La vie de Simon Leibovitz – Grzeszczak (de son vrai nom) a redémarré à 20 ans. Victime d’une rupture d’anévrisme qui le laisse amnésique et épileptique, il se découvre étudiant aux Beaux-arts de Paris avec autour de lui un vaste monde de points d’interrogation. Artiste pluridisciplinaire, il l’est d’abord par le cinéma, puis opte plus résolument pour la peinture vers 2013, semblant depuis exorciser l’extraordinaire coup du sort, dans une sorte d’archéologie picturale. Comme à la recherche de lui-même, il puise dans la mémoire universelle des hommes, à la manière d’un chercheur d’or.

Processus de création
Le monde qu’il « invente » – selon le vocabulaire de celui qui découvre un trésor ou une grotte et devient son inventeur – est une sorte de palimpseste « grotesque, carnavalesque », dit-il, dont les éléments constitutifs s’enchevêtrent, se superposent ou s’effacent les uns les autres, selon diverses techniques.
Mais d’or, il n’est pas forcément question. Son processus de création passe par un premier geste, une tache sur la toile telle celle d’un test de Rorschach. Cette tache lui suggère des formes, des couleurs : « J’enquête pour découvrir d’où elles émergent. Car souvent elles préexistent. » Sur internet ou ailleurs, Orsten Groom tire le fil d’un récit à la manière d’un cadavre exquis, cher aux surréalistes. Un motif qui motive un cheminement. « Parfois je suis horrifié ! ».
Il ne s’agit pas pour lui d’illustrer mais de rendre compte des résultats de ses enquêtes. La peinture comme un « flow d’origines », ses tableaux comme « des ouvroirs de généalogie » ; « je me sens comme le traducteur de quelque chose que je ne connais pas ». La toile, comme suturée ici, là, partout, se charge jusqu’à la saturation, en un maelström sémantique bariolé qui souvent évoque « la catastrophe humaine ».

Au service de l’art
Également poète et musicien, Orsten Groom sait écouter ses tableaux en cours de création : « lorsqu’ils ne me parlent plus, ils rejoignent le monde des tableaux. » A eux de trouver dès lors leur chemin vers l’exposition, celui d’un « tribunal puisque procès et processus (de création) partagent la même étymologie ».
Sur les murs du musée, la visite est rythmée en trois séries principales : Orbe, composée de 5 tableaux réalisés en collaboration avec le poète André Markowicz ; une autre, Chrome dînette, dédiée à Sigmund Freud et Moïse (à découvrir avec des lunettes 3D), et enfin Odradek, soit la forme que prennent les choses dans l’oubli.
Si Orsten Groom s’est choisi ce pseudonyme, c’est parce qu’il s’estime au service de l’art (Groom), Orsten tirant son origine d’Orson Wells, écorché par la prononciation approximative d’un mafieux célèbre. Pleine d’humour, érudite, sombre aussi, souvent, l’œuvre d’Orsten Groom se mérite. Vortex ou magma de références, signes, messages plus ou moins subliminaux, elle s’apprécie d’autant mieux aux côtés d’un(e) médiateur/trice.

02 décembre 2023 – 25 Février 2024
https://museepaulvalery-sete.fr

Légendes photos :

• Orsten Groom devant Dora Maat, série Chrome dinette.

• Devant Origine, le seul tableau réalisé avant l’AVC de l’artiste.

• Caputloquax, série Chrome dinette.