Les acteurs du secteur de la construction modulaire semble avoir trouvé un terrain fertile en Occitanie. Nouvel angle de gestion de l’urgence face à la crise du logement, systèmes constructifs économiques et écologiques, adaptables et évolutifs, parfois réalisés à partir d’éléments recyclés ; cabanes pastorales à la montagne… telles sont entre autres les alternatives à l’habitat traditionnel qui se développent sur le territoire. Un tour d’horizon en quelques exemples s’imposait.
1 – La maison container
Everlia et Contain Life sont deux entreprises adeptes du recyclage et muent par les mêmes motivations humanistes. Elles transforment des containers maritimes en habitats solides et écologiques, capables de résister y compris à des tremblements de terre. Si le concept n’est pas nouveau – il est largement développé dans les pays nordiques pour répondre aux défis urbains – les propositions de solutions clés en main restent plus marginales. Everlia et Contain Life proposent ainsi des maisons, bureaux ou écoles à partir des modules métalliques d’acier de 20 cm d’épaisseur, 6 m ou 12 m de longueur sur 2,40 m de largeur qui offrent une grande liberté architecturale. Particulièrement résistants et empilables façon Lego, les containers sont modulables ; les constructions peuvent donc évoluer au gré des désirs de leurs propriétaires. Elles sont de surcroît d’un coût abordable et d’esthétique plutôt convaincante.
Contain Life
Les containers de Contain Life sont sélectionnés à Fos-sur-Mer. Des « dry » dédiés aux transports des marchandises non polluantes et non liquides qui répondent aux normes ISO. Livrés à Trèbes, ils sont lavés, désinfectés, sablés puis transformés et assemblés. Six salariés réalisent la pose des menuiseries, les travaux d’isolation, la pose des flux secs et humides, les travaux de bardage et de finition : 70 % de la construction est produite en interne dans l’atelier. Une fois les travaux de fondation réalisés chez le client, la société livre les modules par transport routier.
« Le bilan carbone est limité puisque toute la fabrication est centralisée, souligne Jean-Baptiste Jarretou, patron de Contain Life. Efficience thermique, recyclage, nous nous inscrivons dans une démarche de construction écoresponsable parfaitement capable de concurrencer la construction traditionnelle », affirme celui dont la vocation fut inspirée par la résilience d’un centre-ville néo-zélandais, victime de tremblements de terre.
Pour des maisons individuelles, bureaux, studios de jardins ou aménagements sur des espaces semi-publics, le dirigeant s’appuie sur un réseau d’architectes, ingénieurs et artisans qui lui permettent d’offrir des prestations complémentaires : domotique, équipement de panneaux photovoltaïques, éoliennes…
Everlia
Ce sont aussi des événements tragiques qui ont inspiré la création de la société Everlia. Alain Kryzanoswski, fondateur de la société, travaillait à la genèse d’une ligne maritime entre Marseille et le Maroc lorsqu’il s’est trouvé impliqué dans une réflexion avec les pouvoirs publics pour répondre à l’urgence de la situation en Haïti, ravagé en 2016 par l’ouragan Mathew.
Installée dans le Biterrois, à Saint-Thibery, cette entreprise transforme et assemble ses containers pour réaliser des maisons individuelles, bureaux, mais également des logements collectifs, école, mairie et gendarmerie. Chaque module est garni de laine de verre recyclée, un matériau économique relevant pleinement de la démarche vertueuse de l’économie circulaire. Plus performante thermiquement et phoniquement que celles des constructions traditionnelles, les parois d’environ 26 cm sont alors équipées, notamment grâce à des colles de haute qualité, pauvres en composés organiques volatiles (COV). Aujourd’hui, Everlia travaille sur des projets complexes comme un data center à Bouc-Bel-Air.
2 – Modules en ossature bois et tiny houses
La société héraultaise Selvea, spécialisée dans la construction modulaire en ossature bois s’affirme quant à elle comme un partenaire solide des collectivités locales et entreprises privées. À son actif, écoles, crèches, résidences seniors, bâtiments techniques pour les villes de Paris, Lyon, Istres, Meudon… Dirigée par Sylvain Fourel, Selvea a aussi construit l’école de Juvignac (34) selon la démarche Bâtiments durables méditerranéens (BDM), isolée avec des matériaux biosourcés notamment en ouate de cellulose, fibre de bois approvisionnés localement.
Depuis 2018, Selvea diversifie ses activités. La société fabrique et commercialise des tiny houses, via sa marque Les Frenchies. Conçues aux USA suite à l’ouragan Katrina (2005) et la crise des subprimes, ces micromaisons en bois homologuées, transportables sur remorques, essaiment un peu partout jusqu’à devenir une solution pour pallier la crise du logement. « Nous sommes en contact avec des conseils départementaux et des associations car plutôt que la location d’une chambre d’hôtel, onéreuse et souvent précaire, les tiny houses permettent de loger dignement des sans-abri ou des étudiants », explique le dirigeant des Frenchies. En 2018, il a contractualisé avec le Crous Bordeaux Aquitaine pour implanter sur le campus de Pau une sorte de minivillage constitué de quatre tiny houses. Installées au cœur de résidences étudiantes en béton, ces micromaisons (22 m2) en bois sont équipées de tout le nécessaire pour la vie étudiante – kitchenette, bureau, table de repas, salle d’eau, WC, lit installé sur mezzanine. Reliées par un espace commun, elles sont rapidement devenues vecteur de lien social et sont prises en compte par les allocations de la Caf.
Pour un coût de 35 000 à 60 000 € et une superficie de 15 à 25 m2, ces habitations à l’intérieur minimaliste optimisé séduisent. Plusieurs villes françaises s’inspirent désormais de ce modèle pour de l’abri d’urgence ou de l’habitat alternatif. À Rezé, près de Nantes, la municipalité vient d’ailleurs de lancer un appel à projets visant à identifier les propriétaires français de tiny houses afin de leur proposer un quartier entier dédié à ces micromaisons.
Architecture d’urgence
À Montpellier, les associations Microclima et Arsens, créées par Zakari Touil et Salomé Gesualdi, étudiants à l’ENSAM, militent en faveur d’une architecture d’urgence sensible, locale et solidaire. Avec leur microstructure transportable baptisée Connexion, ils ont remporté la 3e édition du concours national « abri de fortune », organisé par le centre culturel du Goutelas, dans le Haut Forez. « Connexion est un abri de fortune temporaire de 4 m2 qui permet au réfugié de trouver, gratuitement, un espace intime dans un moment d’extrême urgence. Ce projet vise à redynamiser l’espace abandonné et permet de renouer avec une économie solidaire via une architecture adaptée, raisonnée », expliquent les deux étudiants qui travaillent en parallèle sur un nouveau projet le Modulair. Sorte de géode à la forme organique, cette néo-architecture, qui sera présentée au prochain mois de l’architecture, s’inscrit également sur les traces d’une architecture face à l’urgence. « Dans un esprit éphémère et monumental, le Modulair, né pour scénariser une expérience sociale et culturelle, ouvre le champ des possibles avec son caractère atypique destiné à recueillir les hommes tel leur nid originel », confie Zakari Touil.
Cabane secondaire pastorale
En Ariège, alors que la présence d’ours et de loups se multiplie, une nouvelle forme d’habitat d’urgence apparaît. L’été dernier, dix abris en bois ont été héliportés pour être installés en altitude. Objectif ? Permettre aux bergers de rester la nuit au plus près des lieux de couchade de leurs troupeaux. Appartenant à l’État et développés par l’entreprise La Tournée du Coq (31 et 09), ces abris sont sommairement équipés : un lieu de couchage, une table, une étagère, un réchaud à gaz et un panneau solaire pour l‘alimentation électrique. Temporaires, ils n’ont pas vocation à remplacer une cabane pastorale.
Contrairement à l’abri secondaire permanent sur lequel planchent la Fédération pastorale et le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de l’Ariège, en partenariat avec le Parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises et l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse. Leur projet est celui d’un nouveau type d’abri pour les bergers qui vise, selon le CAUE, à « intégrer de l’architecture à une production d’habitat spécifique ». Le cahier des charges : un abri de moins de 15 m2, non mobile, capacité un à deux couchages, léger, conforme à la typologie des cabanes pyrénéennes, pour un coût de moins de 30 000 €. Dix-sept étudiants en architecture ont ainsi confronté leurs connaissances aux réalités du terrain, en dialoguant avec une bergère lors d’une visite en estive, à 2 400 m d’altitude ; une journée consacrée à la forêt leur a également permis d’analyser le cycle de transformation du bois.
Dix-sept projets en sont sortis. Ils ont donné lieu à une exposition, en octobre dernier, dans le cadre des journées nationales de l’architecture à Toulouse. « Plusieurs idées pertinentes ont été retenues pour la conception d’un prototype qui sera réalisé en partenariat avec le campus des métiers associé à plusieurs lycées régionaux et servira de test à un berger », explique le CAUE. Si l’essai est concluant, de nouveaux abris pastoraux devraient faire prochainement leur apparition sur les estives pyrénéennes.
Et aussi…
Dans l’Hérault, la société Dhomino a conçu un système constructif tridimensionnel, en ossature bois rigidifié. Cette innovation permet aux architectes et maîtres d’ouvrage de réaliser des projets de constructions permanentes ou transférables. À Clermont-l’Hérault, un groupe scolaire est construit à partir de ce système. À Toulouse, le Crous a adopté ce système constructif pour réaliser des logements étudiants.
Greenkub commercialise depuis six ans ses studios de jardin modulaires en bois. Cette année, la société a signé un accord avec Leroy Merlin qui devrait booster son activité. Selon leurs concepteurs, ces studios de 10 à 30 m2 peuvent servir d’appoint comme chambre d’amis ou d’alternative à la maison de retraite pour des parents âgés.
Dans un squat près de l’aéroport Toulouse-Blagnac, l’association Arch Crowd assemble des modules de quelques mètres carrés issus de palettes, cartons d’emballage, bâches ou chambres à air usagées. L’idée : venir en aide au SDF en leur fabricant des abris avec des matériaux récupérés auprès des industriels locaux. Le premier a été mis à la disposition d’une femme au printemps dernier avant que celle-ci retrouve un logement. La cabane d’Arch Crowd fait partie de la centaine de projets retenus dans le cadre de l’opération « Ma solution pour le climat » lancée par la région Occitanie.