Cinq ans après la restauration remarquable du musée qu’elle dirige (et pour laquelle le cabinet d’architectes Projectiles a reçu de nombreuses distinctions), Ivonne Papin commémore de belle façon un autre anniversaire, celui des 60 ans de la mort de Paul Dardé. La conservatrice des lieux a en effet donné carte blanche à Violaine Laveaux qui a engagé voilà près de dix ans un dialogue avec l’œuvre du célèbre sculpteur lodévois. L’exposition Métamorphoses en est la restitution. Une deuxième exposition propose quant à elle des dessins de Dardé qui prennent pour thème la pièce de Shakespeare, Mac Beth.

Lewis Carroll

C’est à la faveur d’une visite du musée en 2014 que l’artiste carcassonnaise Violaine Laveaux a véritablement « rencontré » Dardé. « Je suis tombée sur son œuvre L’éternelle douleur. Elle a déclenché en moi une grande fascination. » Si la sculpture a depuis retrouvé les murs du musée d’Orsay, à qui elle appartient, elle a continué de nourrir en Violaine Laveaux « une réflexion sur la figure de la gorgone Méduse ». L’artiste s’est alors immergée totalement dans la collection Dardé du musée de Lodève, mais aussi dans son fonds archéologique.

De ce matériau émotionnel, puisant dans la mythologie et la botanique, la plasticienne a conçu des liens entre les mondes végétal, animal, minéral et humain. Une déambulation sur la totalité du niveau 2 du musée qui présente des installations, sculptures de grès et porcelaines, dessins et photos dont l’inspiration vient principalement, on l’a dit, de La tête aux serpents (autre nom de L’éternelle douleur) mais aussi de L’enfant au lapin. « Par ricochet », dit-elle, Violaine Laveaux réinvestit l’œuvre de Dardé selon son propre vocabulaire artistique, en revisitant la notion d’herbier, par exemple, à travers de fragiles branches tissées ou trempées dans de la porcelaine liquide. L’univers immaculé qu’elle dessine avec une infinie délicatesse, forme une écriture spatiale onirique, qui plonge instantanément le visiteur dans un conte à la Lewis Carroll. Violaine Laveaux fige dans nos mémoires celle de son geste déterminé, plus ou moins aléatoire : « Ce sont les accidents de la branche qui me donnent la direction. » La métamorphose tient alors « plus du dessin dans l’espace que de la sculpture », précise l’artiste qui aime traiter son travail « avec presque rien. Je me sens plus issue de l’arte povera ».

Dans une salle, comme autant de clins d’œil, des miroirs de pierres renvoient le regardeur qui tente de s’y mirer à une réflexion tout intérieure… et bien vue !

Éléments troublants

À l’issue de cette carte blanche à Violaine Laveaux, un imaginaire non moins fantastique s’offre au visiteur, celui du chef-d’œuvre de Shakespeare, Mac Beth, illustré par Paul Dardé. Et une question qui sous-tend toute l’exposition : s’agit-il d’une sorte de story-board réalisé par l’artiste en vue de concevoir les décors d’une future mise en scène ? Voire celui d’un film auquel Dardé comptait apporter son concours ? Il fut d’ailleurs figurant dans Le magicien (Rex Ingram – 1928). Étaient-ils au contraire destinés à une « simple » édition ? Nulle réponse à ces questions. Mais les 500 dessins réalisés vers 1931 à l’encre de Chine, au lavis, parfois rehaussés à la gouache, sont autant d’indices que l’on a à cœur de débusquer. Près de 6 000 autres ont fait l’objet d’un don de la part de Michel Caubel, membre de la famille Dardé, et pourraient aussi fournir des réponses. Autres éléments troublants : certaines expressions du film de Rex Ingram dont on peut voir la vidéo au rez-de-chaussée du musée, ressemblent étonnamment à celles croquées par Dardé…

Métamorphoses, jusqu’au 27 août au musée de Lodève (Hérault).
Tarifs plein 8 €, réduit 6 €.