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Son grand-père et son père arpentaient les tables salantes et bassins de concentration des salins de Saint-Martin, à Gruissan, créés en 1911. Lui, Patrice Gabanou, suivait sans rechigner, au bord de ce bout de Méditerranée que l’homme apprivoise depuis l’Antiquité pour en cueillir le précieux sel ! Sur ces traces, il travaillera pour les Salins du Midi, deviendra maître saunier. « Le sel, c’est ma vie. Je suis saunier depuis l’âge de 6 ans. » Canotier fixé sur la tête, large sourire permanent, verbe rare, en 2009, il a fait renaître les salins de Gruissan, mais n’aime pas en parler plus que ça.
Si l’histoire de Patrice Gabanou s’inscrit dans celle de ce site d’exception de 400 hectares, c’est parce que l’enfant du pays refusa d’abandonner l’exploitation salinière à son triste sort. Fermé par les Salins du Midi en 2004, la friche ne pouvait pas, selon lui, se laisser « imposer la mondialisation du marché du sel ».
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Histoire d’une renaissance
Lorsque les Salins de Midi prennent les rênes de la Société méridionale salinière (SMS), en 1968, elle exploite tous les salins du Narbonnais. La compagnie engage une restructuration en fermant des petites productions dans l’Aude comme celles de Peyriac-sur-Mer et en augmente d’autres, notamment celle d’Aigues-Mortes, en Camargue. « Les trois sites de La Palme, Sainte-Lucie (La Nouvelle) et Saint-Martin (Gruissan) restent en production jusqu’en 2003 mais s’orientent, durant les dernières années, vers des sels de déneigement. Jusqu’à une fermeture définitive en 2004, et une dernière récolte en 2005 », raconte Patrice Gabanou. L’homme veut à tout prix préserver cet outil de production : son travail et le patrimoine économique et culturel de la région dans laquelle il a grandi.
Pour cela, il s’unit à la ville de Gruissan à qui appartiennent les terres, et attaque devant le tribunal la clause de « non salendis » imposée par Les Salins du Midi qui les empêchent de reprendre l’exploitation. « Nous avons gagné en 2010 ». Entre-temps, dès 2008, le maître saunier a créé sur le site sa société d’ostréiculture (affinage) et aquaculture, et ouvert un écomusée et une boutique. En 2011, l’activité reprend enfin. « Certes, l’économie a été préservée, voire s’est développée grâce à la diversification, mais l’environnement également, ajoute l’exploitant. Car l’eau et le sel attirent les oiseaux. Ils sont revenus et participent à l’équilibre naturel du littoral et de l’étang de l’Ayrolle qui nous entourent. »

De Gruissan à La Palme
1 M € d’investissement plus tard, notamment pour remettre en état les 40 km de canaux qui irriguent les bassins, les salins de Gruissan ont non seulement retrouvé une seconde jeunesse, mais peuvent s’enorgueillir de contribuer au développement économique et touristique du Narbonnais. Tout comme ceux de La Palme (400 ha), que Patrice Gabanou remet en production plus tard. Trente équivalents temps plein s’occupent désormais des deux sites pour une production annuelle de 20 000 tonnes de sel : de route et alimentaire, de fleur de sel, de gros sel et de sel liquide sur La Palme. Sur Gruissan, 15 000 t de sel et 80 t d’huîtres sont produites et vendues chaque année. Les deux salins disposent aussi d’une boutique, d’un restaurant, et de deux bars pour Gruissan (lire encadré). Ils organisent des visites guidées de mars à novembre et accueillent 160 000 visiteurs par an.
Patrice Gabanou est « content du chemin parcouru. Mais il reste encore du travail à accomplir, il y aura encore des obstacles à surmonter ». L’amour du pays, la passion du sel et la ténacité qui le caractérisent le portent aujourd’hui du côté de La Palme où il travaille à la construction d’une usine (conditionnement, séchage…) qu’il veut écologique. Ce gros projet de 14 M€ le mènerait, notamment grâce à des panneaux photovoltaïques, à une autosuffisance en énergie pour La Palme et Gruissan.
Lony, le fils de Patrice Gabanou, emprunte aujoud’hui la même route du sel que son père. Le développement durable est aussi une question de générations.

 

Une Route du sel et un label de qualité

Soumise à l’obtention de financements européens, une Route du sel, des paysages, des saveurs et de la gastronomie, est en projet pour relier les salins de Gruissan et La Palme, via deux pistes cyclables existantes.
Destiné à valoriser le patrimoine littoral et les savoir-faire locaux, ce projet s’inscrit dans un plan stratégique à quinze ans qui vise à faire de la Narbonnaise un lieu emblématique du tourisme durable. La communauté d’agglomération du Grand Narbonne assure la promotion de ce programme d’excellence touristique sous le nom de « Narbonnaise surprenante Méditerranée ». Dans ce cadre, le Parc naturel régional (PNR) de la Narbonnaise en Méditerranée, qui englobe notamment tout l’espace lagunaire, apporte le contenu de cette stratégie de développement touristique. Le PNR lance actuellement sa marque « Valeurs Parc naturel » dont le premier attributaire sera le sel de Gruissan et La Palme. Par ailleurs, une démarche d’IGP (Indication géographique protégée) a été lancée sous le nom de « Sel de la Narbonnaise ». À ce jour, seul le sel de Guérande et celui de Salies-du-Béarn possèdent ce label de qualité.

 

 

Avec Pierre Richard

Le voisin de Patrice Gabanou n’est autre que l’acteur et vigneron Pierre Richard (Château Bel-Evêque), dont le domaine viticole jouxte les salins de Gruissan. Les compères, avant tout des amis, se sont associés pour leur passion du bien vivre. Ils ont créé la Terrasse des salins (un glacier cocktail et bar à tapas) et le restaurant La Cambuse du saunier, pour un voyage gustatif des plus surprenants, dans un cadre magnifique.
Ouvert 7 jours sur 7. 04 84 25 13 24.

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