Dans ce projet, la nature n’est plus détruite pour faire place à la construction
Un projet plus radical qu’on ne le présente siffle la fin d’un business. Celui des zones commerciales, très lucratif pour ceux qui en profitent, dont l’Assemblée nationale vient de condamner le modèle économique dans sa loi Climat et résilience. Plus question pour ces monstres de tôle, de béton et d’asphalte de continuer à massacrer nos entrées de villes, dévaster nos terres agricoles et d’anéantir nos espaces naturels. À l’heure où nous bouclons, le Sénat est peut-être même en train d’en durcir le texte. C’est dire si le consensus enfin s’est fait. Mais avant d’en arriver là, que d’inertie !
De nombreux centres commerciaux sont d’ailleurs encore sur le point d’être construits. Ou leurs extensions au stade ultime de leur validation. Dans la région, notamment où nous battons, semble-t-il, des records. Que décideront nos édiles ? Lanceront-ils ces projets insensés malgré tout, prenant les risques d’être déjugés par leur opinion publique ? Pandémie et confinements ont changé la donne. Tenteront-ils plutôt de les remettre en cause et de négocier les indemnités que ne manqueront pas de leur réclamer les foncières qui gèrent leur trésor jalousement ? Espérons-le.
Mais alors que les promoteurs immobiliers régionaux dénoncent régulièrement une pénurie de foncier, cette nouvelle loi force l’imagination ; il faut s’attendre à des rapprochements spectaculaires entre eux et les foncières de ces zones commerciales. À Montpellier et à Béziers, la Socri a montré la voie. On peut mixer centre commercial, espaces de loisirs et culturels, logements… Et même les rénover lorsqu’ils vieillissent, sans entraver leur activité. Alors pourquoi ne pas rendre, au plus vite, ces « dinozones » compatibles avec les enjeux écologiques contemporains ?
À Montpellier, dans sa forme initiale dessinée par l’urbaniste Bernard Reichen, le projet Ode nature urbaine prévoyait de restaurer l’immense zone commerciale, au sud de la Métropole, selon un principe de biodiversité positive, c’est-à-dire selon un modus operandi qui produit de la richesse écologique au lieu d’en détruire. Route de la mer, des friches commerciales devaient être déconstruites, d’autres déplacées et les espaces ainsi libérés rendus à la nature, la partie lagune du Fenouillet. « 100 000 m2 de surfaces commerciales sans consommer plus d’espace », selon l’urbaniste, étaient concernées. Certes, le projet restait old school et expansionniste : il ne planifiait rien de moins que le doublement de l’autoroute A9 et la création de la gare TGV sur des terres agricoles, en partie inondables. Quant au 6 000 à 8 000 logements, et 75 000 m2 de bureaux et d’activités diverses supplémentaires prévus, le président de l’agglomération d’alors jurait qu’ils seraient construits « dans le respect du milieu naturel ». Il ajoutait : « Dans ce projet, la nature n’est plus détruite pour faire place à la construction, elle en devient le point de départ. L’urbanisme se construit autour du paysage et non plus sur lui. Au contraire, elle le souligne et le révèle. » Ça sonnait bigrement bien !
Aujourd’hui, c’est le statu quo, polluant et embouteillé. L’A9 a été doublée sans régler le moindre problème – au contraire – grâce à la décision d’un ministre désormais favori aux élections régionales, en PACA, sous l’étiquette RN.
À la crise écologique s’est ajoutée la crise sanitaire et, si l’horizon culturel se dégage avec l’ouverture des musées et de la saison des festivals, l’annulation des concerts-tests prévus en juin à la Secret Place et leur recalage en septembre témoignent que nous ne sommes pas tirés d’affaire, malgré la vaccination.
Mais bonnes vacances ! Tâchons juste, entre-temps, de ne pas laisser un intime de ce ministre RN, cité précédemment, assombrir l’horizon d’Occitanie. Ces six années passées ont été plutôt réussies.