Une fenêtre temporelle
Reconnue « d’intérêt national » par le ministère de la Culture, l’exposition Le voyage en Italie de Louis Gauffier tombe à point nommé pour accompagner la candidature de Montpellier au titre de capitale européenne de la Culture. Louis Gauffier fait en effet partie des artistes du 18e siècle qui furent séduits par l’idée du Grand Tour en Italie. Cet engouement européen de la jeunesse dorée de l’époque pour les vestiges romains et les chefs-d’œuvre de la Renaissance les attire en nombre, notamment dans la pénisule.
L’exposition retrace la carrière de l’artiste né à Poitiers de sa victoire au prix de Rome en 1784 jusqu’à sa mort précoce en 1801 ; chaque tableau agissant comme une fenêtre temporelle sur des périodes, des récits et des personnages historiques majeurs.

De La Cananéenne aux pieds du Christ qui le consacre Grand Prix de l’Académie, gagne un séjour de quatre ans à Rome payé par le Roi. Là-bas, l’artiste fait la connaissance de François-Xavier Fabre, futur fondateur du musée de Montpellier, lui-même prix de Rome. C’est de cette camaraderie qu’est née l’exposition. Parmi l’importante donation des collections formées en Italie par Fabre à sa ville natale, 30 peintures et dessins sont des œuvres de Gauffier.

Opportunités de changement
Ce qui distingue le style néoclassique de Gauffier, un mouvement dans lequelle il s’inscrit pleinement, « c’est le romantisme et le raffinement de l’exécution » soulignait Michel Hilaire lors de la visite de presse. Les sujets qui font ses premiers succès du peintre étant tirés de la bible ou de l’histoire antique.

Arrivé au terme de son séjour au Palais Mancini, Louis Gauffier regagne Paris en 1789 alors que gronde la Révolution. Il en repart quelques mois plus tard non sans avoir participé au Salon et révéler son art au public parisien ; le peintre s’est aussi lié à une jeune fille appartenant à une famille française restée en Italie, Pauline Châtillon. Entre-temps, ému par l’actualité d’une délégation de femmes artistes, d’épouses de peintres et de sculpteurs se rendent en septembre 1789 à Versailles pour offrir leurs bijoux à l’Assemblée nationale et contribuer au renflouement de la dette publique, Gauffier peint La Générosité des femmes romaines tiré de la tradition antique.

Dans les détails de l’exposition, on découvre comment la grande histoire façonne celle si particulière du peintre et de son œuvre. Elle pousse Louis et Pauline Gauffier de Rome à Florence où le couple s’établit accompagné de François-Xavier Fabre. Par contrainte financière, la carrière de Gauffier change radicalement, il devient le portraitiste attitré de cette clientèle cosmopolite du Grand Tour. C’est à cette occasion que l’artiste réalise le portrait de Thomas Penrose, représentant haut en couleur du Royaume-Uni auprès du grand-duc de Toscane et personnage historique.
La campagne d’Italie de Bonaparte de 1796 à 1797 provoque un nouveau séisme. Et une nouvelle opportunité de changement pour Gauffier. Le départ précipité de ses clients et l’arrivée des Français à Florence l’incite à explorer le genre typiquement anglais de la Conversation piece, ces tableaux de conversation mettant en scène plusieurs personnages dans des attitudes naturelles et illustrant les valeurs familiales. Il peint alors le Portrait de la famille Miot.

Suite et fin à Vallombrosa
Louis Gauffier meurt hélas à l’âge de 39 ans. Quatre tableaux de l’abbaye de Vallombrosa peints en 1797, montrent son talent à son apogée et la perte que son décès représente pour le monde de l’art.
À la suite d’une commande dont on ignore l’origine, le peintre s’était rendu peu avant, en août 1796, sur ce site à trente kilomètres de Florence. C’est à cet endroit que François-Xavier Fabre a conçu une grande partie de sa collection, préfigurant ainsi le musée Fabre. Trois siècles plus tôt, Vallombrosa fût en quelque sorte une capitale européenne de la Culture avant l’heure.