Éditorial 82

Par Fabrice Massé

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Sourire aux mots de Flaubert ne saurait être la seule soupape.

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Syndrome d’Hubris

Gustave Flaubert disait : « Les honneurs déshonorent, le titre dégrade, la fonction abrutit. » Heureux.ses citoyen.ne.s qui manifestent, s’insurgent et résistent, leur voilà si besoin une caution morale iconoclaste et drôle qui devrait les réconforter.

Pour décrire le syndrome d’Hubris qui affecte la clairvoyance de certains de nos dirigeants politiques, chacun avait déjà en tête la citation plus connue, inspirée de celle de Lord Acton : « Le pouvoir rend fou, et le pouvoir absolu rend absolument fou. » Mais celle en introduction, glanée sur internet, valait bien d’être citée. La formule exacte cependant serait plutôt : « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. » La précision a son importance comme on le verra plus loin.

Quoi qu’il en soit, lorsqu’on constate cette dérive autoritaire chez nos élus, on reste encore, même en France, bien démuni pour y répondre. Si en démocratie, faire le dos rond une poignée d’années peut parfois suffire à régler le problème par une alternance politique salutaire, on voit bien aujourd’hui que cette issue est loin d’être satisfaisante.

Légalité contre légitimité, le débat s’est ouvert nationalement avec la réforme des retraites et, espérons-le, ne devrait pas se refermer de sitôt, en tout cas pas sans réponse. En ce contexte post-covid, de guerre, d’inflation, d’urgence climatique… l’efficacité de la mobilisation le requiert.

Par ailleurs, un tel débat au niveau local ne serait pas de trop. Loin s’en faut. Que penser en effet de ces quelques maires notamment qui, parfois ostensiblement, s’assoit sur les usages en démocratie et impose leur dérive par le mensonge et la désinformation ? Les exemples dans la région existent que la justice a déjà su débusquer. Mais lorsqu’elle tarde à pouvoir trancher ?

En France, on peut enchaîner les mandats de maire ad vitam æternam. Avec un peu de savoir-faire, marchés publics, subventions, emplois, logements… on le sait, sont des outils d’influence remarquables pour se construire une longue carrière. Certains se laissent griser, voire franchissent allègrement des limites comme on le déplore ici et ailleurs. Et nul ne semble en mesure de les en empêcher.

Mais rester dans les clous ne témoigne pas pour autant d’une absence d’Hubris. Au pouvoir, l’arrogance peut tout aussi bien s’exprimer face à la simple contradiction qui, dès lors, est jugée comme une expression forcément partisane. Avec les mesures de rétorsion parfois brutales qui l’accompagnent, puisque « la fonction abrutit ». Il faut alors être pugnace, comme les époux Jouandet (page 10), pour ne pas se laisser décourager.

Tant que les institutions nationales et surtout locales permettront de telles dérives – au mieux de légitimité ou, au pire de légalité – il ne faudra pas s’étonner que des manifestations de mécontentement déborde la violence. Sourire aux mots de Flaubert ne saurait être la seule soupape.