Si l’espace semble constitué majoritairement de vide, on sait qu’il n’en est rien. Ne dit-on pas que la nature en a horreur ? C’est ainsi à la faveur d’une longue vacance à la tête du musée de Céret (lire plus bas) que Clément Nouet, directeur du musée régional d’art contemporain de Sérignan, s’est vu confier le commissariat de sa grande exposition d’été. Est-ce le fait de côtoyer soudain les chefs-d’œuvre des « stars » de l’art moderne accrochés aux cimaises de Céret qui lui a inspiré sinon le thème, le titre de cette exposition ? Constellations reste en tout cas à voir jusqu’au 26 novembre, et il serait dommage de la rater.
C’est à « un voyage dans la galaxie de la création artistique de ces cinquante dernières années » auquel Clément Nouet nous convie. Depuis la base de Céret, « La Mecque du cubisme » où le plus grand nom du cubisme a marqué l’histoire du XXe siècle (de Braque à Picasso, en passant par Soutine, Chagall, Dufy, Miro, Dali…), le public est invité à s’élever dans les étages du vaisseau/musée où se trouve l’exposition temporaire. Ce sont ainsi les œuvres d’autres stars, reconnues ou en devenir, celles des deux collections du Fonds régional d’art contemporain (FRAC) d’Occitanie, basées à Toulouse et Montpellier, dont la vocation est de rayonner partout, dans la région comme ailleurs.
Point d’évocation de la Grande Ourse ni d’Andromède toutefois (ou indirectement). Les 7 constellations d’œuvres se forment au gré des 7 salles, sans intention chronologique ni thème véritable ; seul le regard tire les liens réels ou éventuels que l’imagination de chacun tissera. Outre l’œuvre à l’entrée du musée, de Joan Duran (le loup qui hurle dans la longue nuit stellaire), l’exposition démarre avec celle de Rolf Julius (Four Large Black), une installation de quatre haut-parleurs suspendus dans lesquels un pigment noir a été déposé, et qu’un son bourdonnant, possiblement sidéral, agite tels des poussières de météorites. L’œuvre plonge instantanément le visiteur dans un songe sombre et inquiétant. On s’attarde à peine sur For Cello, la deuxième œuvre de Rolf Julius, des partitions musicales complémentaires de formes sérielles, taches noires énigmatiques ; l’envie d’en sortir vient alors très vite… par l’attraction irrépressible que provoque l’ambiance rouge vif et psychédélique que le regard capte de la porte d’à côté. De loin le geste artistique le plus spectaculaire de l’exposition, l’iconique Dots Obsession – Infinity Mirrored Room (voir photo) de Yayoi Kusama, est une installation littéralement gonflée dans une pièce unique de 280x600x600m. Elle est composée de volumineux ballons rouges à pois blancs, possibles répliques stylisées d’amanites tue-mouches dont on connaît le pouvoir hallucinogène. Et de fait, les murs entièrement recouverts de miroirs projettent le visiteur dans un univers vertigineux, d’où émerge, parmi les multiples reflets des ballons, un sourire immanquablement radieux, le sien.
Sans minimiser l’intérêt du reste de l’exposition, la suite s’en trouve alors forcément affadie. On en manquerait presque un Soulages pourtant monumental (400x222cm) « caché » derrière la pièce dédiée à Yayoi Kusama. Si on reste ému par un autre Japonais qui, avec Body Scale Triangle Square de Massaki Nakayama, compose « corps et art » son œuvre ; par l’humour, dans la même salle, de Victoire sur l’instant quelconque, de Jean-Marc Andrieu ; ou encore par la finesse, la simplicité et l’efficacité remarquable de sculptures de Laurette Atrux-Tallau, deux salles plus loin… la visite se poursuit d’un regard émoussé, y compris face à des compositions de Boltanski, Creten, en encore Jacquet… Abdelkader Benchamma réussit toujours à nous épater par son travail prospectif, en quête d’horizons infinis ; Jessica Warboys par le protocole naturel dont elle use pour laisser la mer peindre à sa place… mais définitivement, le visiteur a du mal à redescendre du « trip » Yayoi Kusama, qui a elle seule enchante la visite.

Nouveau directeur
Jean-Roch Dumont Saint Priest a été nommé en septembre dernier directeur-conservateur du musée d’art moderne de Céret. À 29 ans, il succède pour un mandat de cinq ans à Nathalie Gallissot, dont le départ à la retraite, il y a neuf mois, avait laissé le musée orphelin. Le retrait de la candidature d’Alice Cornier, ex-directrice du musée des beaux-arts de Cambrai finalement attirée par d’autres fonctions, avait pris tout le monde de court.