En fondant en 2014, avec ses deux associés la marque de prêt-à-porter Ateliers de Nîmes, Guillaume Sagot, licencié d’Histoire, a voulu retisser les liens qui unissent Nîmes à la toile légendaire. « C’est un retour aux sources dans une ville qui a occupé au XVIIe siècle, après Paris et Lyon, une place prépondérante dans le négoce du textile. En pensant, concevant et fabriquant nos produits dans le bassin historique du denim, nous souhaitons réimplanter le patrimoine de cette toile là où elle a vu le jour. »
Positionnée sur le haut de gamme, la marque de jean nîmoise revisite pour hommes le classique Denim, coupe droite ajustée, dans une démarche « made in France ». Découpés aux ciseaux par Guillaume Sagot lui-même, les tissus selvedge de 11 à 13 oz proviennent toutefois de Vénétie, en Italie. Ils sont fabriqués sur d’anciens métiers à tisser selon la technique du fil torsadé qui confère au denim une « main » plus ferme. Le façonnier est quant à lui marseillais ; la blanchisserie, pour le rinçage, de Blagard (30) ou du Mans (72) pour le délavage ; le presque jean revenant alors à Nîmes pour les finitions et les contrôles de qualité. « Chaque jean est livré avec un certificat d’authenticité : numéro de série, date de fabrication et origine de la toile », précise Guillaume Sagot qui ajoute qu’en 2016, 600 pièces ont été vendues. La collection décline trois modèles au prix moyen de 260 euros, brut authentique, indigo et noir, qui s’enrichiront dès l’été de deux nouvelles toiles grises. Une ligne femme devrait, elle, compléter l’offre dès janvier 2018. à court terme, Ateliers de Nîmes ambitionne de produire 5 à 6 000 unités par an et envisage de développer une série limitée sur un ancien métier à tisser à bras.

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L’histoire
Érigé en symbole de l’American way of life, le jean Denim donne du fil à retordre aux historiens. La serge de Nîmes, fameuse toile en laine et soie fabriquée depuis le XVIe siècle dans la région, est-elle vraiment à l’origine du mythique jean ? Ou est-ce le bleu de Gènes qui deviendra par anglicisation « le blue-jean » ? « Rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que le premier ballot de toile qui a permis à Levi Strauss et Jacob Davis de réaliser leur pantalon de travail provenait de Nîmes », nous éclaire Aleth Jourdan, conservatrice du Musée Vieux Nîmes et des Cultures taurines. Pour Guillaume Sagot, licencié d’Histoire et fondateur des Ateliers de Nîmes, la conviction est plus forte, on s’en doute : « Au XVIIe, l’industriel Joseph André a fait rayonner la ville en établissant des comptoirs commerciaux à Gènes, Cadix… Les André, grande famille protestante nîmoise, bâtirent leur fortune sur le commerce de la soie et la commercialisation de la Serge de Nîmes, la fameuse “De Nîmes“, le denim. Des liens se tissent avec l’Amérique, notamment avec New York. On retrouve d’ailleurs dans les archives une commande de châles passée avec le maire de Nîmes, et plus troublant, un drap fin, façon Londres, le « nims », fabriqué dans la région mais pas forcément à Nîmes. Levi Strauss ayant épuisé son stock de toile marron s’est-il réapprovisionné en serge bleue de Nîmes à l’occasion d’un arrivage ? » L’incendie de San Francisco en 1906 fait disparaître les traces qui auraient peut-être pu répondre à cette question. On sait toutefois qu’après la révocation de l’édit de Nantes, la famille André dut s’exiler à Gênes. La légende du Denim n’a pas fini de tisser sa toile.