Le musée de Céret, c’est avant tout une histoire de copains. Trois au départ, sculpteur, compositeur et artiste/collectionneur. Situé au cœur de la petite ville des Pyrénées-Orientales, à l’ombre de ses désormais célèbres platanes, le musée irrigue depuis sa création, en 1950, la rue principale et ses circulades d’un trafic ininterrompu de touristes et amateurs d’art venus du monde entier, depuis que Manuel Martinez Hugué (dit Manolo), Déodat de Séverac et Frank Burty Haviland leur ont montré le chemin – de fer en l’occurrence – en 1910.
Dans leur sillage, leurs amis de Montmartre les rejoignent, ils s’appellent Picasso, Braque, Juan Gris, Max Jacob, Auguste Herbin… Dès lors, les paysages remarquables de Céret acquièrent une notoriété internationale. Nombre de chefs-d’œuvre y sont peints. La création d’un musée s’impose. Brune, Soutine, Masson, Chagall, Miró, Tàpies, Viallat, Bioulès… La ville de Céret est son extension et son origine ; elle contribue encore aujourd’hui à rédiger les pages parmi les plus glorieuses de l’histoire de l’art en accueillant des générations d’artistes de premier plan.
L’aventure ne semble pas prête de s’arrêter. Après un premier agrandissement en 1993, inauguré en présence du président de la République de l’époque François Mitterrand, les nouveaux travaux ont créé 1 300 m2 supplémentaires et une nouvelle aile. Le nouvel espace réalisé par le cabinet d’architecture Pierre-Louis Faloci (Grand prix national d’architecture 2018) accueille aujourd’hui l’exposition temporaire de l’artiste et poète catalan Jaume Plensa tandis que les chefs-d’œuvre du fond – et ceux prêtés tout exprès – peuvent désormais se découvrir dans de meilleures conditions et en plus grand nombre.
Lors de l’inauguration, le samedi 5 mars dernier, les représentants des Ville de Céret, Département des Pyrénées-Orientales, Région Occitanie, État français et un nombreux public étaient réunis autour de la conservatrice en chef du lieu, Nathalie Gallisot, de Jaume Plensa, de Pierre-Louis Faloci, notamment. En entrant dans le hall réaménagé, l’heure fut presque au recueillement face à la première pièce de Jaume Plensa, Carletta. Le marbre de 2 m de haut environ représentant le visage d’une jeune et belle femme, yeux clos, apposant la tranche de son index sur ses lèvres invitant à sa manière douce les premiers visiteurs du musée et les suivant au respect devant cette grâce retrouvée. Celle de ces œuvres majeures qu’on (re)découvre – les céramiques de Picasso, sa Sardane de la paix (peinte au café de Céret), Les Gens du voyage de Chagall, la Femme oiseau de Miro… – et la grâce de leur nouvel écrin : salles à la muséographie simple et fluide, escalier central baigné par le ciel du Midi et belvédère panoramique embrassant d’un regard un siècle d’histoire de l’art. De cette « canopée de la ville », selon l’expression de l’architecte Pierre-Louis Faloci, qui évoque aussi « d’écologie du regard » qu’il entend respecter, outre le mont Canigou, on distingue en effet les différentes demeures où ont résidé les artistes à qui l’on doit le musée. Musée et paysages sont amis.
Exposition temporaire : Jaume Plensa – Chaque visage est un lieu, du 5 mars au 6 juin.
www.musee-ceret.com
Inauguration, le verbatim
• Michel Coste, maire de Céret, évoque l’Ukraine au 10e jour de guerre, s’interrogeant sur ce « que représente cette journée d’inauguration au regard de ces événements tragiques ? » Il répond : « Le meilleur de nous-mêmes, le meilleur de notre civilisation. Il faut porter à tout moment et en tout lieu l’art et la culture. »
• Hermeline Malherbe, présidente du Département des Pyrénées-Orientales, habillée elle-même en bleu et jaune, rappelait qu’à deux pas d’ici « Picasso dessinait sur une table du Grand café sa célèbre Colombe de la paix. »
• Fita, vice-présidente de la Région Occitanie, en charge de la culture : « La culture nous permet de faire société, d’éveiller nos consciences… [de faire] barrières contre l’obscurantisme. Il est toujours plus nécessaire de chérir démocratie et liberté. »
• Nathalie Gallisot, conservatrice en chef citait quant à elle respectivement Pablo Picasso et François Mitterrand : « L’art est un mensonge qui nous permet de dévoiler la vérité », « c’est un catalyseur pour accéder à la liberté, au bonheur. »