Quoi de mieux pour susciter la curiosité qu’associer deux artistes connus à la première saison d’un centre d’art contemporain ? Le bienveillant JR, qui affiche les portraits géants de 400 habitants dans la cour de l’ancienne Banque de France ; le plus controversé Orlinski dont la ménagerie pseudo pop orne les squares André-Chénier et Gambetta, les parvis du Prado et des Jacobins. Ce dernier, condamné pour contrefaçon d’une œuvre de Klein et habitué des tribunaux (Le Parisien, 24 juillet 2019) est toutefois plus présent dans les magazines de décoration que dans ceux consacrés à l’art.

L’opération interpelle : faire (du) populaire est-il compatible avec l’ambition de favoriser la rencontre avec l’art contemporain ? « On essaie d’apporter un maximum de réponses à tout le monde », répond Pascal Dupont, le directeur du pôle culturel de la Ville de Carcassonne. Désormais à la tête du centre d’art contemporain, Pascal Dupont entend les interrogations et les questions que l’inauguration a soulevées : « On ouvre tout juste, tout à fait conscient du travail à réaliser avant d’installer l’identité du lieu. »
La mission est confiée à la Carcassonnaise Adalaïs Choy-Descamps de l’agence Solelhar pour les douze mois à venir, c’est elle qui assure d’ailleurs le commissariat de l’exposition inaugurale. Une synthèse est d’ores et déjà prévue au printemps prochain pour faire le bilan des deux premières expositions en termes de fréquentation, aussi pour évaluer la reconnaissance et la réputation du lieu.

L’alliance de l’art et du patrimoine
Le centre d’art contemporain de Carcassonne est un service de la Ville, ce qui garantit la gratuité de son accès pour les visiteurs. Il est la traduction d’une volonté municipale de revendiquer pour la culture un statut d’essentiel, ici sur le volet de l’art contemporain et de sa créativité « sans cesse en mouvement ». Le projet, en gestation depuis 2005, voit le jour en raison de la conjonction favorable de plusieurs éléments malgré un contexte de contrainte budgétaire.
« Notre première idée était d’ouvrir un musée, un impair au regard de l’investissement qu’une telle initiative représentait, explique Pascal Dupont. Mais le maire, Gérard Larrat, nous a confié une mission à laquelle on répond aujourd’hui présent malgré des reports successifs. De belles opportunités se sont présentées cette année et on s’est dit : “Banco, il faut vraiment qu’on fasse cette alliance entre l’art et le patrimoine !” »
Les bâtiments de la Banque de France appartiennent à un propriétaire privé qui a pris en charge la restauration des trois étages. La municipalité, en retour, s’acquitte du loyer, de la sécurisation du site (70 000 €) et de son aménagement (80 000 €). Le projet, enfin, rencontre le soutien de deux collectionneurs privés, Jacques Font et Frédéric Lux (Art brut & Outsider – Les Amis du Château de Cun), dont les prêts constituent l’essentiel des œuvres exposées.

Un pas après l’autre
Les œuvres, celles d’une soixantaine d’artistes, signatures renommées comme émergentes, qui se répondent dans chaque salle tandis que des espaces sont dédiés aux résidences. Quatre artistes ont été sélectionnés pour cette saison inaugurale à la suite d’un appel à projets : Eugène Pereira Tamayo, Jihane Khelif, Pauline Rousseau et Daria qui travaillent sur le thème « Le(s) patrimoine(s) » jusqu’au 15 août. Ils présenteront leurs créations pendant un mois, du 22 août au 22 septembre.
Et après ? « Après, c’est bien cette question qu’il va falloir développer, conclut Pascal Dupont. Comment le centre d’art va-t-il fonctionner dans les années à venir ? On souhaite trouver un équilibre entre les prêts issus de collections et la demande des artistes pour des résidences ou des expositions. On travaille aussi à nouer des relations avec les Fonds régionaux d’art contemporain, à Toulouse et Montpellier, qui aboutiraient d’ici à 2028. »
Au musée des Abattoirs, à Toulouse, on confirme : « Offrir plusieurs accès et multiplier les points de vue sur l’art contemporain est une bonne chose pour le public et la scène artistique. Cela participe au dynamisme culturel de la Région. Et, en effet, nous sommes tout à fait ouverts à faire des passerelles entre nos deux institutions selon les projets qui seront développés, comme nous le faisons avec d’autres établissements d’art en Occitanie et dans d’autres régions. »

Centre d’Art Contemporain, 5 rue Jean Bringer, Carcassonne
Tel 04 68 77 73 96 – Du mardi au samedi de 10h à 12h30, de 13h30 à 18 h – Entrée gratuite
Exposition inaugurale, jusqu’au 21 septembre :
« Au-delà du visible : Les mondes imaginaires de l’artiste »
« Inside Out Project », initié par JR
Exposition Hors-les-murs (Richard Orlinski), jusqu’au 22 septembre.

Montpellier : le Carré Sainte-Anne rouvre… aussi avec JR

Le Carré Sainte-Anne, lieu précurseur de l’art contemporain à Montpellier, a rouvert ses portes début juin après sept ans de travaux de restauration. Un heureux événement pour cette église néo-gothique de 1869 et pour l’art contemporain qui, depuis 1991, accueille de grandes expositions : dédiées à la jeune création européenne d’abord, puis à des artistes reconnus de la scène internationale.
Le chantier, mené par Altémed, mandataire de la Ville, a mobilisé près de 200 ouvriers d’une trentaine de métiers d’art, avec un investissement de 5 M d’euros.
Une première exposition photos inaugurale, « Sainte-Anne au carré » s’est achevée le 15 juin. Elle retraçait l’histoire du lieu au fil du temps. La seconde, Adventice, visible du 26 juin au 7 décembre, explore la mémoire des lieux à travers, l’œuvre du célèbre photographe… JR, et conçue là encore grâce à la participation du public.

Légendes photos : Outre les œuvres populistes et controversées d’Orlinski, celle bienveillante et populaire de JR, et l’art brut d’André Robillard,. Dont un de ses célèbres fusils « pour tuer la misère ».