Éditorial 84

Par Fabrice Massé

«

Les lois, un univers infini en perpétuelle extension au fur et à mesure que les consciences évoluent

»

De l’espace

À quoi servent les règlements, les lois ? Nul besoin de convoquer les plus grands philosophes pour répondre à cette question tant la réponse semble élémentaire. Le site lumni.fr dédié aux élèves et enseignants français y répond d’ailleurs parfaitement par des mots à la portée de tous : « permettent d’organiser la vie en société. »

À l’échelle de la Ville ou des Métropoles, règles et lois encadrent ainsi le droit à construire et sont énoncées, on le sait, notamment dans les plans locaux d’urbanisme (PLU). « Tout le monde doit les respecter. Sinon, on peut avoir une amende ou aller en prison », précise lumni.fr dans une tonalité naïve propre à sa vocation pédagogique.

Sauf qu’en Êtres sociaux, les enfants découvriront peu à peu eux-mêmes un autre monde. Que les enseignants auront d’ailleurs bien du mal à leur décrire avec des mots aussi simples. Lesdits règlements et lesdites lois forment en effet au fil de l’histoire des sociétés des palimpsestes indigestes aux yeux du commun des mortels. Un univers infini en perpétuelle extension au fur et à mesure que les consciences évoluent et qui mutent souvent selon l’air du temps. Le changement climatique a, à cet égard, fourni de nombreux exemples.

Mieux ou pire, c’est selon, lorsqu’un règlement contrarie d’ambitieux projets, potentiellement d’intérêt national, des « mises en conformité » sont possibles ; le législateur, dans sa sagesse, l’a prévu. Le maire peut donc faire voter par son conseil municipal le redécoupage d’une zone non constructible, initialement déterminée par son PLU, pour lever l’interdiction.

On atteint alors, sans doute, les sommets de l’ésotérisme législatif : c’est pourtant ce même conseil municipal qui a élaboré le PLU (et le règlement qu’il inclut) ; le conseil municipal est donc juge et partie. Une entorse au principe constitutionnel de la nécessaire séparation des pouvoirs, non ?

Peut-être pour tenter de corriger cela, mais surtout pour répondre à la bonne échelle aux besoins des territoires, le législateur a décidé de transférer l’élaboration des PLU aux intercommunalités, via le PLUi ou PLUi-H avec le volet habitat. Le site de Toulouse-Métropole l’explique, « le PLUi-H est un document stratégique qui traduit l’expression du projet politique d’aménagement et de développement durables du territoire. Il fixe les grandes orientations stratégiques d’aménagement et les règles d’occupation et d’utilisation du sol qui servent à l’instruction des autorisations d’urbanisme. Il détermine notamment les règles applicables à chaque commune, pour déterminer quoi construire, où et dans quelles conditions, les secteurs à protéger. »

Tout comme le PLU, le PLUi-H doit néanmoins être compatible avec les innombrables lois françaises (et européennes) et soumis au public et à toutes les instances pour avis. Le processus de mise en œuvre est donc extrêmement long.
Et lorsque, patatras, l’édifice s’écroule, comme en fait l’amère expérience Toulouse-Métropole, l’embarras est total ! Annulé par la justice en 2021 en raison notamment des insuffisances significatives au regard des nouveaux objectifs de consommation des espaces, il n’est pas encore parvenu au terme de sa nouvelle version.

Dans l’intervalle, la majorité métropolitaine toulousaine se raccroche aux branches. Une « charte de Revue de projet » à la valeur légale contestable est devenue incontournable et laisse une place à l’arbitraire. Les architectes sont furieux.
D’où l’on voit que ce qui permet d’organiser la vie en société n’est pas une science exacte. Sans une vision partagée des enjeux, sans bonne volonté, enfants et enseignants trouveront-ils encore sur Terre de l’espace pour simplement respirer ?