Joli coup pour ce premier commissariat d’exposition de Lisa Crespy, jeune employée du service culturel de la Communauté de communes du Grand Pic St Loup ! Passionnée d’art contemporain, Lisa Crespy en aurait presque volé la vedette aux artistes qu’elle a choisis pour investir les murs de la Maison des Consuls, aux Matelles, village au nord de Montpellier. Lors de l’inauguration, des taquineries sur la fierté que pouvait en ressentir sa maman présente dans l’assistance, répétées jusqu’à plus soif par certains officiels, l’ont bien inutilement embarrassée. Lisa Crespy ne s’en est toutefois pas laissé compter, clôturant les discours avec brio et professionnalisme.

Cadavre exquis
Selon sa volonté, c’est en un « carnet d’inspiration », titre de l’exposition, que le musée des Matelles a mué. Sous «le fil, le trait, le dessin » des artistes qui ont investi ses murs, sol et plafond parfois, un peu à la manière d’un cadavre exquis. Par ce jeu cher aux surréalistes qui laisse déborder un élément d’une œuvre cachée, début d’un prolongement possible, des couleurs, une trace, une ombre peut-être, ont pu guidé d’une salle à l’autre Adbelkader Benchamma, Laure Boin, Choé Dugit-Gros, Pablo Garcia, Chourouk Hriech, Ganaëlle Maury, Floriane Saint-Sébatien, Charles Serruya. Chacun a pu en tout cas dévoiler les richesses de son univers. Pour des questions d’agenda, seule les tableaux d’Adbelkader Benchamma n’ont pas été produits sur place ou pour l’exposition.

Mondes interstitiels
Comme toujours dans les expositions collectives, par l’inspiration des artistes eux-mêmes, par des choix artistiques et d’accrochage, un dialogue s’instaure entre les œuvres. Entre celles de Ganaëlle Maury, Chourouk Hriech et Adbelkader Benchamma, de manière évidente. Leurs mondes interstitiels en expansion, tracés d’un noir radical, pourraient cependant rejoindre l’imaginaire coloré et naïf de Florine Saint-Sébastien. Tous empruntent des chemins sinueux, parcours des lieux incertains et s’émancipent volontiers des cadres. Leur trait est libre, se métamorphose. Tout comme les cigales dont Laure Boin met les mues sur piédestal. C’est de cette nécessaire adaptation à la nature, indispensable à la survie dont il est aussi question. De mondes nouveaux, à l’instar de ce globe aux multiples visages chantournés, suspendu sous la spectaculaire charpente contemporaine du musée par Charles Serruya. Quant à l’origine de ces mondes, de celui de Pablo Garcia en tout cas, il l’a peinte par aplats nébuleux et colorés. Joyeux ? Ne vous y fiez pas ; l’artiste cultive l’art du camouflage, ses sujets de prédilection sont souvent sombres ! Au contraire de Chloé Dugit-Gros. Sa citation favorite, collectée par Lisa Crespy pour le catalogue de l’exposition ? Celle de Nathalie de Pasquier (à voir au MRAC de Sérignan cet été) : « Ne prenez pas ces dessins trop au sérieux ! » A la manière de hiéroglyphes, son tapis tufté à la main, technique de tissage de la laine, semble en effet défier avec malice Champollion !