Comment « traiter de politique sans parler de politique », c’est le défi que s’impose, depuis sa création, le Festival international du film politique de Carcassonne. « Nous partons du principe que le cinéma politique, c’est du cinéma qui a une intention, celle de nous interpeller comme spectateurs mais aussi comme citoyens, résume le directeur du festival Henzo Lefèvre. Aborder la politique, dans le cercle familial ou autre, sans être dans une forme de clivage, voire de violence, est devenu difficile aujourd’hui. Le festival a ce pouvoir de nous détacher de cette politique politicienne qui nous divise en montrant des films qui englobent pleinement des thématiques sociales, sociétales, économiques, environnementales ou encore de droits humains. »
44 films dont 38 longs métrages
L’an dernier, le festival a accueilli plus de 19 000 spectateurs, soit une augmentation de 30 % sur les trois dernières années, et la salle comble de l’Odeum, lors de la présentation, en novembre dernier, de la sélection officielle, semble de bon augure pour cette nouvelle édition.
Sans jamais s’imposer de quota géographique, de genre ou de thématique, le comité de sélection a retenu cette année, à l’unanimité, 44 films sur les 226 visionnés. Soit 38 longs-métrages, documentaires ou fictions, dont 36 présentés en avant-première. Hasard des sélections, la parité est presque parfaite (24 réalisatrices, 28 réalisateurs). « Notre seul critère est l’exigence artistique » insiste Henzo Lefèvre. La 7e édition s’ouvrira avec Kneecap, histoire d’un groupe de rap irlandais utilisant le hip-hop pour faire entendre son droit de minorité.
Dans un contexte géopolitique sous tension marqué par des conflits majeurs sur de nombreux continents, la question de l’immigration et de l’exil reste forte, entrant en résonance avec l’actualité sur les régimes totalitaires, autoritaires. En Iran, cinéma et politique semblent d’ailleurs indissociables, en témoigne une fois encore le film hors compétition My Favourite Cake, écrit et tourné avant l’éclosion du mouvement révolutionnaire Femme, Vie, Liberté, qui retrace poétiquement une renaissance amoureuse dans un pays où les droits des femmes sont fortement restreints. Les deux réalisateurs, Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha sont d’ailleurs toujours frappés d’interdiction de quitter le territoire iranien.
Homophobie en zone rurale dans le milieu du motocross (La Pampa), portrait de femme captant l’ambiance de la Tunisie moderne (Aïcha), prostitution de mineures (The girls at the station), exploration dans le quotidien d’une gynécologue obstétricienne dans un hôpital de l’est de la Géorgie (April) ou encore l’enquête sur son propre viol de la journaliste japonaise Shiori Itô (Black Box)… Tous ces récits fragmentés de vie proches de la réalité révèlent une tendance de fond dans le cinéma. « La fiction française propose de nouveaux imaginaires, moins conventionnels et parfois peu représentés, décrypte Henzo Lefèvre. Ces enjeux narratifs sont centraux. »
Le festival organise d’ailleurs deux journées pour les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, consacrées à ces problématiques contemporaines, tant françaises qu’internationales.
Autre temps fort de cette édition, la présence de Costa-Gavras, figure majeure du cinéma politique et habitué du festival, qui viendra présenter sa fiction hors compétition Le dernier souffle, dialogues philosophiques sur la vie et la mort entre un médecin en soins palliatifs et un écrivain. Pour sa clôture, le festival a fait le choix du film de Loretta Van der Horst The Border Crossed US, documentaire poignant explorant les réalités humaines derrière la politique migratoire à la frontière mexicaine.
« Ce choix de film n’est pas anodin, il sera diffusé à la même heure que l’investiture de Donald Trump », précise le directeur du festival. Très politique tout cela.
Légendes :
1- Festival international du film politique de Carcassonne, 6e édition, Étienne Garcia, Henzo Lefèvre.
© Camille Lorthiors
2- L’affiche de la 7e édition. © Henzo Lefèvre
© Atelier CADAM