Le cadre est si beau que Ben harper n’a pas résisté à tourner le dos au public pour admirer, pendant qu’il chantait, la lune se reflétant dans la mer. C’était en 2012. Le Théâtre de la mer à Sète, sorte de promontoire donnant sur l’eau, offre au spectateur une vue à couper le souffle et envoûte les artistes qui s’y produisent. C’est là que Jazz à Sète a posé ses valises depuis vingt-six ans. Ce festival, qui a lieu du 15 au 21 juillet, donne à voir les multiples facettes du jazz, souvent inattendues ou méconnues – rock, soul, funk, pop, hip-hop – et cette année flamenco. Il y a moins de jazz manouche qu’autrefois, un style qui n’est plus au goût du jour et qui, comme le blues, ne remplit plus la salle. « Je fais la programmation en fonction de mes coups de cœur, je partage mon enthousiasme avec le public. Nous servons en quelque sorte d’indicateurs pour montrer les nouvelles tendances », indique Louis Martinez, directeur artistique et fondateur du festival, heureux d’avoir fait venir les plus grands artistes internationaux et qu’à New York, où il se trouvait récemment, « ce festival soit connu ». Parmi les nombreux artistes programmés cette année, le « meilleur guitariste de jazz » Pat Metheny qui collectionne 20 Grammy Awards, le pianiste Jean-Pierre Como, la chanteuse coréenne Youn Sun Nah ou l’incroyable collectif new-yorkais Snarky Puppy.

900 festivals
Environ 900 festivals sur les 7 300 organisés chaque année en France ont lieu en Occitanie où la douceur du climat conduit les organisateurs à programmer les spectacles en extérieur. Un choix toutefois mis à rude épreuve pendant la canicule de l’été dernier. Notamment à Toulouse qui a connu la plus forte augmentation en moyenne sur l’année (+2,1 %) au niveau national. Les soirées suffocantes ont fait fuir une partie des spectateurs du Festival de Toulouse pourtant situé au bord de la Garonne, sur la Prairie des Filtres ou dans le Jardin Raymond VI : « Cette année, nous allons rapatrier les spectacles en intérieur notamment au Casino Barrière, au Théâtre du Capitole ou dans celui des Mazades », explique Francis Grass, adjoint à la Culture à la mairie de Toulouse. Du 1er au 13 juillet, ce festival propose un programme éclectique avec du classique, du jazz ou du son cubain, et une curiosité les 1er et 2 juillet : Philippe Katerine et Julie Depardieu accompagnés par l’Orchestre national du Capitole. En revanche, Rio Loco, le festival qui chaque année en juin, depuis vingt-huit ans, marie la Garonne à un autre fleuve en important sa musique à Toulouse – Cuba, le Brésil, l’Afrique, l’Amérique Latine –, est maintenu à la Prairie des Filtres. Impossible de caser à l’intérieur les milliers de festivaliers qui viennent en famille ou entre amis assister à un concert sur l’une des scènes du festival. « Nous avons commandé des brumisateurs et stocké des palettes de bouteilles d’eau que l’on distribuera », précise-t-il.

Gestes écologiques
Le changement climatique et la transition écologique sont au cœur de la préoccupation des organisateurs des festivals qui multiplient les gestes, les forums et les conférences sur le sujet. Le festival Greenland, un des derniers venus dans la région, qui présente sa deuxième édition, est particulièrement mobilisé. Situé au bord du lac de Palau del Vidre à 20 km au sud de Perpignan, Greenland propose trois jours de concerts du 21 au 23 juillet avec une trentaine d’artistes tels que Gims&Dadju, La Zarra, Benjamin Biolay ou Martin Solveig. « Quand des personnes ont su que nous faisions venir Maître Gims, elles m’ont dit : “Mais il n’est pas écolo, il est toujours dans des avions.” Je leur ai répondu que c’était l’occasion de le sensibiliser, que peut-être après, sa cigarette, il l’écraserait dans un cendrier ! », plaide John Guillet, cofondateur du festival. D’ailleurs, pendant le festival, les mégots sont récupérés pour être envoyés à l’entreprise MéGO ! qui les recycle en mobilier. Le plastique sous toutes ses formes, même en petite bouteille, que les festivaliers doivent abandonner à l’entrée, souvent de mauvaise grâce, est interdit dans l’enceinte du festival. « Nous avons installé un bar à eau où nous distribuons de l’eau gratuitement dans des éco-gobelets. Par ailleurs, pour chaque billet acheté, nous plantons un arbre », poursuit-il.

Un billet, un arbre
L’an passé 3 500 arbres ont ainsi été plantés au Burkina Faso. Mais cette année, l’équipe préfère faire appel à un pépiniériste local pour assurer un suivi des plantations. Les restes et les déchets alimentaires sont envoyés dans une usine de méthanisation pour produire du gaz vert. « Nous avons également un système de garderie pour que les jeunes parents puissent profiter des concerts. La dimension populaire et familiale est importante pour nous. Par exemple, les moins de 10 ans ne paient pas l’entrée », enchaîne-t-il.
Avant de créer Greenland, John Guillet travaillait pour une entreprise qui organisait de gros festivals. « Ça ne me correspondait pas. Je préférais les festivals éco-responsables et à taille humaine. D’ailleurs, ces gros festivals, ça va s’essouffler, les gens voudront revenir à quelque chose de plus humain. » De plus en plus de festivals de musiques actuelles, en France comme en Europe, tombent entre les mains de leaders mondiaux de la production tels que les Américains Anschutz Entertainment Group (AEG), Live Nation ou des Français Vivendi ou Fimalac et uniformisent leurs programmations en faisant venir des artistes aux cachets faramineux, d’autres au contraire choisissent une tout autre voie et préfèrent s’ancrer dans les territoires, collaborent avec les municipalités et les habitants, proposent des rencontres et des activités parfois à l’année, tissent le lien social

Au nom des territoires
L’humain, c’est bien ce que défend Monique Teyssier, directrice artistique du Festival de Thau, au bord de l’étang, un festival de musique de taille moyenne créé en 1991 par une bande de copains, parrainé par Pierre Vassiliu, qui a longtemps joué le rôle de découvreur de talents, tels que la chanteuse cap-verdienne Cesaria Evora ou le rappeur Oxmo Puccino. « Nous voulons rester un festival à taille moyenne pour conserver une forme de convivialité. » Malgré un bond des cachets d’artistes de 30 % au tournant des années 2010, dû à la baisse de la vente des disques, l’équipe maintient une politique tarifaire à portée de toutes les bourses : entre 8 € et 32 € la journée et gratuit pour les moins de 12 ans. De son côté, Cécile Heraudeau, codirectrice du festival Convivencia, un festival de musique du monde itinérant sur le canal du Midi pendant le mois de juillet, reconnaît « que le financement est compliqué et pas à la hauteur du travail fourni ». Outre les concerts gratuits le soir sur la péniche, auxquels les spectateurs assistent depuis la berge, ce festival « qui défend une vision de l’économie culturelle au service des populations » propose des actions en journée mettant en lumière le patrimoine de la région, notamment des concerts dans des caves de domaines viticoles, dans des Epahd ou des balades insolites. D’autres initiatives, comme l’initiation de jeunes à la technique radio pendant l’année, s’ancrent plus durablement sur le territoire. « Ils animent une émission en direct pendant le festival, invitent des artistes qui racontent le quotidien dans leur pays ou des habitants qui livrent des récits étonnants », enchaîne-t-elle. La formule plaît. « Nous sommes sollicités par d’autres communes mais nous ne pouvons pas répondre à tout le monde. » Se retrouver submergé, un comble !

Légendes :

La chanteuse Toni Green au théâtre de la mer, à Sète, en 2022
© DR

La péniche de Convivencia à Montech en 2022.
© Sbensizerara

Ariana Vafadari sera le 19 juillet à l’abbaye de Valmagne.
© Copie d’écran www.festivaldethau.com

Lac de Palau del Vidre où a lieu Greenland, du 21 au 23 juillet.
© DR

Soif ! Le tarot de l’eau est un rendez-vous au bord de l’eau créé pour le territoire Lodévois et Larzac. Il conjugue dessins, récits de vies, chants et musique en un concert de louanges à l’eau. Les matins, pendant le festival Résurgence de Lodève du 20 au 23 juillet.
© Cie Caracol

Le plastique sous toutes ses formes, est interdit dans l’enceinte du festival Greenland (comme la baignade, malheureusement).
© DR