À peine sorti et déjà best-seller ! Paru en octobre 2023, dans la collection Les femmes qui chez Flammarion, le livre de l’Héraultaise Annie Coste avait déjà dépassé les 10 000 ventes à Noël et, dès février 2024, l’éditeur en lançait la réimpression. Il est vrai que la galerie des 62 portraits que nous présente l’autrice donnent sacrément envie d’en savoir plus sur les « dangereuses » musiciennes dont il s’agit. Chacune mériterait un livre tant les faits rapportés sur leurs vies sont foisonnants, étonnants, admirables, drôles, tragiques… ; « un long-métrage, je dirais, un biopic », ajoute Annie Coste rencontrée dans les locaux de la salle de concert Victoire 2, en mars dernier. Guitariste elle-même, elle y a ses habitudes puisque c’est dans ces studios de la métropole montpelliéraine que son groupe, Les roulettes rousses, répète régulièrement.
Graphiste, professeure d’arts appliqués, chargée de mission en éducation artistique et culturelle, entre autres, la voilà écrivaine et sollicitée partout pour présenter son livre érudit, jusqu’à Montreux, en Suisse, la ville du célèbre festival de jazz. Le ressort, son déclenchement, dit-elle, tient pourtant à sa propre inhibition à devenir musicienne : « Je me suis empêchée. ll m’a quand même fallu un demi-siècle pour me mettre à la guitare. C’est pathétique ! Le fait de me consacrer à ce livre m’a fait du bien. Ça a apaisé ma culpabilité de ne pas avoir commencé plus tôt. Et en lisant toutes ces histoires, en découvrant toute la problématique de la place des femmes dans la musique, j’ai compris que je n’étais pas responsable. J’avais simplement 4 000 ans qui pesaient sur mes épaules et qui m’empêchaient de me trouver légitime avec une guitare entre les mains. »
Le plaisir et l’apaisement sont tels qu’il a fallu limiter l’enthousiasme de l’entreprise qui s’avère colossale. « Les bio ne dépassent pas 2 000 signes, c’est une demande de mon éditeur. » Mais grâce à un QR code, une play-list de 179 titres est disponible renvoyant aux plateformes d’écoute dédiées.

Après une contextualisation historique édifiante, on rencontre « les prêtresses antiques et médiévales », « les brillantes baroques et classiques » et autres « de l’ère moderne ». Quelques noms connus se découvrent naturellement au fil des chapitres… Aretha Franklin, Barbara, Calypso Rose, Joni Mitchell, Kate Bush, Lady Gaga… mais à la toute fin puisque précisément, c’est de l’invisibilisation des autrices, compositrices, dans l’histoire dont il est question. Saviez-vous par exemple que « pour gagner leur liberté de créer, de nombreuses femmes intégr[ai]ent les ordres » ? C’est en tout cas ce que nous apprend Annie Coste en plus de mille informations glanées dans presqueautant de livres et recherches sur internet. Connaissez-vous Pauline Viardot que Listz considérait comme « archi-musicienne » et Berlioz comme « la plus grande artiste de tous les temps » ? Elle a écrit pour Schubert, Brahms et Haydn et composé près de « deux cent cinquante œuvres splendides ».
Pour tous, encore, l’affaire est entendue : le premier rocker s’appelle Chuck Berry, Little Richard ou éventuellement Elvis Presley… Que nenni ! Il s’agirait plutôt de Sister Rosetta Tharpe qui, à la guitare, se déhanchait vingt ans avant sur Rock Me, That’s All ou encore This Train, son tube, en 1938 !
Quant à Lucille Bogan (1897/1948) et son « Blues classé X », en plaisante Annie Coste, il ferait presque « passer les rappeurs hardcore d’aujourd’hui pour des chérubins ! »
Le livre d’Annie Coste, très bien écrit, est donc tout sauf un répertoire barbant pour musicologue rasoir. Ces 160 pages richement illustrées sont un outil tout aussi indispensable à la cause féminine – humaine donc – que Le Deuxième sexe.

Les Femmes musiciennes sont dangereuses,
éd. Flammarion – 29,90€