C’est à un spectacle plutôt réussi auquel ont pu assister les passagers de la Ligne. Embarquées en gare de Béziers en direction de Bédarieux le week-end du 29 et 30 octobre dernier, 510 personnes en tout ont pu découvrir dans un TER le reportage-fiction écrit par Catherine Verlaguet et mis en scène par Marine Arnault et Fabien Bergès. Joué trois fois par quatre comédiens de la Cie Humani, ce spectacle contait aux voyageurs les affres de Sophie Petitmalin, conseillère auprès du ministre des Territoires, chargée d’établir « un rapport sur la rentabilité des territoires ». Si le récit était fictionnel, les références à l’histoire de la Ligne et à ses caractéristiques techniques étaient authentiques.

Un projet culturel
D’après une idée originale d’Éric Verlet, directeur de la Culture de la Communauté de communes les Avant-Monts (34) qui l’a coproduit*, le spectacle s’inscrit dans une démarche peu banale, à mi-chemin entre la communication politique et la culture – Éric Verlet cumulait en effet les deux casquettes, Culture et Communication, jusqu’à l’an dernier : « ça devient un sujet de communication, mais c’est d’abord un projet culturel », modère-t-il. L’homme de l’art ne nie d’ailleurs pas l’aspect militant de son initiative : « Nous avons fait monter des gens dans le train et, pour certains, c’était la première fois qu’ils prenaient un TER. Et ils en sont sortis ravis ! »
Car la Ligne en question n’est pas n’importe laquelle. Elle est l’une de ces « petites » lignes menacées depuis des décennies par leur faible fréquentation et le désinvestissement chronique dont elles souffrent, même si souvent elles traversent des paysages remarquables.
Sauvée par la Région mais toujours en sursis, la ligne Béziers-Neusargues est à cet égard emblématique.

Point à la Ligne
La Ligne, c’est ce destin mythique que quatre contrôleuses et contrôleurs** d’un week-end ont sublimé. Il y fut question de service public, de l’histoire minière du Haut-Languedoc, du riche vocabulaire animalier dont usent les cheminots… et de passagers spectateurs qui ont pu nourrir l’enquête de Sophie Petitmalin par leurs témoignages.
Une étape en gare de Magalas invitait les passagers à descendre du train jusqu’au parking à l’arrière du bâtiment. Là, fini de rire (ou presque) ! Paper-board à portée de feutres, casquettes vissées sur la tête, les comédiens ont soudain pris l’air grave entremêlant réalité et fiction : ils font le point, décrivent les enjeux, formulent des propositions (Lire extraits)…
À l’arrivée en gare de Bédarrieux, 1h30 plus tard, un pot d’accueil offert sur le quai a permis à tous d’échanger leurs impressions, avant de repartir vers Béziers. Dans une ambiance un brin mélancolique cette fois. La Ligne a gagné un point.

La Ligne, extraits :

« Dans les années 1930, tous les barrages de St Chély sont construits par la compagnie du Midi pour l’apport en électricité de la Ligne. Et en 1938, la Ligne est rachetée par la SNCF.
– Aujourd’hui, les barrages de St Chély servent à Arcelor Mital : ils alimentent l’usine, et la pureté de l’eau est idéale pour le traitement des métaux. L’usine de St Chély, c’est l’atout écologique d’Arcelor Mital.
[…]
Si St Chely délocalise à Dunkerque, c’est 350 emplois qui sautent. Un poumon de la Lozère. Sans parler de la scierie de Fos-sur-Mer qui approvisionne l’usine en rouleaux : s’il n’y a plus d’usine à approvisionner, ben…
[…]
– Faire le choix de l’écologie, ça veut dire : investir dans les voies. Transformer la voie Béziers/Neussargues 1 500 V en 2 500 V alternatif, électrifier la portion Clermont / Neussargues, installer un rail à gorge dans le boudin des roues, comme sur les trams, pour éviter le déraillement éventuel des trains de marchandise entre Bédarieux et le Bousquet où le rayon de courbe est trop prononcé…
– Oui, oui, d’accord, d’accord, on a compris.
– En attendant, le poids des camions abîme les routes, et leur circulation pollue. »

* Le spectacle est une coproduction des communautés de Communes Les Avant-Monts et Grand Orb, avec la participation de la Région Occitanie et de la SNCF.
** Avec les comédien.ne.s Evelyne Torroglosa, Cyril Amiot, Cé́cile Gué́rin et Brice Carayol.

Aubrac-express

Certes, le Train-théâtre est en réalité un centre culturel de Valence, dans la Drôme, et reste donc parfaitement immobile. Mais peut-être avez-vous pu assister à la « Performance artistique à 160 km/h », un spectacle de cirque dans un TER en marche proposé le temps d’un aller-retour entre Le Mans et Angers, en 2021 ? Sinon, planifiez-vous de réserver votre billet pour « Le Grand Tour », ce projet de la société du Puy du Fou qui propose à trente passagers d’embarquer pour six jours, dans un train spécial, pour un périple à travers la France ?
Quoi qu’il en soit, dès l’été 2023 (peut-être avant), vous pourrez embarquer à nouveau sur la ligne Béziers-Neussargues, avec la Cie Gérard Gérard cette fois. Grâce au projet Aubrac-express, porté par l’association d’accompagnement culturel Context’art, vous pourrez (re)découvrir la ligne des Causses à l’aide d’une application artistique mobile et des spectacles « Pop-up » qui seront présentés dans l’espace public le long du parcours. Créée en collaboration avec les jeunes de l’IUT de Béziers, de l’Université Paul Valéry, de l’association Jean Gailhac, de la MJC Trencavel ou du Lycée Jean Moulin, cette expérience immersive et ces spectacles pluridisciplinaires formeront la première saison culturelle – et sans doute unique au monde ! – programmée sur une ligne ferroviaire. Une excellente idée pour raviver la fréquentation sur cette voie ferrée au cœur d’enjeux politiques, écologiques, culturels majeurs…