Éloge du pas de côté est le titre d’une sculpture de Philippe Ramette érigée place du Bouffay, à Nantes. L’artiste exposé au CRAC de Sète, il y a quelques années, y avait marqué les esprits notamment par son humour. Pour la biennale du territoire, baptisée Sol ! et organisée par l’équipe du MoCo – Panacée, il est bon de s’en souvenir car le titre de cette première édition évoque aussi ce pas de côté, cette acuité très développée chez les artistes qui leur permet de décaler notre vision du monde.
L’éloge d’Un pas de côté, de l’exposition en elle-même donc, Numa Humbursin le dresse lui-même « sans gêne », dit-il, car cet accrochage au centre d’art La Panacée a été impulsé par son prédécesseur à la direction du MoCo, Nicolas Bourriaud et qu’il y souscrit pleinement.
Imaginé pendant le confinement, l’événement présente les œuvres de 31 artistes qui vivent et travaillent dans un rayon de 100 km autour de Montpellier, cette distance qui limitait alors nos déplacements – 100 km était d’ailleurs le titre initial de l’exposition. « Cela n’avait cependant plus de sens de conserver ce titre », explique Numa Hambursin.

« Ce n’est pas un panorama artistique du territoire, mais une photographie, subjective » qui est proposée aujourd’hui, expliquait Pauline Faure lors de la visite de presse. En l’occurrence, celle des trois commissaires de l’exposition, Rahmouna Boutayeb, Caroline Chabrand et Pauline Faure – et des deux directeurs artistiques, Nicolas Bourriaud et Vincent Honoré. À partir d’un constat commun : « Souvent l’artiste est le radar, l’aiguillon qui ressent les changements, les menaces ou les enchantements du monde », remarque Pauline Faure. Cette sensibilité particulière se révèle « dans des pratiques artistiques qui ne s’embarrassent pas de normes, tout en défiant volontiers l’autorité d’un pouvoir quel qu’il soit. »

 

 

Ce « décentrage », qui se revendique également face au parisianisme supposé de l’Art, souligne en tout cas avec pertinence le foisonnement jubilatoire – et en effet trop méconnu – de la création contemporaine dans l’aire plus ou moins comprise entre Béziers, Sète, Nîmes, et Alès.
« Affirmer qu’une articulation nouvelle entre ambition internationale et appétence pour la scène régionale reste à inventer, n’est pas opposée l’une à l’autre, modère toutefois Numa Hambursin, c’est marcher sur ses deux jambes ».

 

Ainsi, les œuvres sont-elles présentées selon trois axes : leur rapport à la nature, « Symbiose et totems » ; le rapport à la société, « Bisous baston » ; le rapport à l’Histoire, « Nous sommes tous des légendes », usant de techniques, de médiums et de formats très différents. Parmi les artistes, des stars locales (Daniel Dezeuze, Claude Vialat), côtoient des artistes émergents (Gaétan Vaguesly, Pierre Unal-Brunet) et d’autres à la notoriété déjà solide. Les propos tenus s’avèrent iconclastes, provocateurs (Fabien Boitard, Aurélie Piau, Pablo Garcia, Anne-Lise Coste, Marie Havel…), poétiques, oniriques, spirituels (Agathe David, Mohamed Lekleti, Aldo Biascamano, Elisa Fantozzi, Pierre Tilman, Julien Cassignol, Gérard Lattier, Lise Chevalier, Carmelo Zagari…), drôles (Ganaële Maury, Becquemin & Sagot), étonnants (Elsa Brès, Anne Pons, Natsuko Uchino, Adrien Fregosi), fins, sensibles (Emilie Losch, Joëlle Gay, Audrey Martin), engagés (Clément Philippe, Guillaume Poulain, Margaux Fontaine, Charlotte Caragliu)… chacun de ces adjectifs pouvant tout aussi bien s’appliquer à tous.
Une quinzaine d’œuvres de l’exposition ont été produites tout spécialement, des commandes du MoCo passées à 15 artistes.

Avant que le 9 janvier 2022, le Sol ! se dérobe sous ce pas de côté pour deux ans (à Nantes, Philippe Ramette se représente d’ailleurs un pied dans le vide), gageons que les visiteurs de cette première biennale seront nombreux, garantissant d’autant mieux à l’événement les futures éditions qu’il mérite.

NB. Natyot, artiste pluridisciplinaire, auteure et chanteuse, a offert une performance au soir de vernissage, quelques poésies glissées à l’oreille des visiteurs par surprise. Un recueil élaboré à partir du caviardage de ces mêmes textes parachèvera sa performance.

MoCo. Panacée
14 rue de l’École de Pharmacie, Montpellier.

Art du midi

Plus que le street-art, c’est l’art urbain qui fera l’objet d’une grande exposition fin 2022 ou en 2023. Son titre pourrait restituer au « Midi » la place qui lui est due, et que le mot « sud » lui a insensiblement ravie depuis quelques années. La biennale elle-même « a vocation à étreindre le Midi de la France », selon Numa Hambursin.

 

Légendes :

Charlotte Caragliu
Death fuck, 2020
Résine,fard à paupières, laque pour cheveux, paillettes, marbre
35 x 20 x 20

Élisa Fantozzi
Envie d’être en vie, 2007
Moulage et tirage en résine d’un autoportrait, peinture acrylique et vernis
130 x 100 x 70 cm
© Adagp, Paris, 2021

Clément Philippe devant son installation à partir d’un site radioactif de Lodève
© FM-artdeville

Pablo Garcia
Nous n’oublierons jamais, 2014
Résine et peinture acrylique / 13 x 4 cm
© FM-artdeville

Fabien Boitard
Grimaces, 2021
Huile sur toile 40 x 30
© MoCo