Un reportage au centre de développement chorégraphique national (CDCN) La Maison à Uzès, on imaginait déjà la visite du studio, la répétition d’un artiste en résidence… Tout faux. « Nous n’avons rien de tout ça, seulement des bureaux », s’amuse la nouvelle directrice des lieux, Émilie Peluchon. « La Maison est avant tout un projet de territoire itinérant qui s’inscrit dans un contexte patrimonial et rural, avec pour mission de faire le lien entre les œuvres chorégraphiques et le public. » Le décor est planté.

Inventer une nouvelle scène
Ancienne directrice de Danse Dense, plateforme de repérage et d’accompagnement des chorégraphes émergents à Pantin, Émilie Peluchon a donc pris la tête de La Maison en novembre dernier où elle succède à Liliane Schaus, restée en place pendant seize ans.
« J’ai régulièrement travaillé avec le réseau des CDCN (13 établissements en France dont celui d’Uzès NDLR), je suis donc très sensible aux valeurs portées par Liliane et à cette mission itinérante de service public. Dans le sillon de l’esthétique postmoderne américaine où les danseurs investissaient buildings ou parcs, la notion de l’espace et sa compréhension sont primordiales. Le Gard a un patrimoine exceptionnel, c’est un terrain de jeu magnifique pour la création artistique de spectacles, qu’ils soient diffusés en intérieur, à l’extérieur, au sein de la ville ou de l’espace végétal. Tout s’ouvre. Cet enjeu de mise en relation des artistes avec les habitants m’anime depuis toujours. »
Dans sa boîte à outils, La Maison a initié il y a déjà six ans un concept original, hybride, qui se veut à la fois lieu de vie, d’étude, de recherche et de représentation : le studio mobile. Complètement modulable, avec un plancher de 145 m2, des structures d’accroche, du matériel sons et lumières…, ce studio s’adapte à tous les espaces qui l’accueillent – salle de fête, cinéma, etc. – inventant ainsi une nouvelle scène chorégraphique. « Un espace moins solennel qu’un théâtre et moins sacralisé qu’un musée », résume Émilie Peluchon.
Pour cette saison de transition entre deux directions, La Maison va donc itinérer d’Uzès jusqu’à Saint-Jean-du-Gard (nouveau partenaire) en passant par Pont-Saint-Esprit (deuxième port d’attache de La Maison), le Pont-du-Gard, Barjac (en complicité avec la Maison de l’Eau, Théâtre d’Allègre-les-Fumades et Nîmes (Théâtre de Nîmes et Le Périscope).

Séduire la jeunesse
Aux côtés d’une équipe (8 collaborateurs-rices) partiellement renouvelée, Émilie Peluchon inscrit sa démarche dans une vision protéiforme d’une création chorégraphique engagée tant sur la forme que sur le fond. « La danse a cette vertu et cette force d’être un art qui nous charge de désirs et d’émotions, c’est en cela qu’il est précieux. Amener le public à se questionner sur le sens des propos d’un spectacle, qu’il soit d’ordre politique, social, ou plus intime, et rendre cet art accessible est notre rôle ; tout le monde peut s’y retrouver, notamment les jeunes qui seront les spectateurs de demain. » C’est justement cette relation à la jeunesse qui a convaincu la directrice d’associer pendant trois ans La Maison à l’artiste Marion Carriau. « J’ai déjà travaillé avec Marion, je connais bien son univers artistique, son esthétique, sa recherche et ses créations qu’elle envisage comme des lieux d’ouverture sur la fiction favorisant la réinvention des corps. Ses œuvres modulables sont pensées pour entrer en dialogue avec l’environnement dans lequel elles s’inscrivent. En 2021, elle a créé une version jeune public de Je suis tous les dieux, qui va se prolonger (Toussaint 2023) par Des forêts et des lunes, version avec des enfants. »

Le festival d’Uzès, point d’orgue de la saison
De Mister Splitfoot (14/02 à Nîmes), solo délicat et mystérieux d’Émilie Labédan, librement inspiré des sœurs Fox, pionnières du spiritisme aux États Unis, à Black/White (25/02 à Saint-Jean-du-Gard) porté par Hamdi Dridi et Emmanuel de Almeida, duo d’artistes puissamment rythmique et physique, de Like me 2 (22/03 à Pont Saint-Esprit), exploration plurielle de Léa Leclerc qui interroge les réseaux sociaux, à Devenir crocodile (27/04 à Pont-Saint-Esprit) où l’artiste franco-libanaise Danya Hammoud (artiste associée de La Maison jusqu’en 2022) tisse un parcours narratif et sonore très poétique, en passant par le jeu de déconstruction très drôle de Marine Colard, mêlant dans Le Tir sacré (6/04 au Pont-du-Gard) danse et théâtre… La programmation de la saison 2023 se veut dynamique, tout en surprises, ponctuée d’ateliers d’exploration artistique et de projets de sensibilisation. Elle se clôturera en juin avec le Festival d’Uzès – du 7 au 11 juin 2023, moment joyeux où se retrouvent artistes, public et partenaires. « C’est un véritable voyage dans l’histoire de la danse, de la création contemporaine à des figures emblématiques, de l’émergence à des artistes confirmés », conclut Émilie Peluchon.

Dates clés du CDCN

Au début des années 80, à la faveur de l’explosion de la Nouvelle Danse Française, le ministère de la Culture met en place une politique volontaire pour la danse. En découle notamment la création des Centres Chorégraphiques nationaux.
À Uzès, Didier Michel, avec la complicité de la chorégraphe Maguy Marin, crée en 1996 le « Festival de la Nouvelle Danse ».
En 2000, l’association devient Centre de Développement Chorégraphique (CDC), six ans plus tard, Liliane Schaus prend la direction d’Uzès Danse et s’adjoint la collaboration d’un artiste compagnon au long cours (durée entre trois et cinq ans).
2010 : le réseau des CDC est labellisé.
2016 : conception du projet de studio mobile.
2017 : le CDC Uzès Danse devient La Maison CDCN Uzès Gard Occitanie. Première saison de territoire
2022-2023 : 6e saison avec le studio mobile. Émilie Peluchon succède à Liliane Schaus.