Après plus de mille ans, le château de Montferrand, dans l’Hérault, pourrait bien veiller encore longtemps sur les habitants de Saint-Mathieu-de-Tréviers et des communes voisines. Y a-t-il eu un jour, d’ailleurs, où l’un d’entre eux, observant cette silhouette découper le crépuscule, ne s’est pas senti interpellé par le destin de ces ruines ? De l’inconséquence qu’il y aurait sans doute à laisser la falaise se confondre inexorablement avec ces murs, avalés pierre après pierre par la garrigue et les chênes verts ? En 2006, au conseil communautaire du pic Saint-Loup, on en a pris la mesure. Le château est à vendre, il est décidé d’agir… puis de laisser aller son imagination.
4/5 e du domaine et 100 ha attenants appartiennent à la famille Esprit lorsqu’Alain Poulet, alors président de la collectivité, signe l’acte d’achat, en 2007. Aujourd’hui, « la conservation et la valorisation du château de Montferrand sont un projet de territoire porté par la communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup », explique son successeur, Alain Barbe, présentant à la presse l’exposition Montferrand, d’une forteresse à une utopie architecturale. Pour le nouveau président de la collectivité, maire des Matelles, l’édifice est « un totem, notre identité. Il ne s’agit pas de restaurer une ruine ; il s’agit de réinventer Montferrand ». Ainsi a-t-il été confié aux étudiants de l’école d’architecture de Montpellier la tâche de traduire cette volonté. Par-delà l’intérêt scientifique et culturel de l’initiative, il voit une « dynamique » sociale apte à soutenir l’économie locale, notamment dans les secteurs touristiques et de pleine nature.
Pas question dès lors de figer le site ; l’ambition est tout autre. « La démarche comprendra 40 % de restauration patrimoniale et 60 % de réalisation contemporaine », poursuit M. Barbe. Après une première étape d’étude et de sécurisation des lieux – un sérieux débroussaillage aussi – archéologues, maçons, tailleurs de pierres… seront à pied d’œuvre. Un relevé de la forteresse a déjà été réalisé et a fourni les données nécessaires à la réalisation d’une maquette, actuellement visible à la maison des Consuls, aux Matelles. Le chemin d’accès, autrefois carrossable, sera paysagé par l’agence montpelliéraine Atelier Sites. Grâce à un partenariat avec la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), auprès de laquelle une demande de classement a été déposée, la communauté du Grand Pic Saint-Loup a bon espoir de voir le château enfin reconnu monument historique. Elle a alloué à l’opération 500 000 euros sur dix ans. Peu de chose vu l’ampleur de la tâche. Une campagne de mécénat est donc prévue. À charge de l’association Sauvegarde du patrimoine du Grand Pic Saint-Loup, présidée par Alain Poulet, de la lancer. Thomas Robardet-Caffin, architecte, chercheur doctorant, apportera quant à lui son expertise, adossé à ses instances de tutelle universitaires et de recherche.
« On a fait un château ici pour qu’il se voie », souligne M. Barbe. L’action qu’il prévoit sur le site devra ainsi être « raisonnable ». Une vaste salle de réception a minima. « Et si dans vingt ou cent ans, c’est vraiment insupportable à regarder, elle sera réversible », ajoute-il modérant son enthousiasme. Mais les élèves architectes ne croient pas à cette version light du projet. Leurs utopies anticipent au contraire un geste plus conforme à l’histoire glorieuse du château. Souvent avec force et pertinence.
Le château
La première date mentionnée concernant le château de Montferrand est 1102. À cette époque, la propriété appartient aux puissants comtes de Toulouse.
Bâti sur des vestiges romains, c’est un centre administratif dont dépendent l’ensemble des châteaux, villages et autres localités depuis les environs nord de Montpellier jusqu’aux alentours de Ganges.
Jusqu’au XVIIe siècle., le site reste une place forte, avant de tomber en désuétude et d’être démantelé par les habitants des villages voisins à la demande de l’Évêque.
Constitué en quatre parties, le site de Montferrand dispose de deux remparts, l’un avec deux portes principales enserrant une place d’armes encore visible, l’autre, bien conservé, abritant un châtelet central. La partie habitable du château est composée de caves voûtées et des ruines d’une tour. De la cour centrale autour de laquelle s’organisent les bâtiments de la partie la plus ancienne, à 400 m d’altitude, un large panorama offre une vue exceptionnelle, notamment sur la mer.
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