Comment susciter l’enthousiasme autour de son projet lorsqu’on est une région qui veut atteindre un bilan énergétique positif en 2050 ?
Je crois qu’il faut d’abord un leadership. Sans ce leadership à la direction d’une région, d’un pays, d’une entreprise, c’est extrêmement difficile de mobiliser les gens. Sans enthousiasme, d’en créer. Je pense que l’enthousiasme se développe par contagion ; c’est un exemple que l’on a envie de suivre.
Le mot « démocratie » a été prononcé plusieurs fois lors de la table ronde. Est-ce un préalable ?
La démocratie est un préalable pour les droits humains, pour avoir un état de droit. Ce n’est pas forcément un préalable pour le développement durable, parce qu’on voit qu’il y a certains pays dictatoriaux qui vont beaucoup plus vite que des pays démocratiques dans la lutte contre les changements climatiques.
N’est-ce pas contradictoire avec l’objectif de créer de l’enthousiasme ?
Non… Au contraire, si la base de notre qualité de vie, c’est la démocratie et les droits humains, il faut utiliser cette base-là pour aller encore plus loin. Et l’énergie propre, l’air propre, l’eau propre, ce sont des droits humains.
À l’inverse, l’énergie positive en question peut-elle être un outil de démocratie ?
Indéniablement, lorsque vous produisez votre énergie de manière délocalisée, de façon propre, avec de la main-d’œuvre locale et des technologies locales, vous augmentez la stabilité sociale, le bien-être, la richesse locale. Et indiscutablement, quand l’énergie est transportée à distance, vient d’un autre pays, c’est un appauvrissement car il faut l’acheter. Se l’approprier est souvent source de guerre.
La transition énergétique, écologique, est-ce la panacée, le remède universel ?
Il n’y a jamais de remède universel et toujours des tas de remèdes différents. Mais si on veut aujourd’hui lutter contre la pollution de l’air et de l’eau, avoir une Terre avec une atmosphère vivable, il est clair que la priorité est de remplacer tous les vieux systèmes inefficients et polluants par des systèmes modernes, efficients et propres. Et cela, ça permet d’incorporer dans le mouvement tous ceux qui vont produire toutes ces nouvelles technologies. Avec enthousiasme. Les entreprises et les industries., on n’avance pas contre elles, on va avec elles. Il faut aussi un mode de consommation plus raisonnable, avec des technologies qui gaspillent moins ou qui ne gaspillent plus. Il faut que les consommateurs apprennent aussi à ne pas gaspiller. Il faut du respect mutuel et du respect pour ce qui nous entoure.
La transition écologique n’est-elle pas aussi un excellent ressort à la créativité ?
À chaque moment, où on est confronté à un changement, une rupture ou à une crise, on ne s’en sort qu’avec de la créativité. Si on essaye de reproduire ce que l’on avait dans le passé, on ne s’en sort pas. Donc, il faut accepter que le futur n’est pas une extrapolation du passé. Qu’il y a une rupture à faire et que toutes les solutions vont venir grâce à notre inventivité et à notre esprit de pionnier.
On a du mal à comprendre que l’on puisse être opposé à un tel objectif…
Vous savez, il y a des gens qui n’ont jamais été élevés avec le respect de ce qui les entoure, de l’être humain, la nature, ses ressources. Pour certains, l’extra court terme est le seul avenir.
La région est un grand pôle aéronautique et spatial qui abrite notamment Airbus. Quels sont vos contacts avec eux ?
Tom Enders (président exécutif d’Airbus Group) m’a raconté que quand j’ai initié le projet Solar impulse, ses ingénieurs riaient en disant que l’on ne pourrait jamais construire cet avion. Quand on l’a construit, ils ont ri en pensant que l’on ne pourrait jamais voler, quand on a voler, ils ont ri parce qu’ils pensaient que l’on allait s’écraser. Et quand on ne s’est pas écrasé, ils sont retournés tout de suite à la direction en disant qu’il fallait absolument développer des programmes d’aviation électrique. C’est maintenant ce qu’ils sont en train de faire. Mais je ne suis pas en contact industriel avec eux…
Les besoins sont différents. Nous avons construit un prototype, non industrialisable, qui avait comme but de montrer ce qui était possible. Leur but, c’est maintenant de transformer cet outil de transport qui doit durer trente ans, transporter des centaines de personnes.