Ils y croyaient et y ont mis toute leur énergie, comme toujours. Tout à fond, TAF pour les intimes, est d’ailleurs le nom de leur association. Elle organise depuis 25 ans des concerts de gros son, rock, punk, garage et autres brutal death metal aux amplis saturés dans leur quartier général, la Secret Place. En lisière sud de Montpellier, à Saint-Jean-de-Védas, elle se cache au cœur de la zone artisanale de la Lauze.
Ils, ce sont quelques dizaines de bénévoles qui font tourner à plein régime l’association. C’est aussi François Pinchon, dit Fyfy, président charismatique et programmateur des 150 concerts chaque année. Enfin, normalement. Pendant la pandémie, les deux studios de répétitions dont dispose la TAF n’ont certes pas désempli, « les musiciens ont joué le jeu, explique Fyfy, reconnaissant, mais si ça continue, il ne restera que les SMAC* (les scènes de musiques actuelles perçoivent en effet des subventions – NDLR). » Le concert test était donc leur manière de combattre le Covid.

« Il faut être des guerriers ! »
« On y travaille depuis janvier », expliquait Stéphane Ricchiero, président de l’association des professionnels de l’édition musicale (APEM), partenaire de la Secret Place, lors d’une conférence de presse, organisée fin mai. Elle annonçait les deux dates des concerts tests et les conditions de l’étude menée par le CHU (avec le CNRS). L’idée était de contribuer à rouvrir les lieux culturels dès cet automne, notamment les salles de concerts de 300 à 800 places, et ceci en validant un protocole sanitaire sécurisé. Une dizaine de salles en France s’étaient portées candidates, mais seule la TAF a finalement été retenue. « Ça a été un chemin de croix ! On aurait dit Koh Lanta : à la fin, il n’en reste qu’un », riait jaune Stéphane Ricchiero, ce jour-là, déplorant l’inertie ministérielle avant que soit enfin autorisée l’expérience. « Il faut être des guerriers ! » s’indignait-il. Pour l’occasion, les élus avaient fait le déplacement. Outre François Rio, maire de Saint-Jean-de-Védas, et Patricia Weber pour le Département, Michaël Delafosse, maire-président de Montpellier Métropole, et le sénateur Hussein Bourgi. M. Delafosse s’était réjoui que « l’horizon qui était bouché jusqu’à aujourd’hui se dégage » et « parce que c’est une salle associative de Montpellier qui porte l’énergie de la culture ». Le sénateur Bourgi estimait quant à lui que « les données [étaient] très attendues et qu’elles influence[raient] les choix d’ouvrir ou non les festivals ».
Deux groupes participant à cette expérimentation devaient se soumettre au test salivaire simple et rapide EasyCOV la veille du concert, l’un assistant au spectacle l’autre non. Ironie du sort, la société montpelliéraine Skill Cell qui a mis au point ce test a elle-même eu à subir la lourdeur administrative française. On s’en souvient, il a fallu six mois après que l’union européenne a validé EasyCOV pour que le test obtienne enfin son agrément auprès du ministère de la Santé.
Vogo, autre partenaire local, s’était aussi mobilisé. La start-up devait prendre en charge la gestion numérique des données et adresser les résultats aux participants via leurs smartphones. Elle devait assurer également la diffusion des concerts en streaming direct, sa spécialité.

Maintenir ces concerts-tests, « ça vaut le coup »
Double hélas, donc, les deux concerts-tests ont finalement été annulés. Ou « reportés en septembre » veut croire Fyfy dépité. Selon lui, « le protocole sanitaire ne colle plus à la réalité de la pandémie. Il y avait 2 830 inscrits mais seules 310 étaient éligibles à l’étude. Trop de personnes étaient vaccinées. Et peut-être que d’autres n’avaient pas envie de s’enfermer à l’intérieur par ce temps ».
En charge de l’étude au CHU, le docteur Marie-Christine Picot confirme : « Nous avons eu les autorisations finales des comités assez tard (mi-mai) avec une autorisation jusqu’au 8 juin : ce qui nous a laissé un délai extrêmement court pour lancer les inscriptions, regrette le médecin. Le nombre d’inscrits était d’environ 140 le lundi avant le concert, ce qui d’après Stéphane Ricchiero ne permettait pas d’atteindre les 1 300 personnes requises pour le groupe témoin et le groupe concert. »
Mais au-delà du délai très court, le Dr Picot ajoute que « les critères d’inclusion étaient sans doute trop restrictifs : les personnes vaccinées ne pouvaient participer (à l’époque où le projet a été rédigé ce taux était encore très faible). Nous allons solliciter les autorités compétentes pour demander à supprimer ce critère d’exclusion afin de se rapprocher des conditions de vie réelle. » En espérant que la réponse des autorités françaises soit cette fois plus rapide.
Reste une question : pourquoi maintenir ces concerts-tests si tout le monde est vacciné ? Si la fameuse immunité collective permet un retour à la normale, ne devrait-on pas se féliciter de leur annulation ? « Il n’est pas certain que les vaccins soient efficaces sur tous les variants, ne rassure pas le Dr Picot. Et tous les jeunes ne vont pas se faire vacciner, malheureusement. On s’attend à un taux de 50 %. »
Les 25 et 26 septembre prochains, nouvelles dates retenues, Les Fatals Picards, Washington Dead Cats, Boomerang et Les Palavas Surfers devraient cette fois faire du bruit : « Ça vaut le coup » conclut le Dr Picot. Mais vu le contexte, va-t-on s’en réjouir ?

 

SECRET’S GUINGUETTE

L’équipe propose 4 concerts par semaine sur sa terrasse aménagée. Et « pour vos problèmes de gorges sèches », un bar, alors que Las Vedas Food Truck s’occupera de la restauration. Du mercredi au samedi, tout l’été.