Le cap est fixé : « Diviser par deux la consommation énergétique par habitant d’ici un peu plus de trente ans », explique Bénédicte Riey, chargée de projets à la Région. « Le reliquat sera comblé par une production régionale qui fera appel à différentes filières d’énergies renouvelables ». Jusqu’au but ultime, en 2050, un bilan positif.
Comment évoluer vers ces pratiques moins gourmandes ? Comment profiter de nos atouts – eau, vent, soleil et biomasse – pour répondre à la demande ? Le scénario RéPOS, comme région à énergie positive, publié au début de l’été, trace l’itinéraire à suivre. Les paramètres qui vont influencer les consommations d’ici 2050 ont été analysés à l’échelle régionale ; le potentiel de développement de chaque filière d’énergie renouvelable a été évalué. « Le projet a été conçu avec des données locales spécifiques, au plus près de la réalité », déclare Agnès Langevine, vice-présidente de la Région en charge notamment de la Transition écologique et énergétique. Elle précise : « 120 experts au total ont contribué à l’élaboration du scénario pour construire une feuille de route qui s’inscrit pleinement dans les Accords de Paris sur le climat. » L’exercice technique a été mené de février à juin 2017 en partenariat avec l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) : « En tant qu’établissement public, nous avons mis à disposition nos méthodes qui ont été déclinées pour établir des hypothèses locales », complète Eric Gouardes, directeur régional adjoint de l’agence en Occitanie, « chacune tient compte de plusieurs facteurs comme l’évolution démographique, les changements dans les modes de vie ou l’amélioration des techniques de production des vecteurs énergétiques ».
Réduire l’étalement urbain
« Le bâtiment et les transports sont les deux gros chantiers qui émergent du scénario », précise le représentant de l’Ademe, pointant une situation que l’on retrouve au niveau national. Le logement et les activités de services représentent près de la moitié des consommations régionales, des « efforts massifs de rénovation suivant des critères écologiques et énergétiques très élevés » doivent donc être menés. La Région se fixe l’objectif « de 52 000 par an jusqu’en 2030 puis de 75 000 annuels à l’horizon 2050 ». Concernant les transports, il s’agit de « passer d’une consommation annuelle de 46,9 TWh à 18,4 TWh à terme en remplaçant le pétrole par de l’électricité renouvelable ou du méthane carburant ». Un pari sur le long terme en raison du peu d’attractivité des véhicules sans moteurs thermiques, jugés trop chers par les consommateurs (Le Monde du 08/07/17). « Il faudra aussi arriver à réduire les déplacements motorisés pour viser une diminution de 20 % de kilomètres parcourus, alors qu’actuellement la tendance est à la hausse », reprend Eric Gouardes, tablant sur des comportements plus sobres et une diminution de l’étalement urbain.
La trajectoire est ambitieuse et nécessite, selon la vice-présidente régionale, Agnès Langevine, « d’accélérer le processus existant et de multiplier par trois la production des énergies renouvelables ».
L’Occitanie ne part pas de rien, se plaçant en seconde place derrière Auvergne-Rhône-Alpes pour la production d’électricité renouvelable. Son parc hydraulique historique étant complété par les filières éolienne et solaire. Pour s’affranchir des énergies fossiles, le scénario RéPOS n’envisage pas de forte progression de l’électrique hydraulique, ni de « construction de nouveaux barrages en altitude », car la région en est déjà bien pourvue. Les efforts devront porter sur la puissance installée du solaire photovoltaïque avec une augmentation de… presque 12 fois la production actuelle ! Autres sources d’énergie mises en avant : l’éolien terrestre et, plus innovant, l’éolien flottant en mer qui sera expérimenté dès 2021 au large de Gruissan et Port-Leucate (voir artdeville n° 54). Enfin, la biomasse sera valorisée avec un accent mis sur la production de biométhane tandis que le solaire thermique dans l’habitat neuf et la récupération de chaleur sur les eaux usées se développeront.
Perpignan à l’avant-garde
Mais cette dynamique ne se fera pas sans la mobilisation des territoires. Sur ce point Dominique Schemla, élu au développement durable et à l’énergie de la ville de Perpignan et vice-président de Perpignan Métropole, se montre « confiant » : pour lui la transition énergétique est « une opportunité pour les collectivités, dans l’intérêt de la planète et pour trouver de nouvelles sources de financements avec la baisse des dotations globales ». La métropole peut d’ailleurs se prévaloir du triple titre de championne de France pour sa production énergétique globale. Pour exemple, en 2016, elle autoproduisait 65 % de la consommation électrique de son parc résidentiel, fournie pour près de moitié par l’Ecoparc Catalan, un complexe associant éolien, photovoltaïque, réseau de chaleur et production de biogaz ! La collectivité est également engagée dans un Plan climat-air-énergie territorial, un Agenda 21 ou encore dans une politique de Territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), des plans précurseurs lancés par l’État ces dernières années. 70 collectivités « TEPCV » sont recensées à ce jour en Occitanie. Perpignan fut surtout pionnière en 2008 en décidant de devenir la première ville à énergie positive de France : « notre programme couvre les questions d’urbanisme et d’habitat, avec des opérations de rénovation et des incitations financières pour les ménages, la mobilité, l’eau et les déchets, les espaces verts, l’école, la sensibilisation, etc. » témoigne Sandrine Cottineau, chargée de mission à la mairie. Un processus transversal qui a valu à la commune la labellisation européenne Cit’ergie.
La communauté d’agglomération du Grand Narbonne, autre TEPCV, place également les énergies renouvelables au cœur de sa politique, au même titre que le tourisme et la vigne. « En 1991, Port-la-Nouvelle accueillait la première éolienne de France. Aujourd’hui, un cadastre solaire est en cours d’élaboration avec le Parc régional la Narbonnaise en Méditerranée pour recenser les sites susceptibles d’accueillir un équipement photovoltaïque. Un parc coopératif des énergies renouvelables est également prévu sur le territoire », annonce Isabelle Herpe, vice-présidente du Grand Narbonne déléguée à l’Habitat, qui ajoute amusée : « Le parc appartient à Areva, c’est tout un symbole ! ».
Essaimer, convaincre, créer des synergies… Pour porter son projet politique, l’Occitanie dispose aussi de différents leviers : réglementaires, comme l’élaboration du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire (SRADDET) ; les Villes doivent s’y conformer, notamment dans leurs plans locaux d’urbanisme. Techniques et financiers avec la création de l’Agence régionale énergie-climat, et surtout des aides aux différentes filières grâce à des appels à projets.
Pour toucher le plus large public possible, la Région a lancé en octobre une opération d’information et de concertation des habitants, des acteurs socio-économiques et des élus. Annuaire d’initiatives, kits d’animation pour les collectivités et les associations, labellisation d’actions phares, interventions dans les lycées et différents ateliers comptent parmi les actions en cours et à venir.