Indissociable du festival Jazz in Marciac (JIM) qu’il a créé en 1978, aux côtés du saxophoniste Guy Laffitte et du trompettiste Bill Coleman (tous deux disparus), Jean-Louis Guilhaumon garde plus que jamais la flamme pour cette nouvelle édition, la 47e ! Dans un petit village gersois d’à peine 1 300 âmes, loin de toutes infrastructures autoroutière, ferroviaire ou aéroportuaire, l’ancien professeur d’anglais au collège de Marciac, maire de la ville depuis 1995 et vice-président du conseil régional de Midi-Pyrénées depuis 2004, a réussi à hisser JIM au rang des plus grands festivals de jazz mondiaux. Aujourd’hui, même si son gigantisme fait jazzer – près de 300 000 personnes accueillies l’an dernier –, le festival continue d’aligner les légendes dans sa programmation (lire ci-contre). Des musiciens qui prennent plaisir à revenir ici régulièrement, à l’image du trompettiste Wynton Marsalis, cette année encore parrain de l’événement, et dont la statue s’élève sur la place du bourg. Les raisons de cet engouement tant du côté des artistes que du public ? On pourrait avancer une programmation artistique d’excellence autour du jazz et de ses musiques cousines, l’implication à chaque édition d’un millier de bénévoles, une diversité à tous les étages (sociale, de genre, de style…), du militantisme associatif et une liberté de ton… tout cela a sans doute fait de Jazz in Marciac l’un des douze festivals les plus emblématiques de France (selon une étude menée par Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS). « Nous avons récemment lancé une consultation auprès du public pour connaître ses attentes et ses degrés de satisfaction au vu de la programmation, de l’organisation de leur séjour, des prestations… et ce fut un véritable satisfecit pour le festival, s’enorgueillit le directeur artistique Jean-Louis Guilhaumon, avant d’ajouter : Cela ne nous empêche pas de préfigurer notre fonctionnement pour les années à venir. Avec plus de 85 % d’autofinancement, Jazz in Marciac fait preuve d’une santé financière assez singulière, mais c’est la faiblesse des finances publiques qui est préoccupante. Nous sommes obligés de compter sur nos propres recettes (billetterie, partenariat privé…). »

50 levers de rideaux
Avec cette année un budget global de 5,8 millions d’euros, le festival est devenu un véritable outil de développement du territoire qui générerait près de 20 millions d’euros de retombées économiques. Loin d’être négligeable. Courant sur dix-huit jours, il s’appuie sur deux outils : un chapiteau et l’Astrada. Le premier, avec sa jauge de 6 000 places, programme des stars internationales – en mode Zénith, reprochent d’ailleurs certains dirigeants de festivals plus modestes. De son côté, l’Astrada, salle de 500 places à l’acoustique exceptionnelle, soutient les artistes émergents et se veut le centre de gravité du pôle culturel. Avec une cinquantaine de levers de rideaux à chaque saison, le lieu intègre également un volet création avec résidences d’artistes, stages de formation, accueil de jeune public et bien sûr le soutien de la filière jazz régionale.


Autour de ces deux infrastructures, l’édile cristallise de nouveaux espoirs. « Lors de la dernière assemblée générale, nous avons décidé d’évoluer vers un concept global baptisé Un été à Marciac qui ouvrira le champ à d’autres registres musicaux que le jazz – classique, pop… –, permettant ainsi de capter de nouveaux publics mais dont le festival de jazz restera bien sûr la pièce maîtresse. » Préfiguration de ce nouveau cap : la programmation croisée Brésil-France 2025 organisée avec MIMO Festival qui va accueillir des musiciens de la scène brésilienne (six concerts et deux masterclass). Alors qu’il lui est reproché par la Cour des comptes de concentrer les responsabilités (il est président, directeur artistique et ambassadeur des mécènes), Jean-Louis Guilaumon va devoir réinventer un avenir tout en sauvegardant l’âme d’un festival hors normes.

Éclectique
On ne peut que se réjouir de la programmation de haut vol de cette nouvelle édition. Des légendes, il n’en manquera pas, à commencer par le fringuant Robert Plant entouré des fines gâchettes de son groupe Saving Grace (21/07), le pape latino-rock Santana et ses rythmes enfiévrés (25/07), le crooner groovy Gregory Porter (26/07), le mutant du jazz moderne Herbie Hancock (29/07), l’un des meilleurs saxos du moment Joshua Redman (5/08), le virtuose de la guitare et du piano Egberto Gismonti (6/08), et bien sûr le fidèle Wynton Marsalis (28/07). Pour pallier l’absence de Melody Gardot qui attend un heureux événement, une soirée très festive le 22 juillet avec Marciac Celebration, en collaboration avec la radio TSF Jazz qui, pour ses 25 ans, a concocté avec ses auditeurs une playlist idéale : 25 standards de jazz seront arrangés spécialement et joués par la fine fleur des musiciens (Robin McKelle, Anne Sila, Hugh Coltman) autour de la maîtresse de cérémonie Chinese Moses. Honneur aux artistes féminines avec Madeleine Peyroux, figure emblématique du jazz contemporain (22/07), la sophisticated Dee Dee Bridgewater (1er/08) ou encore l’enfant de la balle et avenir du jazz Veronica Swift (26/07). Place également aux figures montantes comme le jeune pianiste Christian Sands (28/07), à la boulimie musicale des six moustachus de Deluxe (3/08) ou celle de la fanfare techno de La Meute (3/08), et aux nombreux talents émergents présentés à l’Astrada (Célia Kameni, Grégory Privat, Léon Phal…). Sans oublier le festival bis, gratuit, qui permet de découvrir de jeunes artistes prometteurs sur une programmation éclectique où se télescopent tous les courants du jazz.

Légendes : Parmi les invités cette année, Hermeto Pascoal y grupo, Herbie Hancock, Carlos Santana,  Sophie Alour, rare femme de la foisonnante programmation.