La culture est en effet la mère de toutes les batailles.
Tandis que nous cherchons ici le moyen de bâtir des villes-nature, d’autres, aux antipodes, tentent de préserver les leurs. Contre nous. Voilà des millénaires que les Waorani habitent des villes-forêt, qu’un équilibre fragile, presque miraculeux, maintient encore à grand-peine. Ses voies sont rivières et sentiers. De part et d’autre s’y trouvent nourriture et plantes médicinales, que chaque enfant autochtone apprend dans sa langue à identifier. Car ce qui pousse ici est unique et précieux. Pas question donc de prélever à cet environnement plus qu’il n’est nécessaire ni d’en perdre la mémoire.
Or, pour nous, ces forêts sont des ressources tout autres. Le pétrole notamment justifie qu’elles soient en partie rasées, sa biodiversité sacrifiée, son bois exotique exploité et les surfaces ainsi libérées, remembrées pour un usage agricole plus productif. Notre civilisation ne saurait s’en passer.
Quitte à laisser les Waorani, Amérindiens et peuples autochtones se faire massacrer par les prospecteurs d’or noir, chercheurs d’or tout court et autres défricheurs ?
Mais de quelle civilisation parlons-nous ?
Au domaine d’O de Montpellier, ce mois de juin, on a célébré la langue, les langages et la diversité des manières de les mettre scène. Pour ravir nos cœurs et nos âmes. Pour nous faire réfléchir, aussi.
On y a vu du bon et du très bon théâtre : Gaviota, Sur l’autre rive, Portrait de famille, une histoire des Atrides, Marius, Journée de noces chez Cromagnon, Madame Laventure… qui démontrent que dans l’adversité, il y a toujours une voie heureuse, rieuse, créative, punk et parfois banale pour en sortir, fût-elle ponctuée de drames et de tragédies.
La nouvelle Cité du théâtre a fusionné peu à peu ses anciennes directions artistiques et, bientôt, devrait en faire de même au niveau administratif. « Pour des questions d’efficacité », nous dit-on (cf. artdeville n° 87).
La culture est en effet la mère de toutes les batailles. Pour agir bien, il faut avoir du cœur, une âme, laïque ou religieuse, et réfléchir.
Alors cette question… Comment garder l’esprit critique quand on réduit la diversité créative et les moyens de l’exprimer ? D’ailleurs, l’exemple vient d’en haut : par un exercice vertical du pouvoir au sommet de l’État, on voit comment les choses peuvent mal tourner ! La moindre aspérité de caractère, excès d’égo, devient soudain un fardeau bien encombrant pour tout un pays.
Mais cette déculturation démocratique qui nous empêche de trouver la mesure des choses – de l’enjeu climatique, notamment, ou plutôt les outils pour s’en prémunir – n’est pas inexorable. Au soi-disant pragmatisme qui veut qu’on accepte l’inacceptable au nom d’un pseudo-progrès politique, social, économique – comme de construire encore des infrastructures vaines et compromettre au passage l’avenir des territoires –, il faut savoir opposer la réalité des faits. Et trouver les mots, la langue, le moment… Aujourd’hui ! Sinon, au nom d’une hypothétique efficacité « démocratique », illusoire, d’autres s’en chargent chaque jour.
Plus qu’à une décarbonation des esprits, qui est un premier pas, c’est à une reculturation existentielle à laquelle il faut s’atteler. Quoi qu’il advienne le 7 juillet.