Éditorial 80

Par Fabrice Massé

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L’urgence écologique impose une autre culture

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Places vs parkings

L’exposition Musées en exil fait écho, malgré elle, à la vague de pseudo vandalisme perpétrée par des militants écologistes contre des œuvres emblématiques du patrimoine mondial. Elle rappelle avec force combien il est dangereux d’opposer l’art à toute cause, y compris à celle qu’on juge aujourd’hui et à raison la plus vitale. À quoi bon la nature sans la culture ? A-t-on conscience de l’une sans l’autre ? La lecture forcément premier degré que l’opinion se fait de ces coups d’éclats condamne l’intention et détériore durablement l’image de celles et ceux qui agissent sincèrement et sans dommage. Pour une simple raison : ces actes annihilent l’objectif, la vie.

La vie, on en débat à l’heure où nous bouclons, à la COP 15 sur la biodiversité. Le CNRS y est en soutien scientifique de la délégation française sur le thème « Cities With Nature and Regions With Nature ». Car on sait, notamment depuis le sommet de la Terre de Rio de 1992, le rôle central qu’ont à jouer les villes et les collectivités locales en général dans la mise en œuvre des changements radicaux nécessaires à la préservation de la vie.

Or, au centre des villes et des régions, se trouvent les places, ces endroits particuliers où depuis l’Antiquité se forment les opinions publiques, lors de rassemblements sociaux, politiques, mercantiles, festifs… Lieux de rendez-vous par excellence, ces agoras sont les espaces d’échange et d’expression que tous les édiles et leurs administrés, les citoyen.ne.s, ont à cœur de choyer.

En ces temps de crise climatique, quatre places de la région Occitanie font l’objet de travaux particuliers, dont les principales des deux Métropoles. À Toulouse et Montpellier, place du Capitole et place de la Comédie, on prévoit végétalisation et fontaines qui apporteront ombre et fraîcheur pour s’adapter. Tout comme à Sète, pour les places Aristide Briand et Victor Hugo.

Mais sous chacune d’entre elles, des parkings souterrains restreignent sensiblement l’ambition de cette transition de l’environnement urbain. Vestiges sombres et encombrants d’un passé dont on ne sait pas encore se défaire, ces quasi-no man’s land d’asphalte et de béton armé régissent toujours l’espace urbain et continuent d’y régner en maîtres.

Qui réussira à remettre enfin en cause leur toute-puissance ?

Des écoles philosophiques des agoras antiques aux mouvements des places du début des années 2010 (Occupy, Nuits debouts…), la réflexion n’a jamais cessé. Mais nous apportera-t-elle aujourd’hui la sagesse face aux enjeux colossaux du climat et de la biodiversité ? Saurons-nous renoncer, sans nous battre, à de telles infrastructures urbaines, inutiles et mortifères ? Saurons-nous au contraire concevoir un environnement urbain résilient, propice à une action rapide et résolue en faveur d’une vie meilleure ?

L’urgence écologique impose une autre culture ; elle n’est pas un parti pris.