François Noël quitte ses fonctions de directeur du Théâtre de Nîmes qu’il occupait depuis vingt ans. Sous ses dehors discrets, il a fait de la scène nîmoise l’une des fortes références en Languedoc-Roussillon. Il y a combiné la maîtrise des grands événements – venues multiples de la compagnie de Pina Bausch, jusque dans les arènes – et le soutien attentif à des artistes pointus, tels Bruno Geslin ou Alain Buffard.

Juste sur ce départ, le Théâtre de Nîmes renoue comme chaque année avec son festival de flamenco, fleuron de sa programmation. Sur l’affiche : une fillette bailaora s’en va, vue de dos – vers toujours plus d’avenir ? Sous la houlette de François Noël, le Festival flamenco de Nîmes est parvenu à sa pleine maturité et nous offre une sorte de feu d’artifice, ou mieux : son bouquet final. On remarque que Chema Blanco, son conseiller artistique, est devenu l’an dernier le programmateur de la célèbre Biennale de Séville.
Cette personnalité affirmée est celle du flamenco contemporain : une nouvelle génération d’artistes, voyageurs, cultivés, informés de l’évolution des autres arts et des idées, dotée d’une compréhension profonde de l’histoire, la technique, l’anthropologie de son art. Ils ne se satisfont pas d’en reconduire la stricte orthodoxie des codes établis. Ils y puisent un vocabulaire pour parler au monde d’aujourd’hui. Au-delà du seul chant, la seule guitare, la forme chorégraphique, scéniquement développée, leur offre le terrain d’expression le plus fécond.
Certes, de très grandes voix (le mythique Tomas de Perrate, l’intrépide Niño del Eche, la novatrice Rosario La Tremendita) ou les cordes sublimes d’Alfonso Losa en soirée de clôture feront vibrer la scène musicale – jusqu’à La Paloma, où rock et électronique règnent habituellement en maîtres. Mais le Festival flamenco de Nîmes ouvre surtout le grand éventail de l’actualité en danse.
Les référents de haute tradition n’en sont pas exclus, les Ana Morales (prix national de la danse 2022 en Espagne), Eva Yerbabuena, mais toujours soucieuses de renouvellement. Cette dernière offrira ses propres pas à la direction d’un autre chorégraphe, elle ne l’avait jamais fait. Autre prix national de danse 2022, Andrés Marín est rejoint par un danseur basque traditionnel – tant la fameuse « tradition » recouvre une multitude de diversités. Sur les versants les plus actuels, Israël Galvan vient tutoyer, proche de l’impro, les audaces d’un autre monstre sacré, Niño del Eche. Javiera de la Fuente (en création mondiale) ou la Britannique Yinka Esis Graves funambulisent à la jonction du contemporain.

Autre marque de fabrique nîmoise : l’accueil, étalé dans la durée, d’étapes de création de projets en cours. Des spectateurs nîmois trépignent d’impatience à l’idée de découvrir la conclusion de la trilogie que Rocio Molina a consacrée à son lien intime à la guitare. Le revendicatif David Coria prend le relais d’un processus à découvrir en workshop, avant qu’il revienne en création mondiale en 2024. Car tout le monde voudrait miser sur la poursuite de ce festival, au-delà du dernier zapateado de son directeur François Noël.

Festival flamenco de Nîmes, du 9 au 21 janvier. www.theatredenimes.com

 

Une maladresse rectifiée ?

François Noël serait encore resté en poste si, sans préavis, la mairie de Nîmes n’avait amputé de 250 000 euros la subvention annuelle qu’elle alloue au théâtre. « Cela en pleine sortie du Covid, avec les difficultés de reconquête du public qui se surajoutent », regrettait-on en off lors de la conférence de presse de présentation du festival Flamenco. Il y a vu un genre de désaveu. À la mairie, on tempère : « Si cette subvention a baissé en 2022 (elle restait de l’ordre de 3M€ malgré tout), elle va repartir à la hausse en 2023. Le prochain Conseil municipal du samedi 17 décembre à 8h a inscrit cette question à l’ordre du jour. Concernant la fin de la collaboration avec François Noël, celui-ci a effectué un travail remarquable pendant de longues années pour développer la notoriété du Théâtre de Nîmes et renforcer la place de la Ville dans le monde de la culture. M. Noël a demandé à faire valoir ses droits à la retraite et la Ville ne peut que le remercier de tout ce qu’il a apporté. Un nouveau directeur arrivera prochainement, avec un nouveau chapitre à écrire, et de nouveaux défis à relever. »
La nouvelle directrice du Théâtre de Nîmes a été depuis nommée, il s’agit d’Amélie Casasole. À 48 ans, elle est l’actuelle directrice du Théâtre de Villefranche-sur-Saône.

 

David Coria
Los Bailes Robados
©Angel Montalban

Marina Heredia
©Alvaro Yus

Javiera de la Fuente
Envioleta
©Luciano Rubio

Rosario La Tremendita.
©Alejandra Amere

Israel Galvan &
Niño de Elche
©Kana Kondo