Dans la petite salle du théâtre Le Vent des Signes à Toulouse, une vingtaine de personnes entourent Caroline Delume à la fin de son concert de téorbe. Son instrument étonne, son répertoire intrigue. Rares sont les concerts où l’on peut s’approcher aussi près de l’artiste. Tranquillement, elle répond à toutes les questions notamment sur les origines et les spécificités de cette sorte de luth au manche démesurément long, apparu en Lombardie au XVIIe siècle, ou sur ces morceaux ultra-contemporains, répétitifs, étonnants qu’elle interprète. Anne Lefèvre, comédienne et propriétaire du théâtre, savoure cet instant de partage et de rencontre. « Ce concert fait partie de la série In a Landscape que Didier Aschou, directeur du Groupe de musique électro-acoustique (GMEA) d’Albi, a souhaité faire tourner en région et m’a proposé de recevoir. »
L’embarras du choix
Le GMEA fait partie des huit centres nationaux labellisés par le ministère de la Culture pour promouvoir et expérimenter de nouvelles formes musicales. Chaque année, une centaine de compositeurs, interprètes et artistes sont accueillis en résidence dans ces structures, qui organisent également des concerts ou des festivals. « Dans les locaux du GMEA, il y avait une petite pièce qui servait de stockage et je me disais qu’elle constituerait un bon espace de travail pour des musiciens jouant seul ou à deux », se souvient Didier Aschou. La mairie a accepté de la transformer en auditorium capable d’accueillir une trentaine de spectateurs, pas plus. Avec la spécificité, comme au théâtre Le Vent des Signes de ne comporter aucune délimitation entre la scène et la salle. L’idée est de faire découvrir des artistes internationaux ou locaux représentatifs de la création actuelle, à raison d’un par mois, de novembre à mai. Le choix est vaste. Pourquoi ne pas inviter des femmes, exclusivement des femmes musiciennes ou compositrices, s’interroge Didier Aschou ? Son objectif étant « de casser la surreprésentation des hommes ». « Certains disaient, les femmes, on voudrait bien en programmer, mais il n’y en a pas assez », poursuit-il. Or, depuis six ans qu’il a lancé cette série de concerts, il l’affirme : « Je n’ai que l’embarras du choix. » Mais surtout, Didier Aschou s’est aperçu que les femmes expérimentaient davantage que les hommes, pour oser, « c’est mieux de ne pas être dans une position dominante ».
Tout en douceur
Au départ, le directeur du GMEA voulait appeler cette série de concerts Dancing Dogs, en référence à un texte de Virginia Woolf dans lequel une personne demande à un compositeur si une femme peut écrire de la musique. La réponse est cinglante : c’est comme les chiens, ils peuvent marcher sur leurs pattes arrière, mais ils ne sont pas faits pour ça ! Trop polémique. Ce sera In a Lanscape (Dans le paysage) en référence cette fois à John Cage. Un paysage tout en douceur, vert « où ça pousse. »
Le public, hésitant au départ, est au rendez-vous. D’autant que la proximité avec l’artiste favorise une forme de pédagogie propice à la réception de nouvelles œuvres. Face à ce succès, l’idée a été de faire tourner ces concerts en région. D’abord à Toulouse, en partenariat avec le Théâtre Le Vent des Signes et le Théâtre Garonne et désormais à Sète au CRAC (centre régional d’art contemporain) et à l’école des Beaux-Arts. Prochains rendez-vous avec Meryll Ampe (instruments analogiques) le 19 avril au GMEA (Albi), le 20 avril Le Vent des Signes (Toulouse), 21 avril École des Beaux-Arts, Sète.