Comment ça va ?
Comme tout le monde, j’en ai un peu marre d’être enfermé. Mais pour moi, ça ne change pas énormément les choses ; je bosse chez moi. Je mets un masque quand je vais chez les commerçants et quand je vais à l’atelier, de temps en temps. J’y ai une grosse partie de mon matos, mais j’essaie de réduire mes sorties quand même.
Ce qui se passe est assez inimaginable, mais la science-fiction l’a-t-elle envisagé ? Qu’est-ce que cette période vous inspire ?
Je suis pas spécialiste des apocalypses diverses et variées mais bon… Infinity 8 est le truc que j’ai pu faire le plus proche. Une ambiance post-apocalyptique, post-nucléaire et très, très, loin dans le futur.
Vous n’imaginiez pas un évènement pareil, dans une époque contemporaine ?
Si, on le sentait venir quand même. Je suis allé en Chine pas mal de fois, et pendant le SRAS, c’était un peu le même type de virus qui migrait des animaux pour infecter les cellules humaines. Donc, on peut dire que c’était prévisible. En tout cas envisageable. Mais à cette échelle, c’est assez surprenant. Je me souviens d’un vieux film avec Dustin Hoffman…
Alerte ?
Oui ! Il était question d’un virus un peu comme ça… Après, il y a beaucoup de films de science-fiction, d’apocalypses, de zombies… dont la ligne narrative ressemble un peu à ce qui nous arrive en ce moment. Sauf qu’il y a des gens qui courent partout pour manger des cerveaux !
Quel souvenir gardez-vous du SRAS ?
C’était surtout dans le Sud, à Hong Kong. Et moi, j’étais à Pékin. Les Chinois sont habitués à porter le masque. Dès qu’ils ont une petite crève, par respect pour les personnes autour, ils en portent. Il n’y avait pas de confinement, mais il avait déjà les caméras thermiques dans les aéroports, pour voir si tu avais la fièvre. Mais ce n’était pas une parano démente, comme celle d’aujourd’hui. Il a eu aussi la grippe aviaire, la fièvre porcine… Tout ça, c’est similaire au Covid-19. Je suis pas un spécialiste mais cette migration de virus animaux vers l’humain, ce n’est pas complètement nouveau. C’est l’ampleur qui fait flipper, et la vitesse de propagation. Tout le monde voyage. Sûr que si un truc apparaît quelque part, ça apparaît aussitôt un peu partout, on le voit. Le bon côté du truc, c’est que la Terre se dépollue gentiment.
On entend les oiseaux chanter, aussi…
Oui, ça c’est pas mal.
Et passé le confinement ?
J’espère que nos dirigeants vont en prendre la mesure. Le télétravail, en tout cas, pour certaines branches professionnelles, ce n’est peut-être pas si mal. En fait, c’est le bon côté du truc. Sans le faire exprès, on a trouvé le moyen pour l’environnement. On voit que ça marche un peu ; il faudrait en tirer la leçon. Mais dès l’arrêt du confinement, les fabricants de bagnoles vont avoir envie de revendre leurs bagnoles ; les marchands d’essence envie de vendre leur pétrole… Tout va repartir de plus belle. Ça, c’est de l’humain, on ne retient jamais les choses. On est un peu con.
Que préparez-vous en ce moment ?
Un bouquin, mais en parler est un petit peu prématuré. Changement d’éditeur, rachat de contrat… c’est un peu compliqué. Sinon, je bosse pour Marvel. Je leur fais des couvertures.
Comment avez-vous été amené à travailler pour eux ?
J’ai pris un agent pour s’occuper un peu de mon business aux États-Unis. J’avais déjà travaillé avec des éditeurs americains, il y a une petite trentaine d’années. J’avais fait un Star Wars et ça avait bien plu. Dans les années 80, on faisait des franchises en jouets, mais aussi des comix. Un nouvel éditeur qui s’appelait Dark Horse avait sorti un bouquin aux USA, le premier de SF que j’avais fait en France. Du coup, le patron de la boîte est venu me trouver à Angoulême. On a signé le contrat et on est allé au ranch, chez Lucas, à côté de San Francisco. Je ne l’ai pas rencontré mais, voilà, j’ai fait ce bouquin [L’Héritier de l’Empire]. Et comme Disney a racheté Lucasfilms, puis Marvel…
Gamin, j’adorais les personnages de Marvel, Spiderman… Maintenant, c’est devenu hyper populaire avec le cinéma. Mes influences viennent plus du comics que de la BD franco belge et, c’est vrai, dès que j’ai eu l’opportunité de dessiner tous ces personnages… Même si j’ai 60 balais, j’ai toujours 15 ans d’âge mental !

 

Biographie

Né en 1959 au Havre, Olivier Vatine démarre sa carrière dans le magazine Circus, puis entre avec son copain de classe Thierry Cailleteau, à Pilote. Naissent Fred et Bob, deux adolescents dragueurs et gaffeurs. Chez Fluide glacial, ils créent Stan Pulsar, l’aventurier des galaxies. Aux Éditions Delcourt, Cailleteau et Vatine proposent le récit humaniste Aquablue, un franc succès. Scénariste d’un western, Adios Palomita, et de pirates fantastiques en collaboration avec Pecqueur, Blanchard et Cassegrain, il est aussi le dessinateur de la trilogie Star Wars pour Dark Horse et du western nommé Angela… Après avoir codirigé le label Série B, il crée sa maison d’édition de produits dérivés, Comix Buro. Il est l’auteur de Infinity 8, chez Rue de Sèvres, un scénario co-écrit avec un autre Montpellierain, Lewis Trondheim.