Et si l’habitation de demain ressemblait enfin à ce slogan percutant signé Yvivre : « Bien chez soi, mieux ensemble » ? Partant du constat que la politique du logement affiche des ambitions encore étriquées – appartements standardisés, uniformisés, trop petits et bas de plafond* – l’architecte Thomas Landemaine a décidé d’agir. À la tête de sa société Yvivre, créée en 2019 avec deux associés, il s’est engagé dans une démarche novatrice : repenser le logement urbain en conciliant valeurs de l’habitat participatif et efficience de la promotion immobilière.
« Faute de foncier disponible, le modèle de maisons individuelles, tel qu’il existe aujourd’hui, est révolu, analyse Thomas Landemaine. Face à la nécessaire densification de l’urbain, il faut trouver des solutions pour faciliter l’accès à la propriété tout en proposant des logements adaptés aux nouveaux modes de vie. L’offre actuelle est complètement déconnectée des besoins spécifiques des acquéreurs. À aucun moment, les habitants ne sont impliqués dans la fabrication de leur futur lieu de vie. »

Maisons individuelles superposées
À rebours du schéma traditionnel promoteur-architecte-habitant, Yvivre propose donc de mettre l’acquéreur au début du processus de fabrication de son habitat.
Inverser le processus dès le départ d’un projet immobilier a de nombreuses vertus. « Cela permet d’abord à chacun de programmer son logement en fonction des besoins en surface et du prix (variant selon l’orientation, le niveau…). On lutte aussi contre la spéculation immobilière en réinventant le concept de la copropriété avec 100 % de propriétaires occupants, ce qui permet d’alléger les coûts (exit les frais de portage) et enfin de mutualiser les surfaces », détaille l’architecte.
Pour faciliter et fluidifier le processus, la société montpelliéraine a développé un algorithme de “matching“ et une plateforme numérique centralisant l’ensemble des demandes. Le concept est simple : il suffit de s’inscrire sur un projet (Yvivre propose une sélection d’opérations immobilières), de personnaliser son logement (un T2 de 80 m2, exposé sud au dernier étage par exemple) puis de définir des espaces partagés (un studio pour les amis, un potager, une terrasse…) sur le principe de la microcopropriété. Selon les critères définis, l’application indique en temps réel un prix estimatif. Une fois le projet imaginé, l’architecte prend le relais pour la phase de conception, jusqu’à la finalisation avec le promoteur.
« Le principe général découle de l’habitat participatif mais on est là dans un processus efficient, porté par une promotion immobilière structurée, poursuit Thomas Landemaine. Ce changement de paradigme vise à démocratiser la fabrication de programmes sur mesure qui s’apparentent alors à des maisons individuelles superposées ». À mille lieux de résidences uniformisées, cette construction collaborative a également la vertu de générer des architectures extraordinaires.
Non content de révolutionner la durée moyenne d’une opération d’autoconstruction en France – moins de 30 mois selon un calendrier défini étape par étape au lieu des huit ans habituels, Yvivre aimerait par la suite s’engager dans la multiprogrammation, en intégrant des équipements style crèche, cabinet médical partagé…

Montpellier, site pilote ?
Malgré un programme avorté au sein de la ZAC République, quartier de Port Marianne, la société Yvivre réitère ses ambitions immobilières sur la métropole montpelliéraine mais aussi à Nantes et à Lyon.
« Le programme SoWood de la ZAC République avait fait l’objet de plus de 350 demandes. Malheureusement, nous n’avions pas suffisamment bien défini avec le promoteur les prix de vente, qui ont fini par dépasser les 7 000 €/m2. Une aberration mais cela nous aura servi d’expérience. Nous avons aujourd’hui en projet trois opérations, l’une en foncier privé et les autres en public (lire page suivante). Ce premier programme devrait être lancé à Montpellier, en avril prochain. »
Ces copropriétés innovantes, de 20 à 30 logements chacun, promettent des expériences de vie singulières, qui, sans être communautaires, partagent un socle de valeurs communes – initiatives en faveur de la biodiversité, constructions à énergie positive, etc. – à adopter tous ensemble, dans un état d’esprit bienveillant.

La dissociation foncier-bâti

Face à l’envolée des prix fonciers et immobiliers, le partenariat avec des organismes fonciers solidaires est une solution pour permettre aux ménages à revenus moyens d’accéder à la propriété. L’architecte Thomas Landemaine la propose : « La dissociation foncier-bâti réduit jusqu’à 30 % des coûts puisque l’acquéreur n’est pas propriétaire du terrain. Ce modèle, très répandu dans les pays anglo-saxons, concerne en France les logements sociaux. Yvivre le propose dans ses programmes car le format est très intéressant. Il permet en outre de stabiliser les prix, en évitant la spéculation immobilière. »

* Malgré son dernier programme « Habiter la France de Demain » qui avance dans le bon sens, mais à pas feutré, la ministre Emmanuelle Wargon n’a pas souhaité valider la proposition d’établir la hauteur de plafond à 2,60 m – comme la plupart de nos voisins, l’Italie étant même à 2,70 m. Rentabilité oblige ? Elle a préféré s’en tenir à 2,50 m, valeur inchangée depuis les années 50, ne tenant pas compte de l’augmentation moyenne de la taille de la population.