
En avant-goût de la grande exposition Jean Hugo, visible à partir du 29 juin aux musées Paul Valéry à Sète, Fabre à Montpellier et Médard à Lunel, on peut découvrir depuis le 3 mai l’exposition Gérard Calvet, prémices d’une œuvre (1945-1955) au musée de Vulliod-Saint-Germain, à Pézenas (Hérault).
Gérard Calvet fit en effet partie du groupe Montpellier Sète auquel Jean Hugo est parfois associé, même s’il n’en fut que l’invité occasionnel, notamment lors d’une exposition au musée Paul Valéry. Outre l’amour de l’art et la proximité de leurs lieux de résidence, ils ont en commun une expression picturale figurative au moment où ce style artistique est délaissé par la critique, pendant la deuxième moitié du XXe siècle.
« Il serait heureux que ça vous plaise, vu comme son travail a été souvent ignoré. Comme pour Bernard Buffet avec qui il était ami », témoignait ainsi Jean-Christophe Calvet, fils de Gérard, s’adressant à un visiteur face au tableau Femmes aux poissons lors de l’inauguration. Une injustice à ses yeux que le musée de Pézenas entend contribuer à réparer. C’est la toile qui a été retenue pour l’affiche (page de droite).
L’exposition présente en tout cas un autre intérêt, celui de montrer des œuvres parmi les toutes premières réalisées par l’artiste et totalement inédites ; les circonstances hasardeuses de leur découverte, en 2021, ajoutant leur part sympathique de récit.

Gérard Calvet, Prémices d’une œuvre montre une grande partie de trente de ses toiles dont l’existence est restée insoupçonnée pendant près d’un demi-siècle dans l’ombre humide d’un sous-sol. Après le décès du peintre (1926-2017), et jusqu’au déménagement de l’appartement voisin de son atelier montpelliérain, cinq ans plus tard, une clé étiquetée « cagibi » avait gardé tout son mystère. Aucune porte de l’atelier ne correspondait à un tel libellé. Et puis… « Le concierge m’a dit de ne pas oublier le cagibi », explique la fille de cette voisine qui contacte Laure Calvet, fille du peintre, espérant que peut-être son père avait pu en garder la clé qu’elle ne retrouve pas.
Au fond d’un couloir sans lumière, derrière une vieille porte en bois gonflée par le temps, Laure raconte qu’un rouleau de toiles poussiéreux est alors apparu dans le faisceau de la lampe torche. « Plusieurs sont peintes sur du coutil de matelas, de la toile de jute des sacs de pommes de terre que notre grand-mère envoyait à son fils », décrit-elle dans la revue L’ami de Pézenas, qui fait office de catalogue de l’exposition.
Cette découverte enthousiasme Laure, et tout autant ses frères et sœur Jean-Christophe, Vincent, Georges et Lise, qui décident d’y consacrer un conseil de famille !
Une petite partie des toiles s’avèrent irrécupérables. Mais d’autres, une fois placées sur châssis par les soins de Jean-Christophe, photographe, sont remarquables.
Elles datent de 1945 à 1955, notamment des années parisiennes du peintre, période où Calvet entre aux Beaux-arts de la capitale pour s’affirmer en tant qu’artiste et devenir, chemin faisant, professeur d’arts appliqués. Les conditions précaires de son quotidien d’étudiant, ses rencontres, les quartiers qu’il fréquente fournissent autant de sujets pour ces toiles au style déjà déterminé : couleurs vives, cernes épais…
L’exposition est complétée par d’autres tableaux et dessins de l’artiste, par ses décors et costumes de théâtre, en particulier pour des pièces de grands noms de la scène comme Gabriel Monnet et Michel Galabru. Aux nus et portraits féminins, notamment d’Yvonne, sa femme, succèdent des portraits d’enfants dont des leurs, des photos, sculptures, vitrines et un film biographique qui retracent au final une œuvre incontestable, fidèlement révélée en une intimité familiale touchante.

La relative modestie des moyens de ce musée, dépourvu de conservateur, ajoute à l’ambiance domestique de la visite. Des cimaises un brin désuètes, une scénographie sommaire parmi des tapisseries d’Aubusson, un mobilier d’époque, céramiques et bibelots… imposent un cadre encombrant à la déambulation à travers ses deux étages, essentiellement dédiés à l’art décoratif. Nonobstant, c’est un magnifique hôtel particulier du XVIe siècle labellisé musée de France. Il est géré selon les termes d’une donation par l’association Les Amis de Pézenas, parfaitement consciente des limites qui sont les siennes, et qui demande avec insistance à ses deux co-administrateurs, la Ville et le Département, la nomination du conservateur qui lui manque tant. En vain, jusqu’ici. La mairie a toutefois engagé dernièrement de coûteux travaux notamment sur la toiture et sa superbe façade.
Gérard Calvet. Prémices d’une œuvre
Jusqu’au 3 novembre – Pézenas