Éditorial 66

Par Fabrice Massé

«

Les villes ont besoin de “conteurs en chef” 

»

Et si… ?

Début février, en cette veille d’élections municipales, une tribune libre parue dans le quotidien Midi libre lançait un appel aux futurs maires et présidents d’intercommunalités à « être les hussards de la transition écologique ». Cosignée par une trentaine de « maires ou candidats de gauche de l’Hérault », ces personnalités rappelaient le « cri d’alarme des experts du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, NDLR] » qui exhortent de lutter contre le changement climatique : « Il faudrait réduire de 45 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2030, et les émissions nettes devraient être égales à zéro à l’horizon 2050. » Les signataires ajoutent : « Dans ce contexte, l’échelon local doit pouvoir montrer la voie. » Ils s’engagent, en cas d’élection, « à organiser des COP26 territoriales et à instituer des Giec locaux qui permettront : la réduction de la consommation d’énergie et de la production de déchets, la mise en place de filières d’alimentation bio et locales, des territoires 100 % énergies renouvelables et la rénovation thermique, voire phonique, des parcs immobiliers à l’horizon 2050 ».

Or, parmi ces signataires, certains défendent encore des projets d’infrastructures routière ou immobilière au Bilan carbone® élevé, incompatibles avec ces objectifs. Par les atteintes à la biodiversité et à la santé humaine qu’ils engendrent ; par leur coût exorbitant – dont le montant sera infiniment plus utile ailleurs –, ces projets hypothèquent de manière exponentielle le succès de la transition écologique.

Et d’ailleurs, à quoi bon ces nouvelles instances ? Les cris d’alarme des experts d’ici seront-ils mieux entendus ?

Des dispositifs, technocratiques mais utiles et nécessaires, existent déjà. Ils s’appellent Plans d’aménagement et de développement durable (PADD) et sont inclus dans les plans urbanisme (SCoT, PLUI), eux-mêmes évalués par les Missions régionales d’autorité environnementale (MRAe). Comme le Plan climat air énergie territoriale (PCAET), le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), le Plan de déplacement urbain (PDU),… qui doivent d’être conformes aux lois et à celles du Grenelle sur l’environnement en particulier, aux accords de Paris de la COP21…
Tous intègrent des réunions de concertations – obligatoires ! – avec les habitants, les associations de défense de l’environnement, les experts d’ici ou d’ailleurs. Ces réunions sont souvent très sérieuses et riches en enseignements. Et qu’en ressort-il ? Pas grand-chose, la plupart du temps. Les dossiers sont ficelés par des cabinets sous-traitants, validés en commissions occultes, et approuvés en conseil intercommunal à l’unanimité, sans débat véritable. Rien ni personne ne peut vraiment les amender. Et quand cela arrive parfois ? On passe outre ! Les exemples sont légion.

À propos de légion… Souhaitons malgré cela à ces futurs hussards de la transition écologique bonne campagne. Surtout qu’ils gagnent des batailles. Mais pour gagner la guerre – gagne-t-on jamais une guerre ? –, il faudra qu’ils s’arment de COP territoriales radicalement innovantes et qu’ils rassurent sur leur promesse écologique… et démocratique, donc. Et si les COP26 des hussards de la transition intégraient la révocation de ces élus en cas d’échec ?

À la Business School de Montpellier, le 5 février dernier*, « l’inventeur » des Villes en transition, Rob Hopkins, témoignait de sa méthode enthousiasmante pour mobiliser en ce contexte collaspologique. Il rappelait la puissance de l’imagination, des « et si… ? ». Il affirmait que les villes ont besoin de « conteurs en chef », organisateurs de séances de brainstorming. Sans « oui, mais… ». Elles permettraient de tracer « une ligne temporelle » jusqu’à l’objectif.
Seule une candidate montpelliéraine était présente dans l’amphi de la Business School. Elle est aussi la seule à avoir conditionné la poursuite de son action, en cas d’élection, à une consultation publique à mi-mandat. Alors, certes, les hussards ne sont pas des kamikazes ! Mais chiche ?
* À l’initiative du magazine Sans Transition !