Dans l’espace co-working du pôle Réalis, une pépinière montpelliéraine, une dizaine d’animateurs.trices (parité quasi parfaite) ont les yeux rivés sur leurs écrans. Ils planchent sur un court-métrage pour le Musée Fleury de Lodève (lire encadré). Malgré un emploi du temps surchargé, Virginie Guilminot tient à faire les présentations de toute son équipe. Un détail ? Pas du tout. C’est justement pour s’éloigner de l’organisation pyramidale des grands studios d’animation qu’en 2014, les quatre membres fondateurs des Fées spéciales – Virginie Guilminot, Éric Serre, Flavio Perez et Ève Machuel – accompagnés par Alter’incub, incubateur d’innovation sociale, ont choisi de constituer une société sous forme coopérative et participative. « Se situer dans un champ social innovant, remettre l’humain au centre du dispositif et partager l’exercice des responsabilités me paraissent essentiels », explique Virginie Guilminot, gérante élue pour seulement trois ans. En juin dernier, Les Fées ont accueilli trois nouveaux associés : « Nous sommes désormais sept, comme les nains ! »

Animation 3D
Elle rêvait d’être clown, Virginie Guilminot a fini par devenir une Fée, irriguant la SCOP d’un esprit libertaire rafraîchissant qui revient de loin. C’est après un doctorat en art et technologies de l’image et une thèse sur la question du réalisme en images 3D que l’étudiante découvre l’infographie mais en perçoit rapidement les limites. « Les images 3D étaient alors essentiellement

dédiées aux simulateurs d’avions. Le constat était simple : il fallait créer nos outils. » La découverte de Blender, logiciel libre et gratuit d’animation de rendu en 3D, lui ouvrira, des années plus tard, de nouveaux champs d’exploration puisque les Fées Spéciales proposent aujourd’hui, avec le label Ecoprod, des formations sur ce logiciel. En 2002, Virginie Guilminot est assistante de réalisation sur le premier long-métrage français d’animation 3D : Kaena la prophétie de Chris Delaporte, puis elle dirige la production du remarquable Azur et Asmar de Michel Ocelot. « Il peinait à trouver les financements et voulait utiliser la 3D. Nous avons travaillé avec le Studio Mac Guff qui, plus tard, a été racheté par Universal. À partir de là, je ne me suis plus retrouvée dans cette nouvelle industrie où on passait de 15 collaborateurs (Les Contes de la nuit d’Ocelot en 2011) à 900. J’ai toujours aimé l’idée de raconter de belles histoires mais pas pour vendre du pop-corn ! ».

Une vingtaine de salariés
Installée depuis 2010 à Montpellier, Virginie Guilminot a fini par retrouver Éric Serre (DA sur Azur et Asmar), Flavio Perez (ex Mac Guff) et Ève Machuel (productrice exécutive Les Contes de la nuit). « Outre le fait de travailler en coopérative, ce qui est inédit dans notre domaine, nous avons fait le choix du logiciel libre et d’un nouveau mode de financement de la production. Avec

la multiplication des écrans mobiles, d’Internet et des nouveaux usages, il est temps de penser différemment la production et la diffusion cinématographiques, affirme la fée gérante. Il y a aujourd’hui moyen de créer des œuvres interactives ou transmedia (film ou jeu vidéo issu d’un livre…) »
Pour preuve, Héraclès, un projet de web-série aux prolongements documentaires interactifs se transformant en un jeu vidéo d’exploration, a remporté le concours coup de pouce de la Région Occitanie pour son caractère innovant.
Antartica (documentaires Arte), layout (décors et animation du storyboard) de Dilili à Paris, le prochain film de Michel Ocelot (sortie prévue en octobre 2018), multimédia du Musée de Lodève… depuis deux ans, Les Fées spéciales enchaînent les projets. D’autres se profilent déjà à l’horizon, tels La vérité sort, saynètes en langue des signes animés, un travail de dessins animés sur la botanique, un long-métrage… Pas question pour autant de se développer à outrance (Les Fées spéciales emploient une vingtaine de salariés polyvalents). « Aller sur des projets sociaux et rentables est un travail de funambule, note Virginie Guilminot. Mais c’est aussi un vrai gage de liberté. »

 

Un voyage de 540 millions d’années

Après plus de trois ans de travaux (coût global 9M€), le musée de Lodève rouvrira ses portes le 7 juillet 2018. Entièrement rénové et agrandi, le nouvel espace (2 800 m2) va enfin permettre de valoriser et d’exploiter un fonds de collections pétrographiques et paléontologiques exceptionnel.
« C’est l’un des rares musées en France à couvrir une période de l’histoire de la terre aussi vaste, à partir de collections uniquement prélevées localement », précise Ivonne Papin, conservateur en chef du patrimoine, directrice du musée de Lodève depuis 2011.
Interactive, immersive, la muséographie s’articule autour de trois parcours : Traces du vivant, Empreintes de l’homme, Mémoires de pierres. Pour la partie multimédia, le Musée a fait appel aux Fées spéciales. Imaginés comme une série, des dispositifs permettent de reconstituer des tranches de vie à diverses époques de la Préhistoire, mettant en scène des personnages que l’on retrouve au fil des épisodes. « Courts-métrages, animations pédagogiques, sons, cartographie projetée et interactive, empreintes de dinosaures… la production est complexe mais passionnante », s’enthousiasme Virginie Guilminot. Naviguant dans le temps et l’espace, ces dispositifs numériques vont entraîner les visiteurs dans une expérience inédite : « Traversez le temps, emportez l’instant. »