Jean-Noël Pelen le dit lui-même : « présenter une exposition sur la tradition orale, ça paraît absurde », c’est néanmoins le pari réussi par l’équipe du musée Maison rouge – Musée des vallées cévenoles, à St-Jean-du-Gard.
Sur une proposition de Nicole Coulomb, spécialiste de la tradition orale sur le mont Lozère, Jean-Noël Pelen a donc accepté de prendre le commissariat de l’exposition Conter, chanter, raconter, sur son thème de prédilection, lui-même étant chargé de recherche au CNRS sur les questions de littérature et de traditions orales, ainsi que d’identité culturelle.

Événement reconnu d’intérêt national par le ministère de la Culture, l’exposition plonge le visiteur dans le monde du récit, puisant tantôt dans le registre de la petite enfance, tantôt dans celui parfois grivois de vieux rieurs cévenols. Contes et anecdotes, chants et légendes historiques, ou encore proverbes ou dictons sont mis en scène dans un dispositif immersif astucieux. Six « maisons » accueillent ainsi le visiteur comme assis au coin du feu, à la veillée. En réalité, des petits théâtres d’objets qui forment des tableaux naïfs, alcôves à peine éclairées comme par une bougie, et qu’un langage vernaculaire (sous-titré) anime par un discret haut-parleur, au-dessus de nos têtes.
Ici, on nous chante Lo rat al morre traucat (Le rat au museau troué) ou encore Ami mami borrisquet (Hue hue petit âne), là on nous conte La paura fornigueta (la pauvre petite fourmi). Plus loin, l’ambiance est festive avec Nautres beurem de vin (nous, nous boirons du vin)… La mémoire nous revient, même sans ascendance cévenole. L’émotion d’un vécu lointain qu’on croyait enseveli, y compris dans un contexte plus récent, plus contemporain voire citadin, ressurgit inévitablement.

« Tout le monde chantait, partout, tout le temps », explique Jean-Noël Pelen. Quant à l’art du récit, l’ancrer dans des faits réels importait peu. Légitimer une légende reposait souvent sur une simple formule, du type : « On dit dans le village » ou « La semaine dernière, mon beau-frère a entendu dire ». Ainsi, la mère morte qui coiffait ses petites filles la nuit, ou Célestin suivi par les loups, devenaient-ils bien vivants.

L’exposition se poursuit tout l’été, accompagnée d’une série de concerts, spectacles, contes, ateliers… dont le programme complet est disponible en ligne. Un volumineux catalogue comblera également l’appétit de savoir des plus curieux, et des nostalgiques.
www.maisonrouge-musée.fr