Ceux qui avaient déjà été emportés par sa « vague », au CRAC de Sète en 2017 (artdeville n°54), reconnaîtront immédiatement les briques de verre qu’utilise l’artiste une nouvelle fois pour ériger cette œuvre monumentale. Présentée depuis le 11 juillet dernier au musée Ingres Bourdelle de Montauban, Sur les ruines du Prince noir, titre de l’exposition, dialogue avec l’histoire des lieux par une installation aussi spectaculaire qu’étonnante. Aux briques des murs bien solidement arcboutées sur leurs fondations multiséculaires, répondent celles fragiles d’un improbable empilement éphémère créé par l’artiste. Telles les silhouettes de trois sombres ectoplasmes s’élançant hors de leur tombeau, ces briques forment une architecture massive qui défie les lois de la gravité et rend perplexe le regard des visiteurs. Âmes possibles des nombreuses vies sacrifiées par le sanguinaire passé du château médiéval dont le sous-sol, la salle dite du Prince noir, est l’unique vestige ? Jean-Michel Othoniel nourrit quoi qu’il en soit l’espoir que son geste réenchante le monde. Au cœur des milliers de facettes et éclats irisés qui reflètent la lumière des fenêtres de cette ancienne salle d’escrime, trône un bloc de cristal rouge rubis à la manière d’une relique. Une braise prête à enflammer de nouvelles passions, sans nul doute ; l’artiste formant le vœu, en ces temps belliqueux, qu’elles seront pacifiques cette fois-ci.
Pour accompagner cette œuvre magistrale, Jean-Michel Othoniel a eu l’idée de sortir de ses archives des dessins de jeunesse qui montrent que son intérêt pour Ingres ne date pas d’hier. Ils réinterprètent la Grande Odalisque d’Ingres en des compostions à partir de reproduction du tableau célèbre. Othoniel en masque certaines parties révélant ainsi toute la sensualité pour laquelle le peintre est connu.

Musée Ingres Bourdelle
Montauban – Jusqu’au 5 janvier 2025.