félins et des fantômes le chemin vers la guérison d’un couple, le sien, après une fausse couche qui a failli coûter la vie à sa compagne Daria Nelson, artiste et photographe plasticienne. Il couche ainsi son vécu sur le papier et transcende les traumas sur un chemin pavé de poésie et de fantastique. « Pour ce livre, comme presque tous les autres, le bleu de la flamme commence par des lignes écrites, explique Mathias Malzieu. La liberté est totale, surtout sur un sujet aussi intime que celui-ci. »
Bienfaiteurs aux pattes de velours
Cet ouvrage a pris corps après trois ans et demi de travail en deux versions. « La première était plus brute avec pour titre Réparer l’enfant, confie-t-il. Au départ, je voulais l’aborder de manière sérieuse et frontale pour être le plus vrai possible. Une erreur. Il fallait une échappatoire. Quand j’ai perdu ma mère, j’ai inventé un géant. Quand j’ai subi ma greffe de moelle osseuse, Damoclès est devenu sexy. Ces personnages naissent de ma mythologie. J’ai trouvé la musique en prenant le masque des chats. J’ai pu injecter de la poésie et de l’humour qui manquaient au premier texte. Ce pas de côté de la littérature me permet d’être à la fois plus léger et plus profond. »
Au fil de son introspection, Mathieu Malzieu a fait naître un album musical et un spectacle sur scène qu’il n’avait pas envisagés. Il rythme ainsi son récit de musiques tirées de ses madeleines de Proust (Le Magicien d’Oz, Les Doors, Johnny Cash, Georges Brassens) et de celles de Daria Nelson (Claude François, Lady Gaga, West Side Story). Sur 208 pages, l’art et les chats colmatent les brèches des douleurs de la vie. « Ces félins sont un apaisement, mais c’est surtout ce qu’on fait de notre voyage qui ouvre le champ des possibles dans cette remise en question. Cet équilibre s’est cristallisé entre la fiction, le style, le réel et l’émotion. »
À l’instar de ses précédentes créations, Dionysos, son groupe de rock fondé il y a trente ans, compose les musiques entre arrangements et reprises, avec Mike Ponton, à la guitare, et Daria Nelson, au chant. L’homme qui écoutait battre le cœur des chats fait suite à La Symphonie du temps qui passe, l’hymne à l’amour de son couple. Depuis la sortie du livre, de l’album CD/vinyle et du spectacle sur scène, il s’est créé entre lui et sa compagne une « conversation possible » et un « apaisement du temps également à l’œuvre », comme il le formule. « Il y a une vraie beauté dans notre compréhension de l’un et de l’autre », ajoute-t-il. Parmi les nombreuses dates à venir en 2026, le show sera notamment présenté à la Philharmonie de Paris les 20 et 21 décembre 2025.
Second souffle maternel
Aujourd’hui, l’artiste de 51 ans s’empare d’un nouveau sujet littéraire et intime. Après avoir évoqué son père dans Le Guerrier de Porcelaine, il reprend ici le carnet inachevé de sa mère, où elle raconte son enfance à Oran, en Algérie. Une partie se déroulera aussi à Montpellier. « Mes parents ont vécu des histoires de guerre, d’identité, et moi je suis un enfant du rock’n’roll, car ils se sont rencontrés lors d’un bal en dansant le rock », confie-t-il, le sourire dans la voix.
« Dans sa jeunesse, ma mère gagnait des radio-crochets avec sa tante, sans le dire à ses parents rigides. Mais à cause d’eux, elle a cessé d’être créative, tout en gardant une forme de fantaisie qu’elle m’a transmise et qu’elle mettait dans sa cuisine. Elle ne faisait pas seulement à manger, elle inventait des recettes et elle chantait. Quand elle est tombée malade, elle a vécu une phase de rémission et s’est mise à écrire des poèmes. Ce moment extraordinaire est la base de mon livre, où je lui invente une vie de chanteuse, qu’elle aurait pu avoir, et des chansons, qu’elle aurait pu écrire. »

Œuvre à l’univers étendu
Si ce livre, attendu sur les étals en 2027, sera accompagné d’un nouvel album de Dionysos, Mathias Malzieu poursuit ses pérégrinations avec un autre projet, prévu à l’orée 2029. Il prépare aussi l’adaptation au cinéma de la dernière nouvelle de son livre L’Extraordinarium, intitulé L’orphelinat des amis imaginaires.
Ce préquel, mi-live mi-animé, à L’homme qui écoutait battre le cœur des chats sera centré sur les fantômes avant l’arrivée des félins. Des réarrangements d’anciennes chansons marqueront le retour de personnages issus de l’épilogue de L’Extraordinarium, tiré de chacun de ses livres. « Il y a un côté Petit Prince avec ce héros animé. Il va découvrir son identité en retournant dans son pays imaginaire et revoir des personnages qui vont revivre en étant confrontés à une nouvelle situation. »
Quand on lui demande quel regard il porte sur sa carrière, cet homme aux talents multiples et toujours en mouvement répond posément : « Je me sens privilégié, j’ai beaucoup de chance de pouvoir vivre de ma passion. Pour moi, le succès, c’est le droit de continuer à vivre sur cette brèche. L’imagination, c’est l’empathie et le réel. Ce n’est pas seulement inventer des géants et des sirènes, c’est se mettre à la place de l’autre. »

Livre : L’homme qui écoutait battre le cœur des chats
Éditions Albin Michel – 208 pages, 2025
albin-michel.fr
Album : L’homme qui écoutait battre le cœur des chats
CD et Vinyle – Éditions Tôt ou Tard
totoutard.com









