Dans les allées des premiers salons de l’automobile, les stands des véhicules intermédiaires ont toujours attiré de nombreux curieux. On les découvre souvent l’air amusé, tandis que leurs concepteurs respectifs et enthousiastes les présentent comme révolutionnaires. À mi-chemin entre le vélo et la voiture, tricycles électriques, voitures à pédales, véhicules solaires… sont toutefois rares à se développer. Surtout en transport collectif. Oui… mais ça, c’était avant ! Avant Ouicycle, qu’on construit désormais à 75 % à Montpellier.

Il y a aussi la glorieuse rosalie, reconnaissons-le, dont les premiers tours de roues parmi les sites touristiques lui valent toute notre sympathie depuis… 1853 et son ancêtre à pédales, selon Wikipédia.
Et depuis la prise de conscience de l’enjeu écologique, bien d’autres engins plus ou moins aboutis émergent. Dans les murs et sur le parvis de l’incubateur de Montpellier-Métropole, en ce début de printemps radieux, c’est donc l’un d’entre eux, sorte de « rosalie 4.0 » que nous a présenté Matthieu Spillmann, son concepteur. Freins à disque, sièges modulaires, panneau solaire sur le toit, batterie française, 300 kg… « Il a été conçu pour se faufiler partout et est toléré sur les pistes cyclables », détaille-t-il. D’où ses dimensions : 1 m de large et 3,4 m de long. Ses Ouicycles, il les destine au transport scolaire, familial ou aux personnes à mobilité réduite.

L’inspiration lui est venue en vacances en Hollande, en 2020, alors que ses cinq enfants rechignent à se balader à vélo par temps pluvieux. Une rosalie fera finalement l’affaire. Dans le pays, à Nimègue, un véhicule similaire existe, conçu par le constructeur De Caferace, et le musée national du vélo de la Ville y expose un illustre exemplaire, de 1885. Matthieu Spillmann en retient l’idée et décide de se lancer dans la conception d’un prototype homologué qu’il puisse tester avec sa famille, rendu ainsi plus conciliante. Un premier modèle est mis au point et recueille un avis favorable ! Un second voit le jour, plus performant. Vint alors le coup de téléphone.

« C’était le bazar »
En 2022, Medhi Khouda et son association Maestro, sise à Saint-Georges-d’Orques (à l’ouest de Montpellier), veulent acquérir un vélo-bus de 11 places pour des trajets scolaires écolo. L’animateur périscolaire raconte : « Le matin, à l’école, on voyait la ronde des voitures des parents qui venaient déposer leurs enfants. Beaucoup venaient à vélos mais avec les travaux, c’était le bazar et ça pouvait être dangereux. Le maire [Jean-François Audrin] me demande alors ce qui, selon moi, devrait être fait pour régler ça. Je lui ai dit qu’il faudrait un vélobus. Et municipal parce qu’aucun parent n’accepterait de le conduire ». « J’avais vu sur internet le prototype de Matthieu. Mais il partait juste sur un 4 places, ça ne suffisait pas. » Avec le soutien du maire, qui dans l’intervalle a accepté de racheter le prototype n° 2, la toute nouvelle société d’Île-de-France, France Quadricycle, se lance alors de plus belle dans l’aventure. Le Ouicycle 3.0 sera doté du nombre de places nécessaire « d’un pare-brise, un toit avec un panneau photovoltaïque… », selon la demande formulée par Medhi Khouda qui contribue activement à la mise au point. Car, depuis, c’est lui l’expert. Il transporte désormais quotidiennement enfants et personnes âgées dans les rues de St-Georges-d’Orques. « Certaines personnes ne sortaient plus, parce qu’elles n’en avaient plus la force ou l’envie. Maintenant, elles peuvent aller chez le coiffeur ou au cimetière ; elles revivent. » Grâce à la promesse de localiser la production à Montpellier, des financements croisés et des subventions de la part des collectivités leur sont accordés, y compris de l’Europe. Le nouveau véhicule est présenté le 27 mars dernier au BIC Montpellier, l’incubateur d’entreprise de la Métropole.

L’expérience a fait des émules
Hélas, il n’est pas encore homologué. Car pour entrer dans la catégorie vélo à assistance électrique (VAE), il ne doit pas dépasser une puissance de 250W. Or, avec cette même puissance dans chaque roue, le Ouicycle est bridé pour ne pas dépasser les 25 km/h autorisés. De plus, les essais effectués ce jour-là par votre serviteur, piloté à vive allure par Matthieu Spillmann lui-même, donne une sensation désagréable de risque de renversement. Que conteste notre pilote. Mais que confirme Medhi : « Les suspensions sont trop molles. Je lui avais dit de ne pas rouler si vite ! » Pour pouvoir la tester à titre expérimental en conditions réelles, cette version de Ouicycle devra quoi qu’il en soit obtenir de la préfecture une autorisation. « Sans quoi, je ne l’utiliserai pas », a prévenu Medhi Khouda.
L’expérience a fait des émules dans les villages autour de Saint-Georges : à Pignan, Cournonterral, Juvignac ou encore Vendargues, où le Woodybus et le Go. kids font sensation. Fabriqué à Nantes, tout en bois pour le premier, ou dans la gamme Ouicycle pour le second. Un modèle homologué celui-ci.

Et bientôt, à Saint-Georges-d’Orques, les señoritas ! « En juin, deux golfettes d’abord, puis 7, seront équipées de capteurs par des psychologues pour mesurer sur un an les bienfaits de ce mode de transport sur la santé des passagers retraités. Pour voir s’ils dorment mieux, par exemple. Des étudiants de l’université Paul Valéry seront aux guidons », annonce à artdeville Medhi Khouda. Où l’on se rendra finalement compte que, si les véhicules intermédiaires ont pu faire sourire à leurs dépens depuis toujours, ils rendent désormais le leur à des personnes âgées et/ou handicapées. Et qui sait, déclinées dans des versions « micro-cars », elles pourraient aussi faire le bonheur des villes où les concepts de zone à faibles émissions (ZFE) et contournement routier seraient rendus obsolètes.