Initiée par France Festivals, une récente étude, SoFest !, menée par une équipe de chercheurs, déconstruit les idées reçues sur la culture dans les milieux ruraux et apporte un nouvel éclairage sur l’empreinte sociale et territoriale des festivals. « Alors qu’un tiers des 7 300 festivals est organisé en milieu rural, les clichés persistent, tendant à considérer ces événements comme des réponses régulières mais temporaires à une absence d’offres culturelles. Ils représentent en réalité l’un des phénomènes culturels les plus dynamiques de ces dernières décennies ! », analyse Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS, directeur du Cepel (Centre d’Études Politiques et Sociales) et codirecteur de l’étude.

Des propositions exigeantes
S’il existe des inégalités territoriales – la Normandie et le Grand Est se caractérisent par une offre festivalière inférieure à la médiane nationale –, d’autres régions sont plus attractives, comme l’Occitanie qui concentre plus de 4 festivals sur 10 en milieu rural.
Sans grande surprise, les festivals priorisent dans leur programmation la musique. Cette prévalence bénéficie aux musiques actuelles mais ne laisse pas de côté les musiques dites de répertoire (classique, baroque, lyrique ou contemporain), témoignant ainsi de la capacité des territoires à accueillir des propositions très exigeantes en termes artistiques. Le spectacle vivant arrive en second plan suivi des festivals de livre et de littérature. À l’inverse, les festivals de cinéma et d’arts visuels sont beaucoup moins représentés et le sont souvent par des structures itinérantes (Cinémaginaire dans les Pyrénées Orientales ou Cinem’Aude dans l’Aude).

Un tropisme estival et des budgets plus modestes
Près de la moitié des festivals ruraux ont été créés après 2010 avec des équipes représentées à 65,3 % par des responsables associatifs et des bénévoles, l’activité estivale s’avérant plus marquée qu’en zone urbaine. Explication : la facilité à exploiter pleinement les espaces en plein air mais aussi par la disponibilité, l’été, des professionnels et bénévoles. Quant aux budgets moyens alloués aux festivals ruraux, ils sont bien inférieurs avec un niveau de subvention de 41 % contre 56 % pour les festivals urbains.

Un public féminin de classe moyenne
Les profils sociologiques entre ruralité et urbanité sont assez proches : les femmes restent majoritaires (62 %) dans les festivals. Mais contrairement aux idées reçues d’un public vieillissant, l’âge moyen est de 41 ans, les classes moyennes arrivant en tête. Les classes populaires, généralement absentes, représentent 20 % des publics.
« Ce n’est pas le territoire qui fait la physionomie mais l’offre artistique. Il n’y a donc pas, sur le plan sociologique, de différences flagrantes. Ce qui change dans la ruralité, c’est le rapport au festival, la motivation, car l’offre est plus rare ; il faut aller la chercher », conclut Aurélien Djakouane, sociologue et maître de conférences à l’Université de Paris Nanterre.

13 festivals et départements où s’arrêter cet été

Ariège : Les voix sonneuses à Saverdun
(5 et 6 juillet)

Labellisé manifestation verte d’Ariège, le « plus grand des petits festivals de la région » trace sa route et amène son lot de surprises tout en gardant sa philosophie première : simplicité, convivialité, accessibilité. Pour cette 6e édition, dix concerts et encore du beau monde avec Les Négresses vertes, Les Sheriff, Le peuple de l’herbe, Sergent Garcia… Pour faire découvrir des talents locaux, l’organisateur et directeur artistique Frédéric Coux a programmé un tremplin (neuf groupes) soumis au vote du public. Finalement, c’est la chanteuse à la voix très particulière, Lyssa M et les six musiciens de Soa, groupe de rock cuivré aux influences latinos, qui ont été retenus dans le line up. Marché artisanal, spectacles de rue, foodtruck, camping à proximité… les Voix Sonneuses promettent cette année encore d’illuminer la petite ville de Saverdun.

Aude : Festival en Noir et Blanc à Lagrasse (du 5 au 10 juillet)

Fondé par le critique musical anglais Robert Turnbull, décédé en 2018, ce festival international de piano poursuit son aventure, placé aujourd’hui sous la direction du pianiste américain Bobby Mitchell. Cette 12e édition célèbre la jeune génération de pianistes, soit une vingtaine d’artistes internationaux qui se produiront à la Halle, joyau de l’architecture médiévale doté d’une excellente acoustique. Au programme, du piano solo mais aussi de la musique de chambre, des récitals de chant et du jazz. Tous les concerts sont gratuits à l’exception de la soirée d’ouverture qui accueillera Stéphanie Gurga (clavecin) interprétant les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach.
Parallèlement au festival, des masterclass de piano, dirigées par François-Michel Rignol, offriront des opportunités uniques de pratique à trois étudiants des conservatoires de la région Occitanie.

Aveyron : Festival de musiques sacrées-musiques du monde de l’abbaye de Sylvanès (14 juil. – 1er sept.)

Nichée dans une vallée au cœur de la forêt, l’abbaye cistercienne de Sylvanès est un haut lieu de Culture, d’Art et de Spiritualité. Depuis 47 ans, elle organise son festival, conçu comme une invitation au voyage.
De l’Asie à l’Afrique, de l’Océanie à l’Europe, cette nouvelle édition, dont la thématique majeure est « le génie créateur féminin », met à l’honneur des œuvres incontournables de musique sacrée, des créations contemporaines, des chants et musiques du monde (Mongolie, Yiddish, Tsigane, Rajasthan, Corse…). Du baroque entremêlé aux musiques populaires d’Europe de l’Est, du flamenco et de la poésie, une ode à la femme du Moyen Âge jusqu’à nos jours, un grand opéra italien… le festival a bien l’intention de « conjurer la morosité », pour le plus grand plaisir des mélomanes.

Gard : Les estivales du Gub à Saint-Laurent-de-Carnols (27 juillet)

Ce rendez-vous unique, à la ferme du Gubernat, conjugue musique et gastronomie. Après quarante années jalonnées par 17 albums, 1 livre et une multitude de concerts, le groupe marseillais Massilia Sound System servira aux Estivales ses rythmes jamaïcains enrobés d’une tchatche revendicative. De leur côté, Lediop et ses musiciens balanceront afro pop, reggae et soul tandis que DJ Baba, originaire de Bagnols-sur-Cèze (30), clôturera cette 5e édition sur une ambiance house/electro. Côté miam, deux chefs de renom, Richard Durand (C’la vie à Orsan) et Mathieu Hervé (château de Montcaud) sublimeront à leur façon les produits de la ferme.

Haute-Garonne : Pronomades, programmation à l’année

Alors que la ministre de la Culture Rachida Dati a récemment exprimé son inquiétude concernant la place accordée au monde culturel en zone rurale – seuls 5 % des scènes labellisées « spectacle vivant » –, les Pronomades font briller depuis 25 ans les arts de la rue dans les territoires de Haute-Garonne. Lancée en mai dernier, la nouvelle saison affiche une soixantaine de spectacles joués dans 25 communes. « Cette année, nous avons multiplié les séries territoriales : nous programmons le même spectacle dans 3 ou 4 villages », explique la cofondatrice Marion Vian.
Les temps forts ne manqueront pas, à commencer par le duo d’acrobates La Mondiale Générale qui présentera, du 11 au 14 juillet, un spectacle intimiste, Rapprochons Nous, pour lequel le public sera partie prenante. Après une pause estivale, les Pronomades reviendront du 30 août au 7 décembre. La compagnie La Hurlante rouvrira le bal avec son spectacle Les Ailes, puis en septembre place au théâtre-paysage dans une grotte avec le spectacle Pris dans les phares de la compagnie Janette.

Gers : Les Nuits musicales en Armagnac (du 21 juillet au 7 août)

Depuis 55 ans ce rendez-vous estival, dédié à la musique classique, essaime dans les plus beaux lieux du patrimoine gersois : le cloître de Condom, le jardin des marronniers de Lectoure, l’église de Terraube ou encore le château de Lavardens. Concert lyrique avec l’académie des NMA, soirée jazz avec Joe Krieg Quartet, concert symphonique (Mendelssohn & Beethoven) avec l’orchestre national du Capitole de Toulouse, folies baroques avec l’ensemble Les Surprises, récital de mélodies chorégraphiées par Chemises de Nuit… sans compter les sessions chorales et masterclass, la programmation de cette 51e édition se veut ambitieuse, à l’image de ces Nuits Musicales en Armagnac qui, depuis 2019, ne sont plus seulement un festival mais aussi un producteur de spectacles « élevés en plein air » et une académie lyrique.

Hérault : Hortus Live à Valflaunès (le 20 juillet)

Cadre exceptionnel – la combe de Fambétou délimitée au nord par les falaises de l’Hortus et au sud par le Pic Saint Loup –, ambiance ultra-conviviale pour déguster vins et produits du territoire, et line up ébouriffant, ce festival coche toutes les cases. Pour sa 7e édition, la programmation, concoctée par le mythique Rockstore à Montpellier, va encore électriser les spectateurs. Officiant depuis vingt ans, le collectif Chinese Man revient avec un troisième album toujours plus explosif mêlant funk, dub, jazz, soul pour faire groover. Du funk il y en aura aussi avec Bibi Tanga and the Selenites, groupe toujours aussi dansant et hypnotique, un grand mix prévu avec Mess Drey auteure compositrice haïtienne offrant un cocktail de soul music tandis que les bidouilleurs de l’electro Black Accord devraient encore laisser sans voix.

 

Lot : Ecaussystème à Gignac en Quercy (du 26 au 28 juillet 2024)

Né en 2003 au cœur du petit village de Gignac, ce festival de musiques actuelles se distingue par son esprit indépendant et associatif. Pour sa 22e édition, les scènes Quercy et Occitane vibreront au rythme des légendes du rock Deep Purple, de l’énergie survoltée de Shaka Ponk, du reggae sous influences soul et hip hop de Patrice, de l’univers prolifique de Dyonisos, de l’électro dub des Chinese Man ou encore de la soul vintage des Da Break… sans oublier Francis Cabrel, reparti sur les routes, cette fois avec le Trobador Tour. Une nouvelle fois Ecaussystème a fait le pari d’une programmation riche et éclectique (plus d’une vingtaine de groupes de tous horizons musicaux) tout en restant fidèle à ses engagements solidaire et éco-citoyen. Conférences, forums, arts de la rue et animations ponctueront ces trois journées hors normes.

Lozère : Détours du monde à Chanac (du 13 au 20 juillet)

Après vingt éditions riches en découvertes, le festival écrit un nouveau chapitre de son histoire. « Au cœur de notre monde rural, nous ne pouvions plus préserver le festival que nous avons connu sans nous éloigner de nos valeurs fondamentales : partage, diversité, ouverture, engagement et humanité. Il est temps d’aller encore plus loin dans le processus écoresponsable, explique le directeur artistique Fabien Moutet. Entre plateau de l’Aubrac et Gorges du Tarn, à travers rencontres, expériences, moments de vie et projections, nous transformons Détours du Monde en laboratoires de créations pour les mondes ruraux de demain ! »
Huit lieux à ciel ouvert pour s’enivrer du Latin jazz cubain d’Anna Carla Maza, des rythmes éclectiques de Joao Selva, des performances musicales de Cyril Atef ou encore de la folk colombienne 2.0 de la Muchacha.
Hautes-Pyrénées : Piano Pic à Bagnères-de-Bigorre (du 15 au 27 juillet)
Au pied du Pic du Midi, ce festival irrigue de hauts lieux du patrimoine pyrénéen : le temple de Bagnères, l’église de Campan, l’Abbaye de l’Escaladieu…
Dédiée à la légende du piano Maurizio Pollini, décédé en mars dernier, cette 27e édition propose une programmation particulièrement dense : pas moins de seize concerts réunissant des artistes de haut vol. À commencer par Caroline Sageman, Nicolas Stavy, Diana Cooper, Rodolphe Menguy, Eliane Reyes… La soirée avec le soliste Alexandre Tharaud, figure incontournable dans le monde de la musique classique, promet d’être l’un des temps forts du festival, tout comme le duo Pierre Réach (piano) et Nicolas Dautricourt (violon). Le festival se clôturera avec les PianOlympiades, création du pianiste François René Duchable et du comédien/metteur en scène Alain Carré qui, avec humour, se lancent dans la folle aventure des JO ! Irrésistible.

Pyrénées-Orientales : Festival de Blues à Sorède (le 19 juillet )

Le village pyrénéen qui veut chasser le diable (le code postal de Sorède est 66690 !) semble en tout cas programmer chaque été une soirée d’enfer ! À l’heure de l’apéro, la petite commune ouvre son jardin public pour sa 17e édition et vous accueille on ne peut plus dignement : sur des rifs de guitares et aux sons de l’harmonica… gratuitement ! Et sans rogner sur la qualité. En première partie, le duo Mike Greene et Youssef Remadna présenteront leur album Take It On, enregistré récemment. Puis viendront Elise & The Sugarsweets, « l’un des plus percutants groupes de la scène Blues », dit-on. Plus tard, les très expérimentés Awek, qu’on a pu entendre aux festivals de jazz de Montréal, Vienne, Marciac… 12 albums au compteur. Et enfin… Special guest, Mister Mat, après plus de 600 concerts aux 4 coins du monde depuis 2009 et un passage par The Voice en 2022 dont il est finaliste. Un Jam final clôturera la soirée en apothéose !

Tarn : Reset Festival à Padiès (les 23 et 24 Août)

Pour leur premier festival, les organisateurs du Reset ont vu les choses en grand, avec un line up diversifié qui fait se côtoyer artistes à la renommée internationale et jeunes talents émergents. Neuf concerts par jour répartis sur deux scènes, ça va pulser. Parmi les temps forts, on attend avec impatience d’écouter en live le dernier album électro pop de Isaac Delusion, notre groupe coup de cœur qui fait son retour sur scène après trois années d’absence. Avec plus de 300 millions de streams sur Spotify, le duo italien Marnik poursuit sa percée dans l’industrie musicale avec sa house progressive. Toujours en electro, ambiance feutrée et nostalgique avec le Parisien Thems, voyage éthéré en compagnie de Pausé, explosion sonore avec Jive Me, énergie électrique avec Julian Jordan et morceaux narratifs puissants de TrytOn. Et puis du rock avec Brotherwood, de la pop avec Maxence, du rap avec Hyl ou Melan… difficile de faire plus éclectique mais en toute cohérence.

Tarn-et-Garonne : la péniche du Festival Convivencia (du 29 juin au 23 juillet)

Incontournable des nuits d’été sur le canal du Midi, la péniche Tourmente (30 m de long) se transforme en scène de concerts pour accueillir des artistes venus du monde entier. Éloge de la lenteur, elle parcourt 400 km en région Occitanie et s’amarre dans une quinzaine de villes et villages. Deux ou trois concerts (gratuits) chaque soir, une ambiance chaleureuse, des berges aménagées esprit guinguette… le festival a le sens de la fête mais aussi de l’écoresponsabilité (réduction des mobilités pour le déplacement des équipes, réemploi de matériaux pour la déco, valorisation des produits locaux, défense d’une vision solidaire de l’économie culturelle…). Cette année, l’association Convivencia a convié une pléiade d’artistes : Eda Diaz, Stogi T, Le Grand Silence, Sami Galbi, Halima Hamel… impossible de tous les citer mais une chose est sûre : ils vont secouer les eaux calmes du canal.
Escales et parcours : https://convivencia.eu/festival-convivencia-parcours

Légendes :

1 – Les estivales du Gub à Saint-Laurent-de-Carnols. © GUB

2 – Les Voix Sonneuses à Saverdun (Ariège). © Vincent (8 ans et demi)

3 – Festival de l’abbaye de Sylvanes : les Itinérantes, trio vocal féminin. © Isabelle Banco

4- Alexandre Tharaud, à Piano Pic à Bagnères-de-Bigorre. © DR

5 – Shaka Ponk à Ecaussysteme le 26 juillet. © Haris NUKEM

6 – Mordorfest, festival de musiques indépendantes en Lozère. Il n’est pas cité dans l’article mais mérite tout autant sa place ici © Théo Baudouin