De la Place de la Canourgue aux Rives du Lez, les clients de l’hôtel Richer de Belleval comme les passants en arpentant la ville ont pu découvrir les fruits de son travail dans deux pièces de l’hôtel (sur inscription pour le public), accrochés aux arbres de la place ou flottant dans les eaux endiguées du fleuve montpelliérain, au pied de l’Hôtel de Région.
Invité de la fondation GGL puis de la Zone artistique temporaire (ZAT) créée cette année dans le quartier Antigone, Tadashi Kawamata est internationalement connu pour ces installations in situ à partir de bois, le plus souvent. Des nids ou des nichoirs monumentaux, par exemple, qui colonisent la ville dans ses interstices et deviennent autant d’amers parmi ses paysages ou belvédères potentiels sur ses quartiers. Parfois, certains sont même accessibles aux visiteurs.

Trois nichoirs étaient ainsi suspendus aux arbres de la Place de la Canourgue et un nid dans une salle de l’hôtel Richer de Belleval jusqu’au 10 décembre 2022. Dans l’intervalle, l’artiste a par ailleurs travaillé avec des étudiants des Beaux-arts et de l’école d’architecture de Montpellier3M, aidés par leurs professeurs.

 

Interview

Pourquoi avoir choisi d’intervenir sur ces rives du Lez ?
C’est une demande de Pascal Lebrun Cordier [directeur de la ZAT]. Il m’a demandé d’intervenir à cet endroit. Avec les étudiants, pendant cinq jours, nous avons réfléchi sur le thème de l’eau, à Montpellier, le front de mer, la source du Lez, les objets flottants… Nous avons fait cinq groupes et chacun a proposé un concept sur lequel il a travaillé.

Comment l’avez-vous conçu ?
Nous avons demandé aux gens, lancer comme un appel, pour collecter des objets que nous pourrions utiliser. Nous avons récupéré de planches de surf, un bateau, des planches… Rien a été acheté. Après les étudiants les ont assemblés. Nous avions peu de temps mais je suis content du résultat.
Quel lien existe-t-il entre votre intervention Place de la Canourgue et celles de vos étudiants sur les berges du Lez ?
Il n’y a pas de lien vraiment. L’invitation pour la ZAT est arrivée après « Tree huts ». Mais je travaille habituellement sur le patrimoine, les sites, la relation entre la nature, l’artificiel… Ici, c’est très artificialisé, dans un style postmoderne. C’est très différent.

 

Que vous inspire ce lieu ?
C’est une vision de l’architecture très années 70, trop artificiel pour moi. Ils ont détruit la nature pour faire ça. Nous laissons cela [les installations des étudiants] contre cela dans un sens. Mais le Lez vient de paysages tellement plus beaux jusqu’ici. C’est de cela dont nous sommes conscients quand nous intervenons ici.
Lorsque vous créez cette vague de cageots qui avale un bâtiment* c’est aussi une critique de l’architecture ?
Oui. C’est une forme un peu organique, une sculpture qui agit comme en parasite sur l’architecture.
* Lors d’une intervention à Versailles, Tadashi Kawamata a greffé au centre d’art contemporain une construction réalisée à partir de cagettes de fruits et légumes.

 

Les crises du Lez

Sur les bords du Lez, en ce week-end de ZAT, une manifestation culturelle organisée par la Ville de Montpellier mi-novembre, étaient évoquées deux autres visions du fleuve, toutes deux interactives. Celle de l’architecte Damien Vieillevigne militait pour une réappropriation de leur fleuve par les Montpelliérain.e.s. Elle présentait sur un tableau de Plexiglas une perspective immaculée des aménagements végétalisés qu’il préconise pour le lit du Lez. Le public pouvait y formuler au crayon-feutre ses commentaires ou suggestions. Un débat s’engageait immanquablement.

Même idée pour le happening de l’agence Bipolar. Dans « une fiction éco-politique », elle enquêtait suite à une lettre anonyme supposée avoir été adressée à la Montpellier métropole. Celle-ci exprimait « un ras-le-bol du Lez face à la mauvaise prise en compte de ses intérêts propres ». Habituée de cette thématique, l’association Bipolar invitait les passants à témoigner de leur relation avec le fleuve sur une fresque représentant le Lez dans ce contexte de « crise », et en réagissant à chaud lors d’une émission de « radio Lez ».