
Il a l’art de mêler, de superposer, de combiner. Depuis vingt ans, Pierre-Louis Mascia ne cesse de façonner une mode sans pareille, coordonnant savamment les tissus, les motifs et les couleurs dans un désordre ordonné, pensé, maîtrisé. Une signature ‘PLM’, qu’il porte en lui, sur lui, avec les autres, pour les autres. Rien qu’en 2025, il fait se côtoyer le style Renaissance avec des tenues en velours, des blazers à imprimé animalier avec des motifs géométriques, le denim sur denim avec diverses matières… Cette liberté de style fascine, tout s’harmonise à merveille.
Entre émotion et poésie
Son début de parcours est déjà évocateur. Diplômé des Beaux-Arts de Toulouse, graphiste et illustrateur de formation, entre musique, théâtre et danse, Pierre-Louis Mascia prend naturellement le chemin du textile. « De la feuille de papier, j’ai glissé vers la “feuille“ de soie, sans préméditation, explique-t-il. Avec le temps, je vois le cheminement et une certaine logique à ma carrière, mais je ne pensais pas créer une marque. Tout s’est fait au fil de l’eau. »
C’est en tant que directeur artistique lors des salons Première Classe et Who’s Next à Paris que tout s’enclenche. « À l’époque, il n’y avait que deux marques de foulards. Je me suis demandé pourquoi plus personne n’en dessinait. J’ai commencé de cette façon. » En 2007, il fonde ainsi son studio dans sa ville natale, à Rodez, et inaugure sa collection sous l’égide des frères Uliassi, propriétaires de l’imprimerie sur soie d’Achille Pinto à Côme, en Italie. Les foulards deviennent aussitôt des accessoires signatures, avec les écharpes et les châles. « Il n’y a pas de collection sans ces imprimés », insiste-t-il. Si toutes les pièces sont fabriquées au cœur de la botte, l’homme reste ancré à Toulouse. « Cela teinte ma création. J’ai vécu au Japon, j’ai travaillé en Italie. Le monde est une aire de jeu, mais je reste méditerranéen, un vieil Européen. Ici, mon quotidien est organisé et me permet de trouver un équilibre, une harmonie. J’ai toujours appréhendé le fait d’être happé par les sirènes. Mais comme Ulysse, je me suis accroché au mât du bateau. Je n’ai plus à satisfaire mon ego, le plus important est ce que je raconte de moi dans le travail. »

Domaines étendus
Une philosophie et une prouesse qu’il cultive également dans le design, la décoration et l’art de vivre. « Pour moi, tout est création. Ces domaines restent liés au textile. Mon approche est comme une cour itinérante de François 1er : on déballe les coffres et on recrée son univers. C’est mon côté gitan. J’aime cette idée que la vie puisse tenir dans une malle : où que nous soyons et qui que nous soyons, il faut du confort. J’aime aussi la façon dont une pièce de tissu devient un vêtement selon les modes de vie, comme le kimono au Japon, le sari en Inde, le sarong en Asie… »
Il ne manque plus que les bijoux ! Et cela tombe bien, il veut créer une collection de joaillerie. « Si un joaillier m’entend, je suis disponible », glisse-t-il avec humour. D’une saison à l’autre, il ne cesse ainsi d’élargir les champs des possibles. Il aime pouvoir jouer les chefs d’orchestre en collaborant avec des chorégraphes, des photographes, des metteurs en scène et tous les métiers de la mode. « La création est un mouvement répété, comme le ressac des vagues. Je n’ai brûlé aucune étape, tout arrive avec une régularité presque monacale. J’ai l’impression d’être un moine dans une abbaye cistercienne. Je fais mes rituels et chaque jour, je me rapproche de Dieu, c’est-à-dire de la rencontre de soi. »


Visions sereines
Pierre-Louis Mascia fusionne ainsi la mode avec les arts appliqués et décoratifs avec sérénité et dextérité, puisant aussi ses sources dans la culture japonaise. « J’ai télescopé ces savoir-faire traditionnels dans l’époque. » Yoji Yamamoto, pour lequel il a travaillé, Issey Miyake et Comme des garçons font partie de ses inspirations, autant que le créateur belge Dries Van Noten. « L’époque produit beaucoup de notoriété et de popularité, mais peu de talents. Je suis un besogneux, tout en me voyant encore comme une marque adolescente. J’ai vingt ans de carrière, je rentre maintenant dans l’âge adulte. »
Un état d’esprit qui va de pair avec son univers qui traverse le temps, explorant la mémoire européenne et collective. Sa collection SS26 est à l’aune de ces préceptes. Avec pour nom Les enfants du paradis, elle rend hommage au chef-d’œuvre de Marcel Carné. « C’est mon film fétiche. Que la vie soit aussi belle que cette œuvre et que nous ne puissions jamais oublier comment ces personnages nous ont enchantés. » À plus ou moins long terme, il envisage d’ouvrir un espace hybride, à Paris ou à Londres, entre galerie et boutique, invitant des artistes et des créateurs. Car chez Pierre-Louis Mascia, tout est toujours une histoire de combinaisons et de rencontres.
pierrelouismascia.com – @pierrelouismascia
Légendes
1 – Pierre-Louis Mascia
© Pierre-Louis Mascia
2,3,4 – Trois exemples de sa collection Les Enfants du Paradis.
© Collection Les Enfants du Paradis, Pierre-Louis Mascia