Éditorial 85

Par Fabrice Massé

«

Il s’agissait en somme d’agir à rebours des cataclysmes, rien que ça !

»

Merci !

Il y a 66 millions d’années, un astéroïde percutait la Terre près de ce qui est devenu entre-temps le village de Chicxulub, dans le Yucatán (Mexique). Le cratère formé par l’impact est aujourd’hui évalué à environ 180 km de diamètre, ce qui laisse imaginer la puissance du choc. Il serait l’origine de la dernière extinction massive d’espèces, dont les dinosaures, alors que nous provoquons aujourd’hui la sixième. Pulvérisés, les débris de l’astéroïde ont été projetés tout autour du globe en même temps qu’un nuage de poussière et de vapeur… Jusqu’à une plage du Cap d’Agde (Hérault) où des chercheurs de Montpellier ont pu contribuer à valider l’hypothèse. En grattant une fine couche parmi les strates qui constituent sa falaise, ils y ont trouvé les traces de l’objet extraterrestre déposées entre le Crétacé et le Tertiaire.

Découvrir à côté de chez soi les preuves d’une telle réalité a de quoi stupéfier, non ?
On pense à ces Gaulois, réfractaires ou non, qui craignent à juste titre que le ciel puisse un jour leur tomber sur la tête. On pense aussi à ces puissants dinosaures, sûrs de leur rang, au sommet du règne animal mais rayés de la carte comme par un grand soir. Au changement climatique dont on parlait déjà beaucoup il y a deux décennies…

Et puis « chicxulub », mot imprononçable avec ce « x » central, potentiellement basque. Quelle étrangeté ! Un côté « chic » et l’autre… hurluberlu ! Graphiquement, il y avait cependant peu de chance qu’il ne retienne pas au moins le regard.
L’idée d’emprunter ce nom concept pour fonder un magazine culturel, il y a 20 ans, c’était, pour Marc Trigueros, Frédérique Faury et votre serviteur, s’engager dans une entreprise inconnue, presque insensée : « Que sommes-nous pour prétendre vouloir observer, agir, voire perturber avec ou sans vergogne notre entourage ? »

Selon le concept écologique « penser global agir local », pouvait-on néanmoins contribuer à se prémunir des événements les plus sombres, à susciter les plus heureux et à révéler les plus insoupçonnables ? Il s’agissait en somme d’agir à rebours des cataclysmes – rien que ça ! – par anticipation. Attentifs aux souffle et pulsations artistiques de notre ville comme aux pressions qui l’étouffent et l’oppressent.

En 2012, chicxulub est devenu artdeville. Plus simple, plus clair, exprimant en soi sa ligne éditoriale. Il s’est régionalisé depuis 2016 et fête donc aujourd’hui ses 20 ans.
Pour ce numéro spécial anniversaire, nous en célébrons quelques autres. Nous aurions aussi voulu évoquer celui de la Parcelle 473, un musée privé de street art et d’art contemporain à Montpellier (1 an !) celui de France nature environnement Occitanie-Méditerranée (10 ans), du théâtre de Sète (120 ans), du Parc naturel régional de la Narbonnaise (20 ans), de Laurent Nicollin (50 ans) et la grossesse difficile de son nouveau stade, des 65 ans de la constitution (et du centre d’études politiques et sociales)… Cette année nous en fournira à coup sûr l’occasion. Mais pas sans vous ! Merci.