Agé d’à peine 34 ans, Clément Cividino incarne une nouvelle génération de galeristes qui ont créé leurs propres codes et espaces artistiques. Installé à Perpignan, le trentenaire défriche les territoires investis par les designers du XXe siècle, quitte à ressusciter des figures oubliées et à les mettre en lumière sur la scène internationale. Interview.

Qu’est-ce qui vous y a mené à vous intéresser au design ?
Cela remonte à loin. Je vivais à Buenos Aires et collectionnais depuis l’âge de 16 ans sans savoir ce que j’achetais véritablement. Il n’y avait pas de notion de vintage à cette époque. Au début, j’ai acquis de nombreuses pièces en provenance des États-Unis comme des créations Herman Miller ou Charles Eames, parce que je les trouvais jolies. C’était pour moi, comme ça. C’est une fois rentré en France que j’ai commencé à comprendre l’ampleur de ce que j’avais emmagasiné.


Vous avez commencé à vendre…
Dès 2007, j’ai revendu certaines pièces. À cette époque, je me suis intéressé à des lieux meublés par de grands noms, comme Vitra. De recherche en recherche, j’ai trouvé de nombreuses choses qui ont commencé à susciter mon intérêt.

Comment avez-vous mis en lumière Georges Candilis ?
Pendant mes phases de recherche, j’ai vu apparaître son nom à plusieurs reprises, au cœur de projets conséquents. Il avait travaillé avec de nombreux autres artistes au cours des années 60 et 70, dont Jean Prouvé. Ce qui a surtout retenu mon attention se situait à Port Leucate, station balnéaire qui a porté sa signature. C’est là que se trouvait les hexacubes, ces structures géométriques de plastique, complètement modulables et futuristes, dans lesquelles les touristes venaient autrefois en villégiature. J’en ai exposé à la foire internationale Art Basel, avec la volonté de les faire sortir de l’oubli.


Dans votre galerie, vous vendez aussi des œuvres de Jean Prouvé, très coté actuellement…
Bien sûr, certaines chaises de Prouvé ont d’ailleurs atteint des sommes astronomiques, à près de 13 000 euros. Mais je pense qu’on spécule beaucoup trop aujourd’hui, car il ne faut pas oublier que près de 800 000 chaises ont été produites par Prouvé. Je ne suis pas très friand du système de dopage des prix entretenu par des maisons de vente aux enchères. Les enchères bidon, avec des mises à prix fantaisistes et des ventes qui le sont tout autant. Quand on voit des meubles soi-disant vendus une fortune réapparaître sur le marché deux jours plus tard, il y a de quoi se poser des questions…

Dans un pays très jacobin, est-ce facile de gérer une galerie design située en région ?
Oui, car je travaille essentiellement avec l’étranger. Je vends surtout à des collectionneurs soucieux d’acheter dans une perspective de conservation du patrimoine design. J’ai aussi tendance à toujours garder une pièce de designer pour moi. Je ne suis pas un vendeur à tout prix, mais il m’est arrivé de céder une œuvre quand l’acheteur était très concerné par son histoire.


Êtes-vous un marchand d’art, un chercheur ou un curateur ?
Les trois à la fois, mais je me sens surtout curateur. J’accorde une véritable importance aux expositions que j’organise au sein de la galerie. Elles permettent aux différents publics, aux non-initiés, de découvrir le design. C’est d’ailleurs pour cela que je trouve l’appellation « galerie » très réductrice, très figée. Je ne crois plus au modèle de la galerie traditionnelle.

À propos de vente, quelle est votre nouvelle prise ?
Elle est au Cameroun, où une équipe est entrée fin décembre pour récupérer des panneaux Jean Prouvé. C’est en travaillant avec les populations locales que je mets la main sur de belles pièces, qui auraient parfois pu tomber dans l’oubli ou être détruites. Je ne fais pas que vendre.

www.clementcividino.com
Workshop Clément Cividino Ent.
8, rue Henri Stendhal
66000 Perpignan