18 ans déjà que le festival K-Live transforme les rues de l’île singulière en un musée à ciel ouvert (MaCO), insufflant une force artistique dynamique, encourageant les échanges, enrichissant le tissu social. Alexone, C215, M.Chat, Madame… artistes de renommées internationales et jeune garde émergente ont égrainé plus de quarante œuvres d’art dans le paysage urbain sétois. De l’audace, il en a fallu mais la « dreamteam », comme aime l’appeler sa chef de file Crystel Labasor, a tenu le cap, « préférant faire l’impasse sur certains projets au profit de sa liberté de ton et d’action. »

Le mur appelle l’artiste
Pour cette nouvelle édition, K-Live a pris le temps de la réflexion, nouvelle audace quand l’époque souffre de la peur frénétique de l’instant. Le temps de dresser un état des lieux du chemin parcouru, d’en mesurer l’impact et d’imaginer le futur. « Depuis quatre ans, nous maintenons nos actions avec le souci de faire moins mais mieux, indique Crystel Labasor. L’an dernier nous avions invité trois artistes, cette année, un seul, Nelio (lire ci-contre), qui va intervenir sur un projet d’envergure dont nous rêvions depuis des années : réaliser une fresque sur le mur de la résidence Pasteur. » Bien connu des Sétois, cet immeuble de quinze étages est visible de part et d’autre de la ville. L’équipe a travaillé deux ans sur le projet pour obtenir soutien de la municipalité et accords de la copropriété et des Bâtiments de France. Le défi pour Nelio n’est pas des moindres : poser sa signature sans s’imposer brutalement au paysage.

Des sons qui ont du sens
Depuis 2022, K-Live Young invite de jeunes street artistes régionaux à réaliser une peinture murale à plusieurs mains sur l’ile de Thau. Cette année, ils seront quatre – Beral.A, Luzeye, Emmanuelle.B et Elasko, à prolonger la fresque du mur de l’École Brassens (29 mai – 3 juin). Version urbaine du cadavre exquis inventé par l’écrivain surréaliste André Breton, K-Live Exquis se jouera à quatre mains, celles de Lek et Sowat qui interviendront en live et à l’aveugle sur une œuvre commune (31 mai). Ateliers de peinture menés avec les femmes de l’île de Thau ou avec des enfants, temps d’échanges, c’est aussi ça le cœur battant du festival.
Côté musical, ça va bouncer grave lors de la Block Party (31 mai), avec les sets de DJ Charly Cut, iZem (featuring le Brésilien Dan’ïLê) et Groove Sparks.
Et puis bien sûr, le 7 juin, en toute subjectivité, mon rendez-vous préféré au Théâtre de la mer. Après les pépites Isaac Delusion, FKJ, Fakear ou Tricky, la chanteuse multi instrumentiste et compositrice Léonie Pernet déboulera sur la scène avec son troisième album Poèmes Pulvérisés, dans des fulgurances à la croisée de l’électro et de la pop. Inspirée par sa synesthésie (phénomène neurologique permettant de visualiser une couleur à chaque son qu’elle entend), la Toulousaine DeLaurentis prendra ensuite les platines avec sa dernière œuvre électrospatialisée aux sons tourbillonnants. Poté clôturera la soirée, le dj caribéen a l’art de faire danser.

« Les arts sont le plus sûr moyen de se dérober au monde. Ils sont aussi le plus sûr moyen de s’unir à lui », disait Franz Liszt. La formule sied à merveille à K-live !

Le mirage Nelio

Son univers singulier, entre minimalisme formel et expressionnisme abstrait, ne cesse de se nourrir de rencontres et d’expérimentations, à la croisée du design graphique, de l’architecture, de l’illustration, du graffiti et de l’histoire de l’art. Affranchi de tout académisme, l’autodidacte Nelio, unique invité de cette 18e édition, va avoir la lourde charge de réaliser une fresque XXXL sur une façade de 30 mètres de hauteur et 40 de long. Pour l’artiste, la note d’intention est claire : il ne souhaite pas « imposer une lecture trop directe ou brutale aux habitants mais plutôt susciter leur curiosité ou leur imaginaire ». Suggérer plutôt que démontrer, c’est d’ailleurs le souci constant de Nelio qui se refuse à donner trop de clés de lecture (y compris dans le titre de ses œuvres !). « La fresque mêlera abstraction et figuration en suggérant l’idée de paysage. Pour qu’elle ne lasse pas les habitants sur le long terme, je souhaite utiliser une gamme chromatique pastel inspirée de la ville, de ses canaux, de la végétation du Mont Saint-Clair, avec des dégradés pour effacer certaines lignes de la composition, et qui rendront l’œuvre plus organique et plus vivante. »
Stimulé par la contrainte de l’exercice, qui est pour lui la base de la création, Nelio devra s’adapter à un autre défi, celui de dessiner à 30 mètres du sol, non pas sur une nacelle mais sur un échafaudage susceptible d’altérer sa vision globale. « Il y a un gros travail à faire en amont sur l’esquisse et les couleurs et donc moins de place pour l’improvisation mais cela force à créer des protocoles de création uniques », explique l’artiste. Une fresque à son image, discrète, construite comme dans un rêve et ouverte sur l’horizon, tel un mirage.

K-Live Festival, du 29 mai au 7 juin 2025 à Sète.

Légendes :

1- K-LIVE Exquis
Lek & Sowat
© Nicolas Gzeley

2- MaCO de Sète.
Artiste : Philippe Hérard
K-LIVE 2022.
© Camille DUB.

3- MaCO de Sète
Artiste : Satone
K-LIVE festival 2017.
© Corinne Sospedra