Banksy à Montpellier ? L’annonce pouvait laisser incrédule. Pourtant, c’est bien une expo « officialisée » par Banksy qu’on a pu découvrir du 3 au 17 octobre au 88 bis, avenue de Toulouse, dans les modestes murs de Luttopia004. L’événement était organisé au profit de SOS Méditerranée et devait être prolongé d’une semaine pour répondre aux sollicitations des nombreux visiteurs.

Combat social
Organisée par la Banksy Modeste Collection, l’association Luttopia, les éditions Anagraphis et la Ville de Montpellier, l’exposition mettait en lumière la collection privée constituée par le comédien François Berardino – alias Béru. Sérigraphie, affiches, pochettes de disques et de divers objets liés à Banksy reconstituaient à leur manière un panorama artistique de l’artiste britannique connu pour son engagement humanitaire. Encadrées sans façon ou en vitrines, les pièces étaient présentées entre les murs de la maison mise à la disposion de l’association Luttopia par la Ville, et qui servira de lieu d’hébergement d’urgence à l’issue de l’exposition. « Pour des questions administratives, nous ne pouvions pas ouvrir le lieu plus tôt, alors dans l’intervalle, un des salariés d’Anagraphis qui travaille avec nous bénévolement a proposé d’accueillir cette exposition », explique Gwen, cheville ouvrière de Luttopia.
Le combat social de l’association, exemplaire, est à coup sûr l’un des éléments décisifs qui a ému Banksy.

« L’esprit est là »
Déjà présentée à Grigny – ville dont le maire a été récemment nommé meilleur maire du monde* –, l’exposition a en effet obtenu l’accord de l’artiste lui-même (ou de son équipe, on ne sait pas) pour que l’exposition ne soit pas déclarée comme « Fake » sur son site internet comme le sont beaucoup, parfois organisées par de grands musées. À artdeville, Béru raconte : « Un gars est venu la voir et s’est approché de moi, il m’a dit “c’est bien, l’esprit est là“. Je ne le connaissais pas. Puis il m’a donné une adresse mail, avec un lien qui m’en a ouvert un second – pour brouiller les pistes, je suppose – et je pense que j’ai pu échanger avec Banksy. Il m’a envoyé un dessin qu’il allait faire à Bristol. Je le garde précieusement sur mon téléphone ! »

200 m de queue
Pour l’occasion, Béru n’a pas hésité à détourner deux images célèbres de Banksy. Un « outrage » que « l’artiste accepte si c’est fait dans une intention louable », explique le collectionneur. Celle de cet homme qui jette un bouquet de fleurs comme on lance un cocktail Molotov ; il lance cette fois une bouée en forme de cœur, potentiellement destinée aux migrants en mer à qui SOS Méditerranée porte secours. Les bénéfices de l’exposition seront versés à l’ONG. La deuxième image représente une jeune fille qui, dans la version originale, serre dans ses bras une bombe ; revue par Béru, il s’agit d’un bateau, le Louise Michel, un navire financé par Banksy, il y a quelques années, qui n’avait malheureusement pas pu accomplir sa mission. À partir de cette image, 200 sérigraphies numérotées ont été tirées par Anagraphis et vendues 120 € pendant ces deux semaines, soit 24 000 €. Le samedi 9 octobre, « il y avait environ 200 m de queue devant Luttopia ! », s’enthousiasmait Gwen tandis que le nombre de visiteurs dépassait les 3 600.

14 000 euros pour une journée de mer
Sachant que « 14 000 euros représentent une journée de navigation pour SOS Méditerranée », rappelait lors du vernissage Jean-Pierre Lacan, président de la section héraultaise (la plus importante) de l’ONG, et qu’une mission de quelques jours peut permettre de sauver des centaines de vies, le succès de l’exposition a de quoi réjouir : « Les gens sont plus solidaires qu’on le dit », analyse Gwen. Réjouir aussi la Ville, que l’adjoint au maire Michel Calvo représentait ce soir-là : « La première délibération qu’on a votée après que nous avons été élus, c’était une subvention pour SOS Méditerranée », rappelait-il. Entre le 18 et le 20 septembre dernier, SOS Méditerranée procédait encore à quatre sauvetages auprès de 129 rescapés.
* Philippe Rio a été élu meilleur maire du monde par la City Mayors Foundation, un groupe de réflexion international sur la gouvernance à l’échelle des villes.

Genèse de la Banksy Humanity Collection

En 2007, alors qu’il jouait à Londres, François Berardino se retrouve par hasard dans l’atelier d’un graffeur dont il découvre le travail. La conversation s’engage ; le courant passe. Le graffeur propose alors au comédien d’emporter deux dessins. « J’ai choisi les plus petits, au format de mon sac à dos, raconte-t-il. Quelques mois plus tard chez un ami, je découvre le livre Wall and Piece de Banksy et je comprends alors qui j’ai rencontré. »Modeste collectionneur de tout et de rien, Béru se prend alors de passion pour l’artiste qu’il piste sur internet. « Sur Pictures of wall1 et sur son site officiel, d’abord. Sa maison d’édition vendait des affiches en tirage limité, mais la demande était si forte qu’il organisait une loterie. J’ai essayé quelques fois, mais sans succès. Et puis c’est devenu beaucoup trop cher. Quant au marché parallèle, impossible. J’ai vu alors qu’il avait fait la pochette d’un disque Vynil de Blur, ça a commencé comme ça. Puis dès que Banksy organisait un événement, comme Dismaland2 ou le Walled of Hotel3, j’achetais le catalogue, je me procurais le ticket d’entrée, l’affiche… Et même le savon ! J’aime sa façon de penser. Sa façon d’être au monde et de défendre des causes humanitaires. Et je me fous de savoir qui c’est ! »
1- http://picturesofwalls.com
2- Œuvre temporaire prenant la forme d’un parc d’attractions
3- Œuvre immersive, hôtel à Bethléem, Palestine.

Modeste

La Banksy Modeste Collection compte parmi ses quatre associés Thierry Angles, par ailleurs gérant d’Anagraphis. Pas un hasard donc si le mot modeste est utilisé dans le nom de la SAS. Il rappelle non seulement les objectifs humbles de la société chargée de valoriser la collection de Béru – l’entrée des expositions doit être gratuite – mais également que l’homme de l’art est impliqué auprès d’Hervé Di Rosa, et le Musée international des arts modestes. Faut-il ainsi s’attendre à redécouvrir l’exposition à Sète ?