Elle se rêvait « capitale française de la culture » et avait mobilisé tous ses acteurs culturels pour défendre un dossier, béton. Une soixantaine d’ambassadeurs – artistes, institutionnels, mécènes et associations – et quelque 2 500 Sétois avaient signé la charte de soutien, soutenus par la présidente de la Région, Carole Delga, qui y croyait dur comme fer : « La candidature de la ville de Sète est une évidence au regard de sa richesse culturelle et patrimoniale. » Mais les efforts déployés n’auront pas suffi. Le 30 mars dernier, le jury a voté, préférant l’axe du projet de Villeurbanne, centré sur la jeunesse.
Malgré sa déception et même si le label promettait un million de subventions de la part de l’État ainsi que des fonds en provenance de la Région et de la Métropole de Montpellier, Sète s’est rapidement remise de sa défaite.
« Cette formidable aventure collective a permis de construire une vision de la culture pour les dix prochaines années à venir, confie Aurélie Pothon, directrice ajointe aux Affaires culturelles de la Ville. Le maire, François Commeinhes, a la volonté de profiter de cette dynamique enclenchée. Le travail continue ! »

Plan B avec un bateau spectacle
Consacrant en moyenne 6 M€ par an à la culture, soit 20 % de son budget total, Sète concentre à elle seule une quinzaine de festivals, majoritairement organisés pendant la période estivale. Des rendez-vous qui attirent plus de 800 000 spectateurs. En temps normal.
Dans un contexte de crise sanitaire, alors que de grands festivals (Eurockéennes, Hellfest…) ont jeté l’éponge face aux conditions d’accueil drastiques, aux jauges limitées et au casse-tête de la programmation artistique, l’île singulière tient le cap.
Placé sous le signe du centenaire de Brassens, l’été 2021 aura bien sûr une saveur particulière. Au vu des problèmes de jauge – avec une capacité d’accueil de 1 500 personnes, le Théâtre de la Mer, haut lieu des festivités, en est réduit à accueillir le tiers de son public – la municipalité a tenté d’anticiper. Son plan B ? Un ancien navire, le Roquerols (en référence au nom du phare où Brassens aimait se retrouver avec ses copains) qui a été amarré le long des quais du Maroc, en plein cœur de ville. Équipé d’une salle de concert et d’exposition, d’un restaurant et de deux espaces bars, il va permettre d’accueillir jusqu’à 500 personnes. La ville a investi 70 000 € dans l’aménagement de ce bateau spectacle de 40 m de long, 550 tonnes et 20 m de haut. Mais surtout, en accord avec le port de Sète, des gradins ont été installés sur les quais, offrant ainsi une capacité supplémentaire de 1 600 places.
« Nous ne pouvions nous résoudre à une saison blanche, commente François Commeinhes. Le navire-phare, qui sera l’épicentre des manifestations autour du centenaire, permet aux organisateurs de festivals d’avoir l’assurance d’une jauge et de pouvoir réserver leurs artistes. »

Les festivals entrent dans la danse
Après une année de silence, le festival Quand je pense à Fernande, organisé par la ville de Sète, va retrouver pour quatre soirées, du 23 au 26 juin, le cadre enchanteur du Théâtre de la Mer.
« L’édition 2020, qui affichait complet, avait dû être annulée et les artistes programmés portaient une frustration de ne pouvoir rencontrer le public, raconte François Commeinhes. Nous avons eu l’envie de maintenir cette année notre programmation avec ces artistes. » C’est donc un line up 100 % français, avec des têtes d’affiche qu’on ne présente plus : Michel Jonasz, Catherine Ringer, Maxime Leforestier et Benjamin Biolay. Du son dans tous les sens donc, avec du groove, du rock, des mélodies poétiques ou audacieuses.
De son côté, Fiesta Sète (23 juillet – 6 août), pour sa 24e édition, célèbre retrouvailles et découvertes. À l’image de son affiche illustrée par Virginie Morgand, la programmation se veut « une célébration joyeuse, populaire, généreuse pour écouter le monde se raconter par la voix de ses artistes les plus talentueux, les plus aventureux, venus du Mali, du Brésil, de Cuba, du Liban ou d’Arménie. Des musiciens qui par leur désir de rencontres, d’exploration, de métissage, esquissent chaque jour un futur passionnant et inspirant », assure l’équipe organisatrice. Fidèle à ses habitudes, le festival s’ouvrira dans différentes communes pour des soirées gratuites avant de rejoindre les gradins du Théâtre de la Mer pour 7 soirées thématiques. La première mettra Cuba à l’honneur avec le maestro Roberto Fonseca et son époustouflante section rythmique, puis la soirée se poursuivra au son funky du jeune chanteur Cimafunk. Des accents bossa folk du brésilien Lucas Santanna (1/08), au piano oriental du Libanais Bachar Mar-Khalifé (2/08), du groovy de Ray Lema (3/08) en passant par la soul de Keziah Jones (23/07) ou aux chansons engagées des Français Delgrees (5/08), cette édition tant attendue ouvre encore grand les bras à tous les ailleurs dans un esprit de fidélité aux valeurs qui demeurent celles de Fiesta Sète : curiosité, éclectisme, exigence.


Autre institution, Jazz à Sète (13 au 21 juillet) revient avec « une programmation réajustée une quinzaine de fois avant d’arriver à un résultat très convaincant » selon l’organisateur Louis Martinez. Neuf soirées sont donc programmées au Théâtre de la Mer. L’édition s’ouvrira avec le souffle heureux et novateur de la trompettiste Airelle Besson (victoire du Jazz en 2015) puis avec le brouilleur de pistes musicales, le batteur fou Manu Katché. Les nuits suivantes, bonheur de (re)trouver les balades rythmiques du contrebassiste Kyle Eastwood, (16/07), les vibrations fiévreuses du trompettiste adoubé par la scène jazz, Avishai Cohen (19/07), ou les frangins Belmondo, véritables explorateurs artistiques qui clôtureront cette 26e édition.

« Nous naviguons à vue »
Avec une clientèle majoritairement internationale – anglaise à 50 %, japonaise et américaine 10 %, européenne 40 % – attirée par les lines up de Gilles Peterson’s, le Wordwilde Festival a dû revoir sa copie à la baisse. Il ne se déroulera finalement que sur trois jours (9 au 11 juillet) avec des après-midi à la Ola et deux soirées au Théâtre de la Mer. Coorganisateur du festival, Ivan Allen a eu dû mal à s’y retrouver entre les annonces gouvernementales parfois contradictoires, la restriction des jauges, les baisses de budgets alloués et les limitations des déplacements aux frontières. D’autant que Gilles Peterson n’est pas certain de pouvoir sortir d’Angleterre cet été. À l’heure où nous bouclons le magazine, la soirée d’ouverture, prévue avec Pat Kalla & le Super Modjo mixant et revisitant Brassens sur le navire Roquerols n’est pas encore calée. « Nous avions fait un budget prévisionnel de 6 500 € et la municipalité nous a accordés 3 000 €. Nous allons quand même organiser l’événement en étant deficitaires. Tout est compliqué car nous naviguons à vue », s’inquiète Ivan Allen. À défaut des soirées clubbing qui pouvaient rassembler jusqu’à 2 500 personnes, le festival se voit donc contraint d’écourter le nombre de sets. Première soirée programmée le 9 avec le musicien harmoniseur de bruits Christophe Chassol qui poursuit son travail Ultrascore avec Ludi, puis place à la house/beat des Strasbourgeois Emile Londonien et à l’électro jazz de Neue Grafik Ensemble. Le lendemain, trois autres sets avec la galaxie mutante de jazz, pop et rock de Thomas de Pourquery & Supersonic, les sons caribéens de La Perla, et les samples du duo de beatmakers Souleance.
Côté rap, les fans se réjouiront du maintien de Demi festival (11 au 14 août) organisé par le rappeur Demi Portion sur la scène du Théâtre de la mer. Il faudra attendre l’ouverture de la billetterie, fin juin, pour connaître le line up complet, mais déjà Rim’K est de la partie ainsi que les rappeurs Deadi et Kacem Wapalek.
Après des mois d’incertitudes, presque tous les rendez-vous sétois sont maintenus. Une sacrée bonne nouvelle qui confirme la dynamique culturelle de cette île décidément bien singulière.