Sol surélevé pour le creuser, comme par une archéologie de la mémoire, la première salle du centre régional d’art contemporain (CRAC) de Sète, vaste, impressionne par sa quasi-vacuité. Dans des fosses de 40 cm environ de profondeur, 4 m2 de surface, des objets disparates viennent contredire la doxa minimaliste qui prévaut.
Différentes focales du regard, de l’échelle de l’espace au détail d’objets usagés du quotidien, mettent en tension l’observateur. Bienvenue à l’exposition des œuvres de Laura Lamiel.
Sous ce premier commissariat de Marie Crozette à Sète, Laura Lamiel s’est emparée du lieu avec la ferme intention de nous « faire plisser les yeux, des murs vers le sol », explique la nouvelle directrice du CRAC depuis l’été dernier. « J’y suis d’abord restée trois ou quatre heures pour m’en imprégner », confiait l’artiste qui travaille in situ. Expliquant lors d’une visite de presse sa « vision en oblique », elle redécouvrait son œuvre une fois en place, avouant avoir été fascinée par les immenses portes d’acier de cet ancien entrepôt frigorifique qu’est le CRAC. « Sans le vouloir, je me suis aperçue que la lumière baissait de salle en salle. » Comme si l’on pénétrait les tréfonds intimes de sa pensée, de son âme.
Les yeux de W, titre de l’exposition, invitent le visiteur à parcourir l’univers a priori inconcevable habilement composé par l’artiste ; une succession d’installations dont l’ambivalence est un troublant fil conducteur. Comme le suggère la lettre W : double vision, double vie, double vibration du regard qui se perd dans des sources infinies d’images. Des paysages d’objets et de matériaux hétérogènes, acier émaillé blanc, plexiglas, néon se mêlent au bois vernis, au cuivre, aux grains d’encens, mais aussi au tissu, au papier ou au coton. La magie opère inexorablement, on est touché par le raffinement de l’expérience sensorielle vécue. Les mystères qu’elle convoque restent entiers, mais passer de l’autre côté du miroir ne laisse évidemment pas indemne.
Jusqu’au 19 mai 2019.